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Youssef DAAFI : Un parcours d’un Pionnier Marocain du Secteur Minier vers l’Excellence Internationale

Comment votre passion pour la géologie et le secteur minier a-t-elle débuté, et comment a-t-elle évolué au fil de votre parcours professionnel ?
Ma passion pour la géologie a germé très tôt, nourrie par une fascination pour les ressources naturelles et leur potentiel économique et scientifique. Mon parcours académique a été fondamental pour structurer et approfondir cette passion : j’ai commencé avec une formation de technicien spécialisé en géologie appliquée à l’Institut des Mines de Marrakech, qui m’a permis d’acquérir les bases pratiques de l’industrie minière. Par la suite, j’ai obtenu un diplôme d’ingénieur géologue de l’École Nationale Supérieure des Mines de Rabat, une institution qui m’a inculqué une rigueur scientifique et m’a exposé aux défis de l’exploration et de l’exploitation minière. En quête d’une perspective plus internationale, j’ai suivi une formation spécialisée sur l’exploitation des phosphates à la Colorado School of Mines aux États-Unis, qui m’a permis de maîtriser des méthodes d’exploitation avancées, appliquées ensuite au contexte marocain. Enfin, j’ai complété mon parcours par un Master en géopolitique et géoéconomie de l’Afrique émergente à HEC Paris, une étape déterminante pour comprendre les enjeux stratégiques des ressources en Afrique et les intégrer dans ma vision pour le secteur minier marocain. Aujourd’hui, mon engagement se poursuit à travers un Executive MBA avec Columbia Business School et l’Africa Business School de l’UM6P, qui me prépare à gérer des projets d’envergure avec une approche holistique et stratégique.

Quels sont, selon vous, les atouts du Maroc en matière de ressources minières et quelles initiatives devraient être encouragées pour les valoriser davantage ?
Le Maroc est doté de ressources minières variées et stratégiques, en particulier les phosphates, qui représentent une ressource mondiale cruciale pour l’agriculture et la sécurité alimentaire. Mais notre pays recèle aussi d’autres minéraux essentiels, tels que la silice, le manganèse et les minéraux critiques pour les technologies de transition énergétique. Afin de maximiser le potentiel de ces ressources, il est essentiel de renforcer les liens entre l’industrie et les institutions de recherche, comme l’UM6P, pour développer des projets d’innovation. J’ai eu la chance de contribuer au développement de plateformes de transfert technologique en Afrique et je crois fermement que le Maroc peut devenir un centre d’excellence en matière de formation et de recherche minière. En investissant dans des programmes de formation avancée et en encourageant l’adoption de normes environnementales internationales, nous pourrons renforcer notre position sur la scène mondiale et attirer davantage d’investissements étrangers.

Vous êtes le premier Nord-Africain certifié par la Society for Mining, Metallurgy & Exploration (SME). Que représente cette distinction pour vous et pour le secteur minier marocain ?
Cette certification est plus qu’une simple reconnaissance ; elle valide mes années de dévouement à l’industrie minière et mon adhésion aux normes professionnelles internationales. En tant que premier Nord-Africain à obtenir cette distinction, je ressens une grande responsabilité et une fierté personnelle, mais aussi un devoir envers le secteur minier marocain. C’est une occasion de démontrer que nos compétences locales sont à la hauteur des exigences internationales et que nous pouvons rivaliser avec les meilleurs. Cette certification devrait encourager d’autres professionnels marocains à s’engager dans des parcours de certification, contribuant ainsi à un développement continu des compétences et à une reconnaissance accrue du Maroc dans ce domaine stratégique.

À noter que j’ai eu l’honneur d’être reconnu par d’autres organisations internationales à savoir : EurGeol de la Fédération Européenne des Géologues (FEG), QP de la Mining and Metallurgical Society of America (MMSA), et CPG de l’American Institute of Professional Geologists (AIPG).

Vous avez publié plusieurs travaux scientifiques. En quoi ces contributions enrichissent-elles le secteur minier marocain et inspirent-elles les jeunes générations de géologues ?
Mes publications scientifiques reflètent des années de recherche approfondie et de collaboration avec des institutions académiques et des experts de renommée internationale, notamment à l’UM6P. Par exemple, mon travail en collaboration avec les chercheurs de l’UM6P, sur la valorisation des sous-produits miniers, publié dans des revues comme le Journal of Cleaner Production, vise à apporter des solutions concrètes et innovantes aux défis de durabilité dans le secteur minier. Ces recherches ont permis d’explorer des applications nouvelles et durables pour les déchets de phosphates, et illustrent comment la science peut servir à créer de la valeur ajoutée à partir de ressources locales. Mon objectif est aussi d’inspirer les jeunes géologues marocains à envisager la recherche comme une voie d’impact et de changement, et de leur montrer que, par le partage de connaissances, ils peuvent contribuer au développement d’un secteur minier plus durable et innovant.

À votre avis, quels sont les plus grands défis que le secteur minier marocain doit relever pour s’imposer comme un leader régional et mondial ?
Le secteur minier marocain est en pleine mutation et doit relever des défis complexes pour se positionner en leader mondial. D’abord, il doit adopter des technologies vertes et durables pour minimiser l’impact environnemental de ses activités. Ensuite, la formation continue et le développement des compétences locales sont cruciaux ; il est essentiel d’investir dans les talents marocains pour qu’ils deviennent des experts reconnus au niveau international. Par ailleurs, le secteur doit intégrer des standards internationaux, notamment en matière de reporting des ressources et réserves, pour gagner la confiance des investisseurs étrangers. En tant que professionnel qualifié et certifié, je suis personnellement engagé à promouvoir ces standards au Maroc. Ce sont ces efforts combinés qui permettront au Maroc de se positionner en tant que référence régionale et mondiale dans le domaine minier.

Vous avez collaboré avec plusieurs universités et instituts, comme l’Université Mohammed VI Polytechnique. En quoi ces partenariats contribuent-ils au développement du secteur minier marocain ?
Ces partenariats académiques sont essentiels pour le développement du secteur minier. En travaillant étroitement avec l’UM6P, nous avons pu concevoir des projets de recherche appliquée qui répondent directement aux besoins de l’industrie. Cela inclut des travaux sur la géologie des minéraux critiques, la gestion des impacts environnementaux, et le développement de solutions durables pour la valorisation des ressources. Ces collaborations créent un écosystème favorable à l’innovation, reliant le savoir théorique à l’application pratique, et renforcent l’attractivité du Maroc en tant que pôle de recherche minière. En tant que professionnel, j’ai toujours soutenu ce type de collaboration qui permet au secteur de bénéficier des dernières avancées scientifiques tout en développant des compétences locales.

Vous avez eu l’honneur d’être auditionné en tant qu’expert lors de la réalisation du rapport du CESE sur les minerais stratégiques et critiques. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’importance de ces ressources pour la transition énergétique et la souveraineté industrielle du Maroc, ainsi que votre contribution à cette étude de référence ?
Être auditionné pour cette auto-saisine du CESE a été un privilège et une occasion de contribuer directement à une vision nationale des minerais critiques, essentiels pour la transition énergétique et l’indépendance industrielle du Maroc. Mon intervention s’est concentrée sur les solutions pour sécuriser les approvisionnements et optimiser l’exploitation durable de ces ressources. Cette expérience a renforcé ma conviction quant à l’importance de ces minerais pour les industries de haute technologie et les énergies renouvelables, où le Maroc pourrait jouer un rôle de leader régional. Contribuer à une étude de cette ampleur et voir le Maroc se démarquer en Afrique du Nord dans le domaine est une immense fierté pour moi.

Quelle est votre vision pour l’avenir du secteur minier au Maroc, et quel message souhaiteriez-vous transmettre aux jeunes marocains aspirant à faire carrière dans ce domaine ?
Je suis convaincu que l’avenir du secteur minier marocain repose sur trois piliers : la durabilité, l’innovation et le talent local. En mettant en œuvre des pratiques responsables et en adoptant les dernières technologies, le secteur peut se développer de manière durable, en harmonie avec l’environnement. Mon message aux jeunes Marocains est simple : n’ayez pas peur de viser l’excellence. Le Maroc regorge de ressources naturelles et de possibilités pour celles et ceux qui ont le courage et la détermination de s’engager dans ce secteur. En se formant, en innovant et en restant fidèles à nos valeurs, ils contribueront non seulement à leur propre réussite, mais également à la prospérité et au rayonnement du Maroc sur la scène mondiale.

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