Mines Géologie
Entretien avec le Directeur général de la Société Anonyme Chérifienne d’études minières « SACEM », Ahmed Benjilany
Changements climatiques : Adaptation et atténuation sont les leitmotiv de la SACEM
La SACEM est connue comme opérateur de grande envergure dans l’industrie minière, elle est une des entreprises nationales qui opère dans l’extraction et la commercialisation du manganèse. Par conséquent elle ne cesse d’intervenir de manière performante dans le secteur, une action qui lui permet de se rehausser, par sa qualité d’entreprise moyenne, au niveau de nos grandes sociétés minières. Et c’est par cette endurance professionnelle que notre magazine ouvre ses colonnes au Directeur général de la SACEM pour en faire acte de foi.
Énergie/mines et carrières: Chaque minerai a sa méthode de valorisation, celui du manganèse de la mine de l’Imini, dans la région de Ouarzazate, que met en valeur la SACEM présente une particularité; une valorisation sans utilisation d’eau. Vous êtes d’emblée dans l’atténuation ?
Ahmed Benjilany : Notre procédé se base sur une méthode de séparation granulo-densimétrique par voie sèche, ce qui nous permet de déshumidifier le minerai tout-venant. Nous sommes, du coup, dans une approche d’atténuation endogène grâce au procédé industriel mis en place en ne faisant psa appel à l’eau. En soufflant de l’air sur des éléments finement broyés, les grains fins et denses généralement riches en manganèse partent avec le produit fini et les grains grossiers et légers sont recyclés pour être rebroyés jusqu’à atteindre la maille de libération du manganèse et la séparation du minerai de sa gangue stérile
Le séchage n’utilise pas d’eau mais de l’air chaud et par conséquent il y a une consommation d’énergie conséquente ?
Tout d’abord, on économise l’eau, ce qui est important dans une zone aride. La SACEM a toujours été consciente de l’impact de la consommation énergétique aussi bien sur le plan coût qu’impact sur l’environnement. Nous n’utilisons pas d’énergie fossile mais de l’énergie électrique, laquelle est en constante diminution durant ces 10 dernières années. Elle a diminué de près de moitié en remplaçant l’ancienne usine vétuste et énergétivore par une nouvelle.
D’autres pistes sont en cours de prospection pour diminuer davantage notre facture énergétique avec l’utilisation des énergies propres (solaire et éolienne), essentiellement pour des utilisations domestiques de la mine (la Cité Minière, l’Administration, …)
Vous avez procédé en 2008 à un investissement conséquent pour la mise en place d’une nouvelle usine où l’empreinte environnementale a été drastiquement prise en charge, notamment dans le volet énergétique?
Pas seulement sur le plan énergétique comme signalé plus haut mais également sur le plan environnemental avec un système de transport dans l’usine fonctionnant en dépression au lieu de celui de surpression qui provoquait un fort empoussièrement.
La nouvelle usine a permis une réduction de la consommation d’énergie d’environ 40% de consommation d’énergie grâce à, entre autre, un appareil appelé Turbo-Sélecteur-Ventilé (TSV). Dans le mot turbo, il y a la notion de recyclage et donc de gain d’énergie, dans le mot Sélectif il y a la séparation du minerai de sa gangue. Et enfin, dans mot ventilé, il y a naturellement une utilisation de l’air. Cette technologie nouvelle, dont nous sommes les seuls utilisateurs dans le secteur minier au Maroc, nous a d’emblée positionné dans une stratégie d’atténuation aux effets des changements climatiques.
Le coût d’investissement dans des stratégies d’atténuation est-il dissuasif pour des entreprises de taille moyenne ?
D’abord, l’investissement a été étalé sur plusieurs exercices, donc l’effet financier est atténué d’autant plus que la SACEM n’a pas fait appel à des emprunts bancaires, l’investissement a été financé par nos fonds propres.
Certes, l’investissement a été conséquent pour l’opérateur de taille moyenne que nous sommes. Seulement, il y a deux manières d’appréhender la problématique. Soit qu’on la considère comme pénalisante sur le plan financier stricto-sensu, soit qu’on la considère comme une innovation technologique et industrielle qui permet une production de meilleure qualité, un faible coût de revient et une réduction drastique de l’impact sur l’environnement. La SACEM a opté pour la deuxième option. Il faut aussi souligner que l’empoussièrement dégagée par nos anciennes unités de production a complètement disparu, puisque les nouvelles machines reposent sur le principe de «dépression et filtration» et donc pas d’empoussièrement (zéro manganèse dans l’air)
La quête d’innovation vous a également mis sur le chemin de l’adaptation puisque les rejets solides accumulés ont été finalement source d’une profitabilité commerciale et environnementale.
Une mine qui s’implante dans un écosystème donné est dans l’obligation ontologique de déployer un effort d’adaptation continu. Et l’adaptation, qu’elle touche le «climat, géographique ou social», est d’abord une question de volonté et d’innovation.
Il y a 40 ans, l’opérateur que nous étions produisait un rejet non commercialisable à l’époque. Ces rejets étaient consubstantiels à l’activité de l’époque. Accumulés pendant plus de 40 ans, ces rejets ont constitué des montagnes de plusieurs milliers de tonnes qui ,certes, n’avaient pas un impact sur la faune et la flore mais portaient préjudice néanmoins à l’esthétique de la région.
Notre objectif dès 2006 a consisté à trouver le moyen de ne plus produire ce rejet et de réduire l’impact de celui accumulé pendant des décennies. Nous avons donc établi un partenariat avec des opérateurs chinois qui ont élaboré un procédé de réutilisation de ce rejet dans les aciéries et unités métallurgiques. Les partenaires chinois ont testé quelques kilogrammes dans leurs laboratoires, puis quelques tonnes pour des essais semi industriels et finalement, les résultats ayant été très positifs, nous avons pu exporter vers la Chine l’équivalent de 200.000 tonnes en l’espace d’une année. Ce manganèse a été dès lors utilisé pour renforcer le fer et l’acier fabriqué par les unités métallurgiques chinoises.
Cette grande quantité a servi pour renforcer le fer et l’acier utilisés pour la construction du village olympique et le stade olympique de Pékin surnommé «le Nid d’oiseau», ainsi même si le Maroc n’a pas participé aux jeux olympiques de Pékin en 2008 il a été représenté par le manganèse marocain de la mine de l’Imini.
En guise de conclusion, l’ensemble de la communauté marocaine est interpellée pour pallier aux conséquences du GES qui a à mon sens porte deux significations :
1- Gaz à Effet de Serre (GES)
2- Garantie et Engagement pour la Stabilité (GES) de notre pays sous la conduite éclairée de Sa Majesté Mohammed VI.