Eau AssainissementHydraulique

Solutions pour réduire la pression sur l’eau

Crise mondiale de l’eau est imminente : Une ressource inégalement répartie dans le monde et par secteur
Si la planète est composée de 70 % d’eau, les eaux douces ne représentent que de 2,5 % des eaux terrestres et seulement 0,7 % sont accessibles en surface [1, 2]. Leur rareté et leur importance à la vie les rendent précieuses.

Cette ressource de plus en plus convoitée par le monde est également très inégalement répartie (Figure 1). À l’heure actuelle, on estime que 85 % de la population mondiale vit dans un pays confronté au stress hydrique [2], état dans lequel se trouve une région lorsque sa demande en eau dépasse ses ressources disponibles.

Ce nouvel or bleu apparaît comme un enjeu environnemental majeur, particulièrement dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) (Figure 1).

Figure 1 : Projection du stress hydrique dans le monde d’ici 2040 [3]

Le récent rapport de la Banque Mondiale [4] relève que d’ici 2030, les ressources en eau disponibles tomberont sous le seuil absolu de pénurie, fixé à 500 m3 par personne et par an dans la région MENA.

Par ailleurs, le rapport [4] anticipe que d’ici 2050, 25 milliards de m3 supplémentaires d’eau seront nécessaires chaque année pour répondre aux besoins de la région, ce qui exigerait la construction de 65 usines de dessalement de la taille de celle de Ras El Khair, en Arabie Saoudite, actuellement la plus grande au monde.

L’utilisation qui en est faite est également sujette à controverses puisqu’il s’agit de 70 % d’une exploitation agricole, ce chiffre pouvant atteindre 90 % dans les pays en développement (Figure 2) [5].

Figure 2 : Pourcentage de l’eau douce utilisée par secteur en 2014 (%) [5]

Les projections pour le Maroc estiment à 80 % la perte de ses ressources en eau dans les 25 prochaines années [6].

Causes et conséquences
Cette baisse s’explique par une saison des pluies quasi inexistantes liée au réchauffement climatique [7, 8] et par l’aridité naturelle de certaines régions du Maroc. Cette pénurie est aussi constamment exacerbée par la croissance démographique et les exigences du développement social et économique [4].

La pénurie d’eau pourrait influer sur presque tous les aspects du développement socio-économique futur du Maroc. En effet, le changement induit par le climat — traduit par la baisse de la quantité d’eau disponible et des rendements agricoles [9] — pourrait réduire le PIB avec en plus un impact sur les emplois dans ce secteur (la population risque de quitter les zones rurales). Comme en témoigne la forte croissance de la population agricole au cours des dernières décennies, la production a historiquement tendance à rebondir après les sécheresses, avec un effet limité sur les tendances à long terme. Cela pourrait ne plus être le cas.

Quelles politiques mettre en place pour atténuer le désastre vers lequel l’humanité court ?
Une nouvelle session de la Conférence des Nations Unies sur l’eau s’est tenue à New York du 22 au 24 mars 2023, quarante-six ans après la première édition en 1977. L’objectif était de trouver des réponses appropriées à la crise mondiale de l’eau.

Cette conférence mondiale, qui réunissait des scientifiques et des décideurs politiques de plus de 170 nations, était censée aider à résoudre la crise de l’eau, ce qui n’a pas été le cas. On espérait une réelle impulsion des pays pour gérer et protéger nos ressources en eau. Cependant, à l’image de nombreuses réunions internationales, telles que les COPs «Conference of Parties» et leurs déclinaisons [10], la pertinence des engagements varie fortement d’une proposition à l’autre. Les engagements prix sont soit en décalage avec les risques mondiaux liés à l’environnement et au changement climatique, soit ils ne sont pas assortis de sources de financement appropriées.

Par rapport aux investissements antérieurs dans les barrages et l’exploitation des eaux souterraines, les coûts d’investissement dans les sources non conventionnelles telles que le dessalement de l’eau de mer, la réutilisation des eaux usées ou le développement du solaire photovoltaïque flottant sont beaucoup plus élevés, ce qui exercera une pression supplémentaire sur les finances des pays [11].

3.1 Construction des barrages
En effet, le Maroc a, par le passé, investi massivement dans les infrastructures telles que les barrages [12], ce qui a permis d’améliorer la production agricole et l’accès aux services d’approvisionnement en eau et d’assainissement dans les villes, mais cette approche expansionniste atteint maintenant ses limites [13] (Chapitre 1, Section III-2) et que le Maroc sera contraint de faire des choix difficiles [4].

3.2 Contrôler les prélèvements d’eau des nappes phréatiques
L’inadéquation entre l’offre et la demande a également engendré une pression sur les eaux souterraines (la partie renouvelable « les apports pluviaux annuels moyens » et la partie fossile « le stock qui s’est accumulée sur plusieurs centaines d’années ») [4].
Cependant, la période de recharge en eau des nappes phréatiques a été marquée par une succession d’épisodes de sécheresse [14]. La majorité des nappes souterraines se situent à un niveau préoccupant. Les niveaux piézométriques, correspondant à la profondeur de la surface de la nappe d’eau souterraine, sont globalement inférieurs à la moyenne, due à une faible infiltration des pluies en profondeur, du fait de sols très secs.

Plusieurs tensions sont créées par le stress hydrique et la répartition actuelle de l’eau. Par exemple, lorsque les agriculteurs ne disposent plus d’eau dans les zones d’irrigation ou qu’ils reçoivent des dotations insuffisantes pour répondre à leurs besoins, ils se mettent à exploiter les réserves souterraines. Il devient impératif que les volumes des prélèvements d’eau souterraine soient contrôlés et maîtrisés.

3.3 Investir dans le dessalement de l’eau de mer, particulièrement dans les régions littorales, pour réduire la pression sur les barrages et les nappes phréatiques
Le dessalement de l’eau s’impose comme une solution pour remédier aux répercussions néfastes du changement climatique et de la sécheresse. En effet, le dessalement consiste à éliminer le sel et d’autres contaminants de l’eau de mer pour produire de l’eau potable.

La région MENA représente environ 48 % de la production mondiale quotidienne d’eau douce dessalée. Ailleurs dans le monde, certains pays (États-Unis, Espagne, Australie, Royaume-Uni, Israël, Maroc) le font, du moins dans une certaine mesure [15].

Comme le dessalement reste limité dans son utilisation,—puisque les usines sont extrêmement coûteuse à construire et à faire fonctionner et qu’elles nécessitent beaucoup d’énergie, en plus qu’elles rejettent de grandes quantités d’eau chaude ultra-salée (saumure) contenant des produits chimiques qui sont nocives pour les écosystèmes marins, ainsi que des gaz à effet de serre si elles fonctionnent au diesel,—le dessalement de l’eau de mer doit être réservé pour lutter contre le stress hydrique dans les régions littorales arides et en priorité pour subvenir aux besoins d’eau potable et d’agriculture. C’est également un moyen adapté pour fournir de l’eau potable dans des zones où les ressources naturelles subissent un effet de salinisation (rivières, estuaires, eaux saumâtres souterraines, etc.) [11].

3.4 Miser sur le traitement des eaux usées
Il serait également temps de mettre en place des solutions pour la réutilisation des eaux usées [10]. Cela concerne potentiellement trois grandes catégories : les eaux des stations d’épuration issues des eaux usées domestiques faiblement polluées, les eaux résiduaires internes des industries, et les eaux pluviales urbaines [11].

Pour conclure, il s’avère également nécessaire de gérer la répartition de l’eau entre les différentes utilisations et secteurs (Figure 2), et valoriser les cultures résistantes à la sécheresse et réduire celles consommatrices d’eau.

Notons que, comme sur d’autres sujets, il est illusoire de penser qu’il n’y a qu’une solution. Chaque région doit mettre en œuvre plusieurs solutions complémentaires. Le temps ne joue pas en notre faveur. L’eau doit être au cœur de nos plans d’atténuation et d’adaptation aux impacts d’un climat plus extrême et plus erratique [16]. Les systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement — existants et nouveaux — doivent être conçus pour résister à un contexte de plus en plus hostile.

Références
[1] National Geographic, Environnement : L’eau se Raréfie dans Plusieurs Régions du Monde.

[2] National Geographic, Pénurie d’Eau : Le Maroc Tire le Signal d’Alarme.

[3] Tianyi Luo, Robert Samuel Young, and Paul Reig. Aqueduct projected water stress country rankings. 2015.

[4] Groupe de la Banque Mondiale, 2023, « Aspects Économiques de la Pénurie d’Eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : Solutions Institutionnelles« .

[5] Banque Mondiale Blogs, Graphique : 70% de l’Eau Douce Est Utilisée Pour l’Agriculture.

[6] HESPRESS, Le Maroc Perdrait 80% de ses Ressources Hydriques dans 25 ans.

[7] A-A. Bouramdane. Assessment of CMIP6 Multi-Model Projections Worldwide: Which Regions Are Getting Warmer and Are Going Through a Drought in Africa and Morocco? What Changes from CMIP5 to CMIP6? Sustainability, 15:690, 2023. DOI: 10.3390/su15010690.

[8] Ayat-Allah Bouramdane. Lieux Les Plus Sensibles Au Changement Climatique Nécessitant des Mesures d’Atténuation et d’Adaptation. énergie/mines & car- rières, 2023. DOI: 10.5281/zenodo.7937556.

[9] Ayat-Allah Bouramdane. Quelle est la Relation entre l’Agriculture et le Changement Climatique ? énergie/mines & carrières, 2023. DOI : 10.5281/zenodo.7730008.

[10] Ayat-Allah Bouramdane. Lessons Learned from International Climate Negotiations: Mitigation, Climate Finance for Losses and Damages, and Adaptation. 2022. DOI : 10.13140/RG.2.2.20042.44488/1.

[11] Ayat-Allah Bouramdane. Potential Site for Offshore Floating Photovoltaic Systems in Morocco: Evaluation Criteria Required Considering Climate Change Effects to Achieve the Energy Trilemma. Lambert Academic Publishing (LAP), 2023. ISBN: 978-620-6-15964-3.

[12] Ministère de l’Energie, des Mines et de l’Environnement (MEME). https://www.mem.gov.ma/pages/index. aspx.

[13] Ayat-Allah Bouramdane. Scenarios of Large-Scale Solar Integration with Wind in Morocco: Impact of Storage, Cost, Spatio-Temporal Complementarity and Climate Change. Theses, Institut Polytechnique de Paris, October 2021.

[14] Ayat-Allah Bouramdane. Sécheresse : l’extrême va-t-il progressivement devenir la norme? énergie/mines & carrières, 2022. DOI : 10.5281/zenodo.7594311.

[15] Statista, L’Arabie Saoudite Investit Massivement dans le Dessalement de l’Eau.

[16] Ayat-Allah Bouramdane. Pourquoi l’Atténuation et l’Adaptation aux Changements Climatiques sont Complémentaires ? énergie/mines & carrières, 2022. DOI : 10.5281/zenodo.7594404.

Par Ayat-Allah Bouramdane (PhD)
Professeure Assistante au Collège I&A, LERMA, de l’Université Internationale de Rabat (UIR). Ingénieure-chercheure dans le domaine des énergies renouvelables, flexibilité d’énergie (ex., stockage) et
variabilité/changement climatique.

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