Energies Renouvelables
Modélisation CFD : Principe, Étapes, Applications et son rôle dans la Chaîne de Valeur de l’Hydrogène
Introduction
La modélisation CFD (« Computational Fluid Dynamics » en anglais, « dynamique des fluides computationnelle » en français) est une technique puissante qui permet de simuler et d’analyser les écoulements de fluides, les transferts de chaleur, ainsi que les réactions chimiques complexes dans divers systèmes. Utilisée dans de nombreux secteurs industriels, la CFD joue un rôle essentiel dans l’optimisation des processus, la réduction des coûts, et l’amélioration de la sécurité. Cet article explore les principes fondamentaux de la CFD, ses étapes clés, ses applications variées, et son rôle critique dans la chaîne de valeur de l’hydrogène, notamment pour
la gestion des risques et l’optimisation des performances [1].
Définition de la Modélisation CFD
La modélisation CFD est une méthode numérique utilisée pour analyser et résoudre des problèmes impliquant l’écoulement des fluides (liquides et gaz), la chaleur, la masse, et d’autres phénomènes associés. Elle s’appuie sur des algorithmes mathématiques complexes pour simuler le comportement des fluides à partir des équations de Navier-Stokes, qui décrivent le
mouvement des fluides visqueux.
Les Étapes de la Modélisation CFD
Les principales étapes de la modélisation CFD sont: (1) la modélisation géométrique (i.e., le domaine d’écoulement,—par exemple, une pièce, un tuyau ou une turbine—est représenté sous forme numérique à l’aide d’un maillage tridimensionnel constitué de cellules élémentaires); (2)
la discrétisation des équations (i.e., les équations de Navier-Stokes et autres équations associées—par exemple, les équations de transport de la chaleur—sont discrétisées dans chaque cellule du maillage); (3) les conditions aux limites et initiales (i.e., on attribue des conditions aux limites—par exemple, la vitesse du fluide à l’entrée et la pression à la sortie—et des conditions initiales pour commencer la simulation); (4) la résolution numérique (i.e., des algorithmes, comme la méthode des volumes finis ou la méthode des éléments finis, sont utilisés pour résoudre les équations discrétisées à chaque point du maillage. Cela nécessite des
techniques itératives pour obtenir une solution stable) ; (5) le post-traitement des résultats (i.e., les résultats sont visualisés sous forme de champs de vitesse, de pression, de température, ou d’autres variables pour interpréter l’écoulement et les phénomènes physiques étudiés).
Applications de la CFD
La modélisation CFD trouve des applications variées dans de nombreux secteurs, notamment en aéronautique, automobile, architecture, énergie, et médecine. Ces domaines exploitent la capacité de la CFD à simuler des écoulements complexes, permettant ainsi d’optimiser des systèmes, d’améliorer leur efficacité et de garantir leur sécurité.
Dans le secteur aéronautique, la CFD est utilisée pour étudier ‘aérodynamique des avions. Elle permet de simuler le comportement de l’air autour des ailes et du fuselage (la partie principale du corps d’un avion qui abrite l’équipage, les passagers, et le fret « les marchandises transportées ». Il s’agit de la structure centrale à laquelle sont attachées les ailes et les moteurs), ce qui aide à optimiser la conception des avions en réduisant la traînée et en améliorant la portance (Dans le contexte de l’aviation, la traînée est la résistance de l’air qui freine le mouvement de l’avion, réduisant son efficacité énergétique et augmentant la consommation de carburant. En revanche, la portance est la force générée par les ailes de l’avion qui permet de le soulever et de le maintenir en vol en contrant la gravité. Alors que la traînée s’oppose au déplacement, la portance soutient l’avion dans les airs). Ces simulations permettent aussi de
réduire le besoin d’essais en soufflerie (des expérimentations cruciales pour évaluer le comportement aérodynamique des avions dans des conditions contrôlées. Ils consistent à placer des modèles réduits ou des prototypes dans une soufflerie, où un flux d’air simulant les conditions de vol est dirigé sur eux), d’accélérer le processus de conception et de tester des configurations qui seraient coûteuses ou difficiles à étudier expérimentalement. De plus, la CFD permet d’analyser les flux d’air autour de différentes parties des avions, comme les moteurs et les trains d’atterrissage, pour maximiser l’efficacité énergétique et la sécurité.
Dans l’industrie automobile, la CFD est employée pour analyser les écoulements d’air autour des véhicules, afin d’améliorer leur aérodynamisme et, par conséquent, leur consommation énergétique. Une meilleure gestion des flux d’air peut réduire la résistance au vent, ce qui se
traduit par des économies de carburant et une diminution des émissions de CO2. La modélisation CFD permet également d’optimiser le refroidissement des moteurs et des freins, contribuant ainsi à une performance globale améliorée des véhicules, tout en répondant aux exigences environnementales de plus en plus strictes.
En architecture, la CFD joue un rôle important dans la conception de bâtiments plus durables et confortables. Elle permet de simuler les flux d’air à l’intérieur et autour des structures, améliorant ainsi la ventilation naturelle et le confort thermique des occupants. Les simulations CFD aident à évaluer comment les bâtiments interagissent avec leur environnement extérieur, notamment en matière d’écoulement du vent, et à concevoir des systèmes de ventilation efficaces qui réduisent la consommation d’énergie. Cela est particulièrement utile dans les bâtiments à faible consommation énergétique, où une ventilation naturelle bien conçue peut réduire le besoin de climatisation ou de chauffage.
Dans le secteur de l’énergie, la modélisation CFD est utilisée pour optimiser la performance des turbines et des échangeurs de chaleur. En simulant le comportement des fluides à l’intérieur des centrales électriques ou des réseaux de chaleur, la CFD aide à maximiser l’efficacité des processus de production et de transfert d’énergie. Elle permet de prévoir et de minimiser les pertes thermiques, ainsi que d’améliorer la gestion des flux de gaz et de liquide dans les systèmes énergétiques, qu’il s’agisse de turbines à gaz, à vapeur, ou de panneaux solaires thermiques.
Enfin, dans le domaine de la médecine, la CFD est appliquée pour étudier des phénomènes biologiques complexes, tels que le flux sanguin dans les vaisseaux et la ventilation pulmonaire.
Ces simulations sont particulièrement utiles dans la recherche médicale pour comprendre et traiter les maladies cardiovasculaires ou respiratoires. Par exemple, la modélisation CFD permet de visualiser les flux sanguins dans des conditions normales et pathologiques, aidant ainsi à optimiser les dispositifs médicaux comme les stents et les valves cardiaques. Dans le cas de la ventilation pulmonaire, la CFD peut modéliser l’écoulement de l’air dans les voies respiratoires, contribuant à l’amélioration des traitements pour les patients souffrant de maladies pulmonaires obstructives.
Dans chacun de ces secteurs, la CFD permet non seulement d’améliorer les conceptions et les performances, mais aussi de réduire les coûts et les délais de développement tout en minimisant les risques expérimentaux.
Le Rôle de la CFD dans l’Optimisation et la Sécurité de la Chaîne de Valeur de l’Hydrogène
La modélisation CFD joue un rôle crucial dans plusieurs aspects de la chaîne de valeur de l’hydrogène, notamment pour la sécurité et la gestion des risques liés à la manipulation de l’hydrogène gazeux et liquide.
▪ Dispersion des Fuites d’Hydrogène Gazeux et Liquide
L’hydrogène, qu’il soit sous forme gazeuse ou liquide, est hautement inflammable et présente des risques de fuites en raison de la petite taille de ses molécules. La modélisation CFD est utilisée pour: (i) simuler la dispersion des fuites dans des environnements fermés (comme les
bâtiments industriels ou les véhicules) et ouverts (par exemple, les stations de ravitaillement en hydrogène); (ii) analyser l’impact de la dispersion de l’hydrogène dans différentes conditions atmosphériques (vent, température, pression) et géométriques (obstacles, structures); (iii)
évaluer la concentration d’hydrogène dans l’air après une fuite, afin de déterminer les zones à risque où le mélange pourrait atteindre le seuil d’inflammabilité.
La CFD permet de prédire la trajectoire des gaz, les taux de dispersion et les zones où des accumulations dangereuses d’hydrogène peuvent se produire, en tenant compte de la faible densité de l’hydrogène et de sa capacité à se déplacer rapidement dans l’air.
▪ Analyses de Risque d’Explosions et d’Incendies :
L’une des principales préoccupations en matière de sécurité dans l’utilisation de l’hydrogène est le risque d’explosion ou d’incendie en cas de fuite. Les modélisation CFD sont essentielles pour: (i) prévoir le comportement des flammes en cas de fuite d’hydrogène et leur interaction avec les environnements; (ii) étudier les scénarios d’explosions dans des environnements confinés ou semi-confinés, comme des réservoirs, des tuyauteries, ou des zones de stockage; (iii) analyser les effets des détonations ou déflagrations d’hydrogène (la déflagration est une
combustion rapide, mais à vitesse subsonique—une vitesse inférieure à celle du son dans un milieu donné—, où la flamme se propage à travers un mélange combustible grâce à la conduction thermique—processus par lequel la chaleur se propage à travers un matériau ou entre deux
objets en contact direct, sans déplacement de matière. Elle se produit lorsque des molécules plus chaudes, ayant plus d’énergie thermique, transfèrent cette énergie à des molécules plus froides par des collisions ou des vibrations—, entraînant une hausse de pression moins intense
et brusque. En revanche, la détonation se caractérise par une onde de choc supersonique qui provoque une augmentation brutale de la pression et de la température, rendant ses effets plus destructeurs), en prenant en compte les pressions générées, les ondes de choc et l’impact sur les structures avoisinantes ; (iv) simuler les conditions d’inflammation en fonction de la
concentration d’hydrogène et des sources potentielles d’ignition, comme des étincelles, des points chauds ou des dispositifs électriques.
▪ Études de Ventilation et Gestion des Rejets
La modélisation CFD est utilisée pour concevoir des systèmes de ventilation efficaces dans les installations manipulant de l’hydrogène. Cela permet de : (i) optimiser les systèmes de ventilation pour disperser rapidement et en toute sécurité tout hydrogène fuyant; (ii) simuler les rejets accidentels d’hydrogène dans des structures telles que les usines, les hangars de
véhicules à hydrogène, ou les stations de ravitaillement; (iii) évaluer la ventilation naturelle ou mécanique pour réduire les risques d’accumulation de gaz à des niveaux explosifs.
▪ Conception des Systèmes de Stockage et Transport
Dans le cadre de la chaîne de valeur de l’hydrogène, les CFD sont aussi utilisées pour : (i) optimiser la conception des réservoirs et autres équipements de stockage d’hydrogène pour minimiser les risques de fuite ou de défaillance; (ii) étudier les effets thermiques associés à la décompression rapide du gaz hydrogène ou à l’évaporation de l’hydrogène liquide, ce qui pourrait entraîner des problèmes de sûreté, comme la formation de zones cryogéniques dangereuses.
En résumé, les applications de la modélisation CFD dans la chaîne de valeur de l’hydrogène permettent d’améliorer la sécurité en prévoyant et en minimisant les risques associés aux fuites, aux incendies et aux explosions. Grâce à ces simulations, il est possible de mieux concevoir des
infrastructures adaptées à l’utilisation de l’hydrogène, tout en optimisant les systèmes de sécurité et de gestion des risques.
Conclusion
La modélisation CFD est une technologie incontournable pour l’analyse et l’optimisation des systèmes complexes dans de nombreux secteurs industriels. Elle permet non seulement de simuler les phénomènes dynamiques des fluides avec une grande précision, mais aussi de mieux
comprendre les interactions entre fluides, matériaux et chaleur. Son rôle dans la chaîne de valeur de l’hydrogène, notamment pour la gestion des risques et l’amélioration des performances, en fait un outil essentiel pour soutenir la transition énergétique vers des solutions plus sûres et
durables.
Références
[1] Schierholz, W., & Gilbert, N. (2003). Computational Fluid Dynamics (CFD). Chemie Ingenieur Technik, 75, 1412-1414.
Par Ayat-Allah Bouramdane
Enseignante-Chercheure à l’Université Internationale de Rabat (Collège I&A – LERMA lab).