LES PRODUCTEURS de céramique s’impatientent. Il s’agit du contingentement des importations de céramiques, doublé d’un droit additionnel de 1,50 DH payable pour chaque mètre carré de céramique importé hors contingent, sachant que les droits de douane normaux varient de 16 % appliqués aux importations en provenance de l’Union européenne à 40 % pour les produits chinois. La prorogation doit, toutefois, être accompagnée d’une augmentation des contingents d’au moins 10 % par an.
Mais quand bien même le ministère du commerce extérieur déciderait une telle prorogation, sa mise en oeuvre, pour ne pas dire validation, est du ressort du département des finances qui doit co-signer l’arrêté devant être publié au Bulletin officiel. Jusque-là, une promesse ferme a été faite aux industriels. Mais ne voyant rien venir, ils commencent maintenant à douter. Par la voix de Fouad Benzakour, président de l’Association professionnelle des industries céramiques (APIC), ils disent craindre «un volte-face de l’administration sur ce dossier». Selon M. Benzakour, les producteurs avaient introduit, en octobre 2008, «dans les règles de l’art et conformément à l’article 4 des accords de l’OMC» , une requête auprès du ministère du commerce extérieur pour demander la prorogation de mesures de sauvegarde pour une période supplémentaire de quatre années. Dans cette requête, il est souligné que la branche de production des carreaux céramiques est menacée de graves dommages en raison d’un accroissement massif et imminent des importations de carreaux céramiques dès la levée de la mesure de sauvegarde. «Nous avons aussi mentionné la signature d’un accord de partenariat avec l’association des importateurs, dans lequel les deux parties exprimaient leur accord pour la demande de prorogation de mesures de sauvegarde», ajoute M.Benzakour.
La douane regrette le retour du protectionnisme
Du côté du ministère des finances, l’heure n’est pas à la précipitation. «Le ministère du commerce extérieur a précisé le contingent tarifaire non soumis aux droits additionnels pour la période du 19 juin au 31 décembre 2009. Par conséquent, rien ne nous oblige à signer tout de suite l’arrêté concernant la prorogation puisque la mesure provisoire court jusqu’au 31 décembre prochain», souligne-t-on auprès des finances.
Même position du côté de l’administration des douanes qui regrette «le retour au protectionnisme qu’occasionnera la prorogation des mesures de sauvegarde».
Un argument qui ne convainc guère les producteurs locaux de céramique. «Grâce aux différents éléments fournis par notre association et aux efforts déployés par les agents chargés de l’étude de la requête au sein du ministère du commerce extérieur, notre demande a été accueillie positivement par l’Union européenne lors de sa présentation à Genève. Cette reconnaissance prouve que l’Union européenne n’est pas contre la prorogation de mesures de sauvegarde pour trois années encore», souligne la direction de l’APIC.
Si elle inquiète les producteurs locaux, la situation actuelle devrait en revanche arranger les affaires des importateurs qui ont toujours milité pour une suppression ou du moins une réduction de la période d’application des mesures de sauvegarde. «Nous étions d’accord pour une prorogation de deux années au maximum de ces mesures. Mais cette prorogation doit s’accompagner d’une véritable mise à niveau du secteur pour que la production locale soit capable de concurrencer, sans aucune protection, les produits étrangers», lance un importateur.
Rappelons que si l’industrie marocaine de céramique a du mal à concurrencer les produits importés d’Espagne, d’Italie et de Chine notamment, c’est essentiellement à cause du coût de l’énergie jugé exorbitant par les producteurs locaux.
En effet, et à la différence des autres pays qui utilisent le gaz naturel, au Maroc cette industrie recourt au propane, qui coûte 4 fois plus cher qu’en Europe, 8 fois plus qu’en Turquie et 40 fois plus qu’en Egypte.
Outre l’énergie, l’industrie locale regrette également la faible quantité d’argile et de sable siliceux produite au niveau local. «Par conséquent, une bonne partie des matières premières nécessaires à la branche céramique est importée. Ce qui pèse pour 30 % dans le coût de revient», souligne-t-on auprès de l’APIC. Selon les dirigeants de cette association, le Maroc dispose d’un potentiel de gisements d’argile et de sable siliceux dont les réserves sont suffisantes pour alimenter l’industrie des carreaux de céramique, mais l’exploitation de ces gisements reste individuelle. Et la mise à niveau de la production locale devrait remédier à cette problématique et réduire la dépendance par rapport aux importations en matières premières.