Avec le réchauffement climatique, l’augmentation du stress thermique dans l’agriculture et d’autres secteurs industriels devrait se traduire par une perte de productivité équivalant à 80 millions d’emplois d’ici 2030, a averti l’Organisation internationale du travail (OIT) dans un récent rapport rendu public le premier juillet dernier. L ‘organisation a estimé que ces phénomènes climatiques extrêmes pourraient engendrer des pertes économiques représentant quelque 2.400 milliards dollars à l’échelle mondiale.
Les économistes de l’institution internationale ont basé leurs projections sur une hausse de la température mondiale de 1,5°C d’ici à la fin du 21e siècle, en prenant en compte également l’évolution démographique. D’après leurs simulations, 2,2% du total des heures travaillées dans le monde seraient perdus à cause des températures plus élevées, soit une perte de productivité équivalant à 80 millions de postes à temps plein.« Il s’agit toutefois d’une estimation prudente car, outre le postulat selon lequel l’augmentation à long terme de la température moyenne mondiale ne dépassera pas 1,5 °C, elle se fonde sur l’hypothèse que les travaux agricoles et de construction sont effectués à l’ombre », ajoute l’organisation basée à Genève.
Parmi les régions les plus exposées à ces pertes d’emplois, l’Asie et l’Afrique de l’Ouest apparaissent comme les plus vulnérables. Le stress thermique pourrait entraîner une perte de 5,3% et 4,8% des heures de travail d’ici 2030, soit environ 43 millions et 9 millions d’emplois à plein temps. Sur le Vieux continent, les risques sont moins prononcés avec des pertes de productivité estimées à 0,1% environ. « Cela étant, en Europe et en Amérique du Nord, les pertes sanitaires, sociales et économiques pourraient être considérables durant des vagues de chaleur d’une intensité inhabituelle » indique l’OIT.
L’agriculture et le bâtiment en première ligne
Les effets du changement climatique devraient avoir des répercussions disparates selon le type d’emploi et les secteurs. Selon le document de l’OIT, les travailleurs dans le bâtiment et l’agriculture devraient être les plus touchés. En 1995, l’agriculture représentait à elle seule 83% du total des heures de travail perdues en 1995 à cause du stress thermique et devrait représenter 60% du total en 2030. Du côté de la construction, les pertes devraient bondir sur la décennie à venir. « Alors que la construction ne représentait que 6% du total des heures de travail perdues en raison du stress thermique en 1995, cette part devrait passer à 19% d’ici à 2030″, expliquent les auteurs.
Outre la perte de productivité et d’emplois, le réchauffement climatique pourrait exacerber les inégalités. Par exemple, les femmes qui travaillent beaucoup dans l’agriculture de subsistance pourraient voir leurs conditions de travail se détériorer dans certaines zones mondiales fortement exposées aux températures extrêmes.
La hausse du thermomètre pourrait également inciter les populations actives des zones rurales à migrer vers des villes ou des pays offrant de meilleures conditions. »Si divers facteurs contribuent, au bout du compte, à la décision de migrer (par exemple, les inégalités, le manque de perspectives, les liens sociaux, les conflits et autres questions de sécurité), le stress thermique est un facteur de plus en plus déterminant des migrations internationales », indiquent les experts.