Chroniques

Démocratie

Folletage du modèle politique arabe

Nous vivons aujourd’hui dans un monde en profondes mutations, par rapport à celui connu juste après l’indépendance, dans lequel a été formée l’actuelle classe politique marocaine qui continue à s’inspirer des vieux paradigmes. Le Monde arabe avant le 14 janvier n’est plus le même.
L’anomie politique provoquée par la propension révolutionnaire est dans le sang, et s’imbibe dans l’ensemble de la population arabe. Les remous sociaux que connaît le Monde arabe sont en une partie des luttes pour la reconnaissance. Le sentiment d’honneur bafoué, l’atteinte à la dignité ainsi que le mépris et le déni de la considération restent des mobiles pour n’importe quel soulèvement.
Le rejet des revendications peut créer des conflits sociaux qui se transforment en quelque sorte par des conflits d’intérêts. La transformation d’un pâtir en agir reste un élément majeur pour décrire les motifs des groupes qui furent qualifiés par certains politologues de «groupes à faibles ressources». Ce genre de groupe se caractérise moins par la précarité économique que le peu de moyens cognitifs, relationnels ou sociaux, dont ils pouvaient disposer pour faire entendre publiquement leurs voix. L’effet des réseaux sociaux a provoqué non seulement un dépassement de l’identité nationale chez les éléments de cette catégorie de groupe, mais une identification ou une sorte de recognition.
L’emballement de ce vent de fronde dans le Monde arabe a élucidé que dans toutes les sociétés arabes le talon d’Achille est exactement le même. L’absence de la démocratie et la démagogie populiste, en se basant sur des discours politiques salmigondis et incompréhensibles, ont créé des mécanismes de déni et dénégation du citoyen, surtout la jeunesse.
Les contestations dans le Monde arabe montrent que le mal est général et que tous les pays sont concernés. La nécessité d’en faire un diagnostic, pour chercher les causes de cette maladie, est inéluctable. La jeunesse présentement vit avec la vitesse de la célérité électronique, et exprime par ce biais son mécontentement et son irritation vis-à-vis de l’absence d’une réelle démocratie. Le népotisme et la corruption restent les points d’orgue des revendications et se sont, d’ailleurs, les slogans scandés dans les deux lieux symboles des deux manifestations tunisienne et égyptienne. Les événements de la Tunisie, de l’Égypte et maintenant la Libye donnent leçon à tous, pourvu que le reste des pays arabes en tire conclusion et commence à engager des refontes dans la voie de la démocratie et des réformes politiques en profondeur.
Un pouvoir d’élite sans engagement social est un pouvoir bâti sur le sable, en tout cas c’est ce qu’on peut tirer aujourd’hui de ce tsunami politique qui rase à coup de fouets l’ensemble des pays arabes. Il s’agit en fait de s’inspirer de la nouvelle donne et engager un travail rigoureux sur la recherche d’issues à la crise, et animer sur cette base un débat public national mobilisateur de la société civile. Les partis politiques marocains ont dévoyé le pouvoir que la société leur avait confié. La désaffection des citoyens,surtout la jeunesse, pour la scène politique se traduit aujourd’hui par un redéploiement de leur activité dans la société civile. Dés lors, un rapport de confiance (pouvoir – défiance, société civile) s’est installé et la nécessité d’articuler entre les deux reste indispensable pour faire régner l’assurance. La politique de colmatage qui se contente de repeindre, de rapiécer et renoncer n’est que pusillanimité politique.
La théorie polyarchique, propre aux démocraties, système où les ressources politiques fortement dispersées, avec un équilibre entre les pouvoirs et la théorie des contrepoids reste, dans un premier temps, un élément majeur pour structurer d’une manière rationnelle la chose politique marocaine. La vie politique dans ce cas se présente comme un lieu où il y a libre concurrence sans clientélisme et sans partialité. L’aspiration démocratique s’est manifestée depuis toujours, sous forme de pouvoir de défiance des organisations qui rejettent l’état de fait, imposé par une élite qui se concentre sur le pouvoir économique et politique. C’est pourquoi, la réussite du modèle polyarchique est inhérente à la réussite du pluralisme social. La révolte dans les pays arabes a montré que tout gouvernement qui ne travaille pas sur la base sociale du pays, ne fait que pédaler dans la boue.
A l’aune, les réformes politiques s’imposent pour trouver le point d’équilibre entre l’inéluctable et l’impondérable, dans l’objectif de favoriser un consensus politique qui préserve la cohésion sociale d’une société fortement en hybride.

Par Dr Cherkaoui Roudani

Tags
Montrer plus

Articles connexes

Close