Mines Géologie
Mine de Jrada : l’interdite-tolérée
Depuis sa reconnaissance par les géologues en 1929 et son exploitation effective en 1936, le bassin carbonifère de Jérada avait transformé cette région agricole en zone minière. Il s’agit d’extraction minière dans les conditions du 19è siècle, sans technologie ni équipements… du gratouillage de restes de gisement non exploités, à proximité de la surface, en descendant à partir d’affleurements, jusqu’à la limite des forces et capacités humaines.
Les Charbonnages du Maroc, à l’occasion de leur dernier Conseil d’Administration, ont fait ressortir une très nette amélioration de tous les indicateurs permettant d’envisager la continuité de la mine jusqu’en 2005, toutes choses étant égales par ailleurs. La mine était considérée «en déclin irréversible par les spécialistes. Mais les pouvoirs publics d’en tant affirment vouloir assurer la survie de cette mine pour maintenir la ville, élevée au rang de province.
La direction des Charbonnages avait tenté par le passé le redressement qui a abouti en 1993 aux à l’augmentation et à la sécurisation de la production de charbon (603.800t à fin 1993 contre 575.800t à fin 1992) avec parallèlement une augmentation des creusements de 8%. Une amélioration de la productivité et des rendements (822 kg/Hp à fin 1993 contre 730 kg/Hp à fin 1992), mais en vain.
L’amélioration des conditions de l’hygiène et du travail en général s’est heurtée à une réduction d’effectif qui allait crescendo. Grâce aux départs volontaires, les objectifs en la matière ont été atteints sans crise sociale.
Fermée aujourd’hui, la reconversion de ses habitants en commerçants de fortune ou petits fellahs montre que la mine a créé autour d’elle une communauté de destins, une identité propre à ceux qui ont partagé les joies de la fête, mais aussi les ruines invisibles de la silicose : inhalé au fond des galeries souterraines, le dépôt cristallin de poussière noire finit par durcir et obstruer l’appareil respiratoire, y étouffant progressivement la vie. Incurable est la silicose, parce qu’elle adhère irrémédiablement aux parois pulmonaires.
L’inertie se substitue progressivement à la plasticité cellulaire, le mort se saisit du vif. La mine ferme, les damnés de la silicose restent.
Ce gisement d’anthracite a été exploité donc de 1927 à 2001 par la mine de Jerada devenue charbonnages
du Maroc, en utilisant des méthodes d’exploitation, des équipements donc des capitaux importants.
C’est bien difficile aujourd’hui d’en penser à la modernisée en utilisant des équipements apparus après la 2è guerre dans les mines du Nord de l’Europe, et en adaptant les méthodes selon les caractéristiques propres du gisement – un gisement très difficile à mécaniser.
Comme toute ressource minérale, le gisement s’est «épuisé»; il a fallu cesser l’exploitation et fermer la mine. En fait l’épuisement – «depletion» en anglais – est un concept; cela veut dire qu’à partir d’un certain moment, des années après le début de l’exploitation, on ne pouvait plus trouver de quantités exploitables dans les conditions économiques viables – c’est à dire coûts couverts par les prix de vente.
Mais il reste des quantités plus ou moins importantes qualifiées de «non exploitables dans les conditions
économiques viables». Ces quantités sont situées aussi bien en profondeur proche des quantités exploitées, qu’à faible profondeur sous la surface.
L’anthracite est un charbon de très haute qualité par son pouvoir calorifique élevé, sa faible teneur en cendres et sa faible teneur en matières volatiles.
C’est donc un combustible de choix pour le chauffage et les besoins domestiques.
La centrale électrique ne devrait pas utiliser ce charbon. Pas étonnant alors que dans cette région de Jerada jusqu’à Oujda, il y ait encore une demande d’anthracite qu’assurait la mine autrefois, et que des «mineurs artisanaux» aillent gratter les restes, en assumant tous les risques d’une exploitation, dans des conditions du 19è siècle.
Il n’y a malheureusement pas de solution à cette situation. Interdire et faire respecter strictement l’interdiction ou tolérer les gens d’en faire leur aubaine tant que la pauvreté des habitants en dicte les tabous, répondant ainsi à une demande réelle mais avec des risques d’accidents graves et mortels. À proximité de la surface, toute excavation risque de produire des éboulements et l’ensevelissement de mineurs.