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L’informel fait loi
Le Maroc en temps de période de vaches maigres, occasionnées par une succession d’années sèches, a laissé se développer un commerce parallèle qui aujourd’hui pèse de tout son poids. C’est un commerce qui a prêté main forte aux marchands ambulants et détaillants, qui se sont enrôlés depuis comme fournisseurs incontournables, passerelle de produits ne liguant sur aucune légalité et faisant de l’économie de l’informelle une source de richesse.
Et c’est vrai, loin de toute contrainte fiscale, l’argent se fait facilement, la circulation des richesses se fait de bouche à oreille et l’expérience fait boule de neige jusqu’à contraindre le commerce légal de fermer boutique. Que peuvent faire les pouvoirs publics pour y remédier?
Pour contrôler l’économie informelle, allant du gargotier qui vend à manger sans se soucier ni de l’hygiène ni de la santé des citoyens; aux grands trafiquants de voitures qui se la coulent douce en fin de journée à bras le corps la «chicha», il faudrait mettre en circuit toute une stratégie. L’idée de faire rentrer dans l’ordre cette économie parasite et la mieux organisée, ne surprend personne. On s’attendait tout simplement que la volonté y est, et celle-ci est venue de l’argentier du Royaume qui compte les organiser en petites entreprises.
Les Chambres régionales de commerce semblent désintéressées dans le temps, mais aujourd’hui devoir oblige elles doivent contribuer à surmonter cet handicap qui déforme toute analyse de macro ou microéconomies. C’est un défi. Donc soutenir les marchands de l’informel et leur permettre de tenir des journaux de comptabilité leur seront de grande assistance. L’économie informelle génère de nos jours quelque 280 milliards de dirhams par an, tout en s’accentuant en plusieurs «unités de production» .Selon les estimations publiées en décembre 2009 dans un rapport du Haut Commissariat au Plan, 57% des entreprises actives dans le secteur sont des commerces de détail, et 20% travaillent dans le secteur des services. Le Maroc perd ainsi des millions de Dh chaque année en recettes fiscales, parce que ces entreprises illégales ne sont pas officiellement enregistrées.
Le rapport estime également que le nombre d’entreprises non enregistrées est passé de 1,23 million en 1999 à 1,55 million en 2007, soit une augmentation de près de 18%.
Toujours selon le Haut Commissariat au Plan, on reconnaît que le secteur informel joue un rôle social et économique critique comme source de travail et de revenu. Lors d’une réunion organisée à Casablanca, il avait affirmé que ce secteur présentait un niveau de dynamisme qui lui permettrait d’être intégré dans l’économie formelle.
Dans les conditions actuelles, le secteur de l’informel reste un grand pourvoyeur d’emplois. Pour inciter les entrepreneurs à s’inscrire, l’État doit se fixer des objectifs concrets avec des pourcentages clairs pour faire remonter chaque année un nombre d’unités informelles vers l’économie formelle.
Un chef d’entreprise à Agadir explique qu’il y a des aspects positifs et négatifs à réglementer le secteur informel. Réglementer les entrepreneurs non inscrits mettrait un terme à l’épineuse question de la concurrence déloyale et la perte de recettes fiscales. Mais du point de vue de l’emploi, le Maroc a besoin d’un marché stable, à même d’absorber l’afflux de travailleurs informels.
Il faut combattre le secteur informel en prenant des mesures louables pour qu’il puisse rejoindre l’économie formelle avec la simplification des procédures fiscales. Des «magasins» partout dans les régions du Royaume pratiquent l’informel. En passant par le port d’Agadir le constat est là. C’est l’image d’un marché à gargote qui se développe en toute quiétude faisant fi des services compétents. C’est l’illustration de l’illicite qui fait loi fournissant des poissons aux gens à des conditions précaires.
Abdellah Najim