Des chercheurs français avancent des preuves d’émissions en quantité importante d’hydrogène naturel sur les continents de la planète. Une énergie renouvelable et non polluante, mais dont la question de la génération en quantité importante dans nos sous-sols est controversée.
L’hydrogène naturel désigne l’hydrogène, existant sur terre à l’état naturel, sous la forme de la molécule d’hydrogène (H2). Depuis les années 1970, des émanations d’hydrogène naturel ont d’abord été trouvées dans les océans, notamment par l’Ifremer. Bien sûr un hydrogène de cette sorte, récupérable en grande quantité, serait une ressource de grand intérêt. Il permettrait de passer outre les deux procédés industriels de production d’hydrogènes utilisés aujourd’hui, le vapore-formage et l’électrolyse de l’eau. Mais avec des flux modestes et situées à plus de 4 000 mètres de profondeur, ces sources océaniques sont parfaitement inutiles de point de vue industriel. Et malgré ces découvertes dans les océans, qui prouvent que l’hydrogène circule librement dans le sous-sol, les scientifiques n’ont pas imaginés que de telles émanations pouvaient aussi avoir lieu sur les continents. « C’est même un credo scientifique, cela fait partie des choses admises à l’école», explique Alain Prinzhofer, docteur d’État en géologie-géochimie, et chercheur à l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) pendant 20 ans. «Le gaz hydrogène ne peut pas se former dans le sous-sol ». Avec Eric Deville, les deux chercheurs, quoique sceptiques, travaillent pourtant à l’IFPEN sur ce sujet controversé : la Terre pourrait-elle être une source importante d’hydrogène?
Promouvoir la découverte
« Lorsqu’en 2010, des chercheurs russes sont venu nous affirmer qu’il y avait de l’hydrogène naturel qui sortait du sol en Russie, avec un flux conséquent, raconte Alain Prinzhofer. Nous étions d’abord suspicieux, mais ils nous ont alors invités à venir voir par nous-mêmes. Les faits étaient irréfutables. Nous pouvions calculer qu’il sortait sur ce site quelque 40.000 m3 par jour de dihydrogène !» Depuis 2010, les acteurs industriels et académiques commencent timidement à s’emparer de la question. En 2013, l’IFPEN sort un communiqué de presse provoquant un mini déferlement médiatique dans le monde scientifique. Pour promouvoir sa découverte, Alain Prinzhofer a, quant à lui, intégré comme directeur scientifique la jeune entreprise brésilienne de consulting GEO4U, qui fait du service et de la recherche pour l’exploration de l’hydrogène naturel.
Les techniques de production
« Il ne faut pas pour autant croire que l’on puisse sentir cet hydrogène sortant du sol, précise le chercheur, ou qu’il ait des conséquences sur une flamme allumée à proximité. Ces flux sont extrêmement diffus et nécessitent des instruments pour être détectés. Ils ne sont pas non plus récupérables tels quels industriellement ». En revanche, ces «fuites» d’hydrogène seraient détectables dans toutes les régions du monde.
Mais d’où viendrait donc cet hydrogène ? « On a produit du pétrole pendant plusieurs dizaines de milliers d’années sans rien comprendre à sa formation », explique Alain Prinzhofer. Plusieurs interprétations coexistent. La plus crédible est l’hypothèse selon laquelle l’eau subit une réduction chimique. Le meilleur réducteur présent dans le sous-sol est le fer. L’oxydation de la forme Fe2+ en Fe3+ permettrait la réduction de H20 en H2. La génération de cet hydrogène pourrait avoir lieu ainsi en de nombreux sites à quelques dizaines de kilomètres de profondeur. Produit ainsi en continu, cet hydrogène devient potentiellement une ressource renouvelable, un flux, et non un stockage fossile, comme le pétrole ou le méthane ! Au contraire de ces deux ressources, l’hydrogène ne peut pas rester dans le sol sur des temps géologiques aussi longs car il est trop volatil et réactif. Mais ils pourrait tout de même transiter par des poches pendant quelques centaines d’années, à des profondeurs très variables. L’exploitation du dihydrogène emprisonné temporairement dans ces poches n’est alors pas à priori difficile. Des techniques analogues à celles utilisées pour l’exploitation et la production du pétrole, du gaz ou des mines peuvent être utilisées. Pour localiser les poches d’hydrogène en profondeur, la géophysique, la sismologie, la gravimétrie ou encore le magnétisme peuvent être sollicités. Cette dernière technique serait particulièrement pertinente s’il s’avère que c’est la transformation du fer qui est à l’origine de cet hydrogène. En outre, si l’hydrogène est associé à de l’eau dans un aquifère , il pourrait être possible de coupler la production d’hydrogène avec de la géothermie.
Prudence
Il existe même un endroit au monde où la production d’hydrogène naturel a commencé. Au Mali, un forage de 200 mètres de profondeur permet de produire du dihydrogène pur à 98 % depuis 2011. Et l’homme à l’origine de ce forage, Aliou Dialo Boubacar, compte en mettre en production 18 autres l’année prochaine. « Il turbine cet hydrogène pour en faire de l’électricité pour le village, explique Alain Prinzhofer. L’électricité est près de 5 fois moins chère que celle du marché malien. Au Kansas, un producteur a également réalisé un forage dans un gisement et réfléchit à son exploitation ».