Eau Assainissement

Analyse Holistique des Stratégies de Gestion de la Crise de l’Eau : Une Évaluation Sous Divers Critères

La crise de l’eau au Maroc est le résultat de plusieurs facteurs, notamment la rareté naturelle des ressources en eau, les précipitations inégales dans différentes régions du pays, la surexploitation des nappes phréatiques, l’envasement des barrages, etc. [1, 2, 3]. Le Maroc est l’un des pays méditerranéens les plus vulnérables à la variabilité du climat, et la disponibilité de l’eau est affectée par la diminution de la capacité régulatrice des barrages [2] due au changement climatique [4]. La canicule et la faible pluviométrie ont accentué le déficit hydrique, en particulier dans les régions du Sud et de l’Est du pays [5]. Face à cette crise, le gouvernement marocain a mis en place des mesures d’urgence, telles que la construction de grands barrages, le transfert des ressources en eau des bassins du Nord vers le Sud et la gestion de la demande en eau dans les secteurs domestique et agricole [6, 7].

La gestion efficace et durable des ressources en eau est devenue une préoccupation cruciale pour les zones urbaines du monde entier, en particulier dans le contexte de l’urbanisation rapide et de la demande croissante en eau. Les villes intelligentes, caractérisées par l’intégration de technologies numériques et d’approches basées sur les données, offrent une voie prometteuse pour relever ces défis. Cependant, la sélection de stratégies efficaces de gestion de l’eau pour les villes intelligentes nécessite une évaluation complète qui prend en compte plusieurs critères. L’objectif d’une étude publiée récemment [8] est de remédier à une insuffisance notable dans la littérature existante en fournissant une évaluation systématique et holistique des stratégies de gestion de l’eau basée sur un ensemble diversifié de critères, en utilisant la technique de prise de décision multicritère (MCDM), particulièrement l’Analytic Hierarchy Process (AHP).

Les poids relatifs attribués à différents critères fournissent des indications sur l’importance de chaque critère dans la conception de l’efficacité de ces stratégies. Les résultats suggèrent que certains critères revêtent une importance plus élevée que d’autres, orientant la priorisation et l’allocation des ressources pour la mise en œuvre des stratégies de gestion de l’eau.

Le critère « efficacité et gestion des risques » détient le poids le plus élevé (15,28 %), soulignant son rôle central dans l’évaluation des stratégies de gestion de l’eau. La capacité d’une stratégie à gérer efficacement les risques et à assurer sa performance globale est cruciale pour son adoption et sa durabilité à long terme. Cela met en lumière la nécessité de stratégies qui excellent non seulement en termes de conservation de l’eau, mais qui démontrent également une robustesse face à l’incertitude et aux défis potentiels.

Plusieurs critères relèvent de la catégorie des poids relatifs moyens, indiquant leur rôle significatif mais non dominant dans le processus d’évaluation. Le poids moyen (10,44 %) attribué au critère « efficacité des ressources, équité et considérations sociales » reflète son importance dans la promotion d’une utilisation efficiente des ressources et la garantie d’une distribution équitable des avantages. Il prend également en compte les implications sociales des stratégies, soulignant la nécessité de traiter les préoccupations sociétales telles que l’accessibilité, l’abordabilité et l’inclusivité. Le poids modéré (10,10 %) attribué au critère « intégration avec les systèmes existants, faisabilité technologique et facilité de mise en œuvre » souligne l’importance des stratégies qui peuvent s’intégrer parfaitement avec les systèmes et les technologies existants, facilitant une mise en œuvre fluide.

Cependant, ce critère est équilibré avec d’autres considérations, reconnaissant que la faisabilité technologique n’est pas le seul déterminant du succès d’une stratégie. Le poids (9,84 %) attribué à l’impact environnemental reflète la nécessité d’évaluer les conséquences des stratégies sur l’environnement. Ce critère reconnaît l’importance de minimiser les résultats écologiques négatifs tout en atteignant les objectifs de gestion de l’eau. Le poids modéré (9,79 %) attribué à « Engagement communautaire et acceptation publique » reconnaît le rôle de l’implication du public et de garantir leur adhésion pour une mise en œuvre réussie de la stratégie. Bien qu’important, ce critère n’est pas pondéré aussi lourdement que d’autres, indiquant une approche équilibrée. Le poids modéré (9,35 %) attribué au critère « scalabilité et adaptabilité » souligne leur importance pour répondre aux conditions changeantes et élargir la portée des stratégies. Bien que vitaux pour le succès à long terme, ces facteurs ne sont pas considérés comme les déterminants les plus critiques. La considération du « Return on Investment (ROI) » met l’accent sur l’aspect financier des stratégies. Cependant, le poids plus bas (9,07 %) suggère que bien que les gains financiers soient importants, ils ne sont pas la principale priorité dans l’évaluation des stratégies de gestion de l’eau. Le poids (8,8 %) attribué à l’alignement réglementaire et politique reflète la nécessité pour les stratégies de se conformer aux réglementations et aux politiques établies. Ce critère garantit que les stratégies sont conformes et favorables aux cadres de gouvernance plus larges.

Deux critères relèvent de la catégorie de poids relatifs faibles, indiquant leur impact relativement moindre sur l’ensemble du processus d’évaluation. Le poids le plus bas (8,78 %) attribué à la « fiabilité des données » suggère que, bien que l’exactitude et la fiabilité des données soient des considérations, elles ne sont pas aussi critiques que d’autres facteurs pour évaluer la viabilité des stratégies. Cela pourrait s’expliquer par la disponibilité de technologies avancées de collecte et d’analyse de données qui atténuent les préoccupations liées aux données. Le poids légèrement inférieur (8,55 %) attribué à la « durabilité à long terme » souligne son importance pour des stratégies de gestion de l’eau réussies. Bien qu’une considération clé, elle est jugée modérément importante par rapport à d’autres critères.

Les stratégies avec des sommes pondérées élevées, telles que « mesure et surveillance intelligentes, gestion de la demande et changement de comportement » et « systèmes d’irrigation intelligents », se révèlent particulièrement efficaces et importantes pour améliorer la gestion de l’eau dans les villes intelligentes. Cependant, les stratégies avec des sommes pondérées moyennes (telles que « Campagnes Éducatives et Sensibilisation du Public », « Politiques et Réglementation », « Collecte des Eaux de Pluie », « Systèmes Photovoltaïques Flottants en Mer », « Collaboration et Partenariats », « Recyclage et Réutilisation des Eaux Grises », et « Infrastructure d’Eau Distribuée ») et faibles (telles que « Dessalement de l’Eau ») jouent également des rôles précieux et pourraient être intégrées aux stratégies mieux classées pour créer des approches globales de gestion de l’eau adaptées au contexte unique de chaque ville intelligente.

Références
[1] National Geographic, Pénurie d’Eau : Le Maroc Tire le Signal d’Alarme, https://www.nationalgeographic.fr/environnement/penurie-deau-le-maroc-tire-le-signal-dalarme
[2] Bouramdane, A.-A., « Potential Site for Offshore Floating Photovoltaic Systems in Morocco: Evaluation Criteria Required Considering Climate Change Effects to Achieve the Energy Trilemma », Lambert Academic Publishing (LAP), ISBN: 978-620-6-15964-3, https://www.morebooks.shop/shop-ui/shop/product/9786206159643
[3] Bouramdane, A.-A., « Solutions Pour Réduire la Pression sur l’Eau », énergie/mines & carrières, 2023, DOI: 10.5281/zenodo.8021765. URL: https://energiemines.ma/solutions-pour-rerduire-pression-eau/
[4] Bouramdane, A.-A. Assessment of CMIP6 Multi-Model Projections Worldwide: Which Regions Are Getting Warmer and Are Going through a Drought in Africa and Morocco? What Changes from CMIP5 to CMIP6? Sustainability 2023, 15, 690. https://doi.org/10.3390/su15010690
[5] Le Point, Sécheresse : Le Plan du Maroc Pour Éviter Les Pénuries d’Eau, https://www.lepoint.fr/afrique/secheresse-le-plan-du-maroc-pour-eviter-les-penuries-d-eau-28-03-2022-2469915_3826.php#11
[6] Ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, Projet d’Adaptation Aux Changements Climatiques dans les Zones Oasiennes au Maroc, https://www.agriculture.gov.ma/fr/projet/projet-dadaptation-aux-changements-climatiques-dans-les-zones-oasiennes-au-maroc
[7] HESPRESS, Pénurie d’Eau : Des Coupures d’Eau Sont Envisagées dans Plusieurs Régions, https://fr.hespress.com/345756-penurie-deau-des-coupures-deau-sont-envisagees-dans-plusieurs-regions.html
[8] Bouramdane, A.-A. Optimal Water Management Strategies: Paving the Way for Sustainability in Smart Cities. Smart Cities 2023, 6, 2849-2882. https://doi.org/10.3390/smartcities6050128

Par Ayat-Allah Bouramdane (PhD)
Professeure Assistante au Laboratoire des Énergies Renouvelables et Matériaux Avancés (LERMA), Collège Ingénierie & Architecture, de l’Université Internationale de Rabat (UIR).

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