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Réserves professionnelles sur la loi cadre des mines au Maroc
Le Magazine « énergie, mines & carrières décortique » a émis des réserves sur la mouture du projet de loi 21-09 relative aux mines (examiné par le Conseil de Gouvernement le 11/11/2010, le Conseil des ministres le 1/04/2011) et qui a connu des débats houleux à la commission parlementaire en charge des secteurs productifs à cause des nouvelles dispositions introduites qui mettent fin a tous les espoirs des petites et moyennes entreprises ainsi que les artisans miniers marocains au profit des grandes entreprises et multinationales. Nous rappelons ici qu’une stratégie pour la modernisation du secteur minier hors phosphates est menée par le ministère de tutelle, et à ce jour, les professionnels du secteur n’ont aucune visibilité sur les résultats et recommandations de cette étude pour pouvoir ce prononcer sur un projet de loi censé être la conséquence de cette stratégie.
On notera l’introduction de la notion d’autorisation d’exploration (Article 1) qui permet à un demandeur d’obtenir un ou plusieurs permis sur une superficie allant de 100 à 600 km2 (Article 28). Alors que sur la loi actuelle, le permis ne dépasse pas 16 km2. Le taux de la caution à définir et qui restera inaccessible pour les PME (Article 36). Seule titulaire de l’autorisation d’exploration a le droit d’obtenir les permis de recherche (Article 37). Dépenses minimales difficiles à justifier pour les petits artisans (Article 41).
Voici quelques remarques relevés sur les articles de ce projet de loi
Article 8 : Les titres miniers, attribués en vertu des dispositions de la présente loi, ne dispensent pas leurs titulaires de l’obligation de disposer des autorisations exigées par d’autres textes législatifs ou réglementaires en vigueur, applicables aux actes, travaux et activités autorisés par les titres miniers. Difficultés rencontrés liées à l’occupation temporaire des terrains (forestiers ou privés) parfois insurmontables et contraignent le permissionnaire à arrêter son activité
Article 13 : Les autorisations d’exploration, les permis de recherche et les licences d’exploitation de mine à petite échelle s’acquièrent à la priorité de la demande, sauf disposition contraire prévue par la présente loi. La priorité de la demande systématique pose un problème lié aux moyens techniques et financiers dont doit disposer le demandeur (parfois le demandeur ne dispose d’aucun de ces moyens)
Article 14 : Les titres miniers s’étendent à tous les produits de mines pouvant exister en surface ou à toute profondeur et dans tout le périmètre couvert par le titre minier concerné. Les situations des permis existants définis selon des catégories et dans certains cas des chevauchements.
Article 37: La demande de permis de recherche ne peut porter sur des terrains couverts par des autorisations d’exploration, des permis de recherche ou des licences d’exploitation de mines. Les superficies accordées pour des licences d’explorations sont très étendues, ce qui réduira considérablement les chances pour le dépôt de demandes de permis de recherche pour les PME. Surtout que les zones minières potentielles du pays sont limitées.
Article 59 : Le titulaire d’une licence d’exploitation de mines est tenu de borner le périmètre de son titre minier à la première réquisition de l’administration ; à défaut, celle-ci y procédera aux frais du titulaire. Dans le cas de licences limitrophes de mines, le bornage s’effectue aux frais communs des titulaires ou amodiataires desdites licences. Les propriétaires du sol ne doivent pas s’opposer aux opérations de bornage moyennant réparation des éventuels préjudices. Aucune réelle mesure concrète n’est prise pour garantir cette opération. Le permissionnaire reste seul confronté aux propriétaires du sol.
Article 62 : L’exploitation de mine à petite échelle concerne toute exploitation minière fondée sur l’existence préalable d’un gisement et menée selon des procédés manuels et/ou semi-mécanisés. Elle est subordonnée à l’obtention de la licence d’exploitation de mine à petite échelle. Il faut redéfinir le statut de la « petite mine » et reprendre le programme national du développement de la petite mine lancé il y a des années mais sans aucune réelle concrétisation sur le terrain.
Article 69 : Les titulaires des licences d’exploitation de mine à petite échelle peuvent être dispensés de produire l’étude d’impact et le plan d’abandon, visés à l’article 73 ci-dessous, eu égard à la faible importance des travaux d’exploitation et de leur impact sur l’environnement. Sauf que l’exigence de l’étude d’impact sur l’environnement est faite par d’autre département ( Département de l’Environnement, Communes, Autorités locales) conformément à d’autres lois sur l’environnement. Comment le département des Mines pourra garantir cette dispense de présenter une EIE pour la petite mine ?
Article 72 : Lorsque le périmètre d’une licence d’exploitation de mine à petite échelle est couvert totalement par celui d’un permis de recherche, le titulaire du permis de recherche peut être autorisé par l’administration à s’affranchir des droits du titulaire de la licence d’exploitation de mine à petite échelle, en cas de découverte d’un nouveau gisement à l’intérieur du périmètre de cette licence, moyennant le paiement d’une indemnité au titulaire de la licence d’exploitation de mine à petite échelle, fixée, à défaut d’entente amiable, par le tribunal compétent. Après règlement de ladite indemnité, il est procédé à la révocation de la licence d’exploitation de mine à petite échelle. Situation qui donnera lieu à des litiges, d’où la nécessité d’éclaircir les dispositions de cet article.
Article 74 : Le permissionnaire est tenu d’entreprendre ses activités de recherche et/ou d’exploitation en se conformant aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, en matière de santé, d’hygiène, de sécurité et de protection de l’environnement, ainsi qu’à celles applicables aux domaines techniques. A cette fin, il : 1.élabore une étude d’impact sur l’environnement conformément à la législation et à la réglementation en vigueur ; 2.prend toutes les mesures nécessaires en vue de protéger l’environnement et respecter les engagements pris dans l’étude d’impact ; 3.prévoit les mesures nécessaires à l’élaboration du plan d’abandon adapté à l’évolution des travaux et précise les mesures qui seront prises durant les travaux de recherche et d’exploitation pour permettre la mise en application adéquate dudit plan ; 4. prend les mesures immédiates nécessaires à la protection des vies humaines et de l’environnement, en cas d’incidents du fait de son activité; 5.prend les mesures nécessaires pour assurer la conservation du ou des gisement(s) couvert(s) par son titre minier; 6.contracte des polices d’assurance pour couvrir sa responsabilité civile contre les risques d’atteintes aux biens d’autrui et aux tiers, du fait de son activité. Les modalités de mise en œuvre des obligations susvisées sont fixées par voie réglementaire. L’activité de recherche et d’exploration devrait être dispensée de l’étude d’impact sur l’environnement car généralement ce sont des études géologiques, géophysiques, géochimiques, échantillonnage … Les procédures et les délais liés au dépôt, d’examen et d’acceptabilité environnementale sont tellement très lents et longs. Les permissionnaires (PME) peinent à trouver des compagnies pour contracter des assurances. Ces dernières sont très réticentes et considèrent que cette activité minière est à risque.
Article 80 : A défaut d’accord avec le propriétaire du sol, le permissionnaire est autorisé par l’administration à occuper temporairement le terrain situé à l’intérieur du périmètre concerné et, en cas de besoin, à l’extérieur de celui-ci et nécessaire à l’activité minière du permissionnaire. Toutefois, sont de plein droit exclus du périmètre d’occupation, les terrains visés aux articles 77 et 78 ci-dessus. Cette autorisation est accordée après avis du représentant de l’administration et des autorités administratives locales du ressort, qui procèdent à la reconnaissance des lieux contradictoirement avec le propriétaire présumé du terrain et le permissionnaire. L’occupation temporaire du terrain est tributaire du paiement préalable au propriétaire du terrain d’une indemnité annuelle fixée par le tribunal compétent. La décision du tribunal est exécutoire nonobstant toute voie de recours. Les modalités d’attribution de l’autorisation d’occupation temporaire de terrain sont fixées par voie réglementaire En cas d’accord entre le propriétaire du sol et le permissionnaire, l’indemnité due au titre de l’occupation temporaire des terrains est fixée d’un commun accord.
Article 82 : Lorsque le propriétaire présumé du terrain ne produit pas l’acte de propriété ou si l’acte produit ne s’avère pas régulier, l’occupation temporaire peut avoir lieu avant même que le litige ne soit tranché par les tribunaux et dès que le permissionnaire aura consigné au secrétariat-greffe du tribunal, au nom du propriétaire présumé désigné dans l’autorisation visée à l’article 81 ci-dessus, le montant de la première indemnité annuelle fixé par le tribunal. Dans ce cas, des avis affichés par les soins des autorités administratives locales du ressort font connaître le terrain occupé, le nom du propriétaire présumé et le montant de l’indemnité. Si dans le délai d’un an courant à compter de la date de la publication de l’avis susvisé, aucune opposition n’est survenue, l’indemnité est versée par le greffier au propriétaire présumé. Au cas où le véritable propriétaire produit l’acte de propriété au cours de ce délai, l’indemnité consignée lui est payée. En cas d’opposition, l’indemnité demeure consignée jusqu’à ce qu’une décision judiciaire ait déterminé le véritable bénéficiaire de cette indemnité. Dans la réalité il est difficile d’appliquer les dispositions de ces articles. L’administration est souvent incapable de les faire respecter par les riverains et / ou propriétaires des terrains.