Dans le secteur minier, chaque décision stratégique repose sur une évaluation rigoureuse des réserves minérales. Cette évaluation, essentielle pour la pérennité économique et la crédibilité d’un projet, repose cependant sur une donnée fondamentalement incertaine : la géologie elle-même.
Si pour les géologues et ingénieurs miniers, les incertitudes géologiques et géostatistiques sont une réalité quotidienne acceptée et gérée avec rigueur, pour certains décideurs non issus du milieu scientifique ou technique, la notion d'incertitude peut être perçue comme un frein au développement rapide des projets. C’est précisément ici que naissent de nombreux malentendus stratégiques, économiques et politiques.
Une réserve minière représente la portion d'une ressource minérale démontrée économiquement viable et techniquement exploitable selon les standards internationaux tels que ceux définis par le code JORC ou le code NI 43-101. Cependant, malgré l'application de méthodologies rigoureuses incluant forages exploratoires, modélisation géologique 3D et techniques géostatistiques avancées telles que le krigeage ordinaire ou l'approche par simulations conditionnelles, l'incertitude demeure.
La principale source d'incertitude provient notamment de l’hétérogénéité intrinsèque des gisements miniers (variabilité spatiale des teneurs, continuité des corps minéralisés et structure géologique). Cette variabilité impacte directement la fiabilité des estimations, générant des risques significatifs dans la planification minière, l’optimisation des réserves et les stratégies d’exploitation.
Alors que les spécialistes techniques intègrent naturellement ces incertitudes en appliquant des facteurs de prudence et des analyses de sensibilité lors de la planification minière, certains décideurs peuvent interpréter cette incertitude comme une faiblesse technique ou une inefficacité organisationnelle. Ce décalage de perception engendre parfois des décisions trop optimistes, minimisant le risque géologique réel, ce qui peut conduire à des pertes financières importantes et à des tensions avec les communautés et les investisseurs.
Les erreurs d’évaluation des réserves peuvent entraîner des dépassements de coûts significatifs, des retards dans les phases de développement, des problèmes opérationnels majeurs, et une perte de confiance généralisée envers les projets miniers. Par exemple, l’arrêt du projet minier de Pascua-Lama ou encore les controverses liées à certains projets aurifères en Afrique de l'Ouest illustrent bien ces impacts. Une étude publiée par le cabinet EY en février 2022 indique que 64% des projets miniers mondiaux d'une valeur supérieure à 1 milliard de dollars ont connu des dépassements de budget ou de calendrier, avec un dépassement moyen des coûts de 39%.
Pour minimiser ces risques, plusieurs approches scientifiques et techniques peuvent être mises en œuvre :
Les incertitudes géologiques et minières ne devraient pas être vues comme des obstacles, mais comme des opportunités pour améliorer la robustesse des stratégies minières. Une prise de décision éclairée, intégrant pleinement l’expertise scientifique et technique, permettra au secteur minier de gagner en résilience économique et environnementale. L’avenir appartient aux organisations capables de reconnaître, comprendre et maîtriser ces incertitudes afin d’assurer un développement minier durable et responsable.