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Énergie éolienne & Initiative Nationale Pour le Développement Humain: INDH

Par Said GUEMRA (*)

Toutes les données avancées dans le cadre du présent dossier sont contenues dans des documents publics : textes de Loi, Dahirs, factures de l’énergies HT/MT/BT, cahier des charges de l’ONE… Aucune donnée, ou concept à caractère confidentiel n’y figure… Les hypothèses, concepts, et conclusions n’engagent que l’auteur dans le cadre de son entreprise de conseil en management de l’énergie industrielle.

L’une des vraies raisons pour l’encouragement de l’énergie éolienne dans un grand nombre de pays, c’est bien son indépendance des cours de Pétrole. Nous avons tous appris à nos dépends, comment le Pétrole pouvait se comporter sur le marché du simple au triple dans un espace temps très restreint, ainsi le monde entier s’inscrit dans la logique d’une énergie qui sera de plus en plus coûteuse, et de moins en moins disponible.

Sur un chapitre plus prospectif de l’avenir, nul ne peut prévoir le comportement des coûts des ressources énergétiques. Les pays qui disposent d’un management de l’énergie sur plusieurs années à l’avant, l’ont bien compris, et ils ont soutenu l’énergie éolienne à coût de Milliards, avec trois grands objectifs principaux: diversifier le bouquet énergétique, préserver l’environnement avec la création du marché carbone, et surtout, assurer une meilleure indépendance du Pétrole.

Les grands choix énergétiques
La tendance des stratégies à moyen long terme, revient à assurer plus de 80% du bouquet électrique, avec des instruments qui dépendent de la baisse des coûts par MW installé et par MWh produit: le charbon et le nucléaire comme énergie de base, L’éolien à court terme, la génération électrique par biomasse à moyen terme, et le photovoltaïque à moyen long terme. Un pays qui cherche à produire aujourd’hui de l’énergie électrique en photovoltaïque sur réseau électrique, saute très rapidement aux conclusions, le prix du kWh photovoltaïque sur réseau est à plus de 4,5 Dh/kWh, pour un prix moyen du kWh 0,80 Dh/kWh (net ménages et moyen industriel MT). Il faut que quelqu’un passe à la caisse pour régler la différence : certainement pas les économies émergentes comme la notre ! La tendance est effectivement à la baisse pour les coûts de production photovoltaïques, mais chaque ressource à son temps. En attendant, Il faut commencer à maîtriser le photovoltaïque sur réseau dans le cadre des projets de démonstration, ou de recherche scientifique, mais certainement pas pour la production électrique massive. Annoncer 500 MW d’énergie photovoltaïque fait très bonne impression, mais qui payera le prix par rapport aux énergies classiques ? Notre économie est elle bien placée pour subventionner le photovoltaïque sur réseau ?

Production nucléaire hors du Maroc et éolien pour les défavorisés
L’un des grands soucis dans la gestion de l’énergie électrique d’un pays, revient à assurer cette électricité de base à 24h/24, qui croit surtout en fonction du taux d’industrialisation du pays, en plus d’une partie variable caractérisée par la montée entre 17/18h et 22/23h, correspondant à la montée en puissance des consommations des ménages, et éclairage des villes. Au Maroc, c’est la seconde partie qui domine.

Le nucléaire: Oui, mais pas chez nous pour l’instant
Si nous commençons à mieux gérer notre phosphate, c’est bien grâce à un homme qui décidé de voir les choses autrement, pour le faire sortir de la ressource primaire exportable en l’état, vers la ressource industrielle à forte valeur ajoutée, et s’il nous faut 10 à 15 années d’études pour construire une centrale nucléaire, avec une augmentation de la demande de 500 MW/an, on aura vite consommé la centrale à charbon de 1 320MW, en moins de trois ans, bien avant son démarrage !
L’idée reviendrait à pousser la valorisation de notre phosphate à l’extraction de l’Uranium, et à en faire un apport en nature, dans le cadre d’une production mixte d’une simple extension, ou l’utilisation d’une capacité excédentaire d’une centrale nucléaire européenne 1000 à 1500 MW pour commencer : ça peut aller très vite, il suffit de bien porter, et de bien vendre le projet. La notion des transits énergétiques et actuellement très bien rodée en Europe, la liaison électrique que nous avons actuellement avec l’Europe ne sera que mieux exploitée avec le standard de sécurité d’approvisionnement. L’autoroute énergétique méditerranéenne, concept cher au Président Sarkozy, ne sera que mieux renforcée, et puis, nous ferons également l’économie des visites de l’AIEA, et l’économie de bien d’autres doutes.

L’éolien : Pour la protection des couches défavorisée, pouvoir d’achat, et subventions ciblées.
Actuellement, l’initiative Energie-Pro de l’ONE pour promouvoir l’éolien au Maroc, constitue une action très novatrice dans le domaine avec l’autoproduction éolienne dont le seuil vient d’être relevé à 50 MW. L’ONE passe d’un coup d’un établissement économiquement très renfermé, à un établissement qui met véritablement le réseau national au service du développement du pays, avec l’introduction de nouveaux instruments très rigoureux et justes sur le plan technique, mais qui ne permettront malheureusement pas l’éolien de décoller, et nous dirons pourquoi ?

1. Le projet Energie Pro s’adresse exclusivement à la clientèle ONE Haute et Très Haute Tension : première anomalie de taille sur le plan juridique: pourquoi les autres consommateurs non distribués par ONE ne seraient pas concernés. Pourquoi la moyenne et la basse tension ne serait pas concernés par l’éolien, c’est bien là le plus gros de la consommation ? Les débats avec les régies et concessionnaires risquent d’être très longs, définition d’un timbre de distribution, perturbation des business plan des concessionnaires … : moralité de la chose, l’ONE fait court et simple: seuls les clients ONE HT et THT seront concernés. Résultat: sur le plan juridique le projet de Loi 16-08 dans sa mouture actuelle, autorisant le passage de l’autoproduction à 50 MW est inacceptable, car il ne concerne que les clients ONE : ce n’est pas écrit c’est vrai, mais est ce qu’un client industriel LYDEC est concerné par l’éolien: la réponse aujourd’hui est non, seuls les clients ONE ont le droit d’utiliser le réseau national. Une loi ne peut être restrictive à une partie de la population. Les juristes du gouvernement, doivent mieux analyser cette situation pour décider du sort de cette loi ?

2. La clientèle HT et THT est une clientèle qui fonctionnement généralement 24h/24 : grandes usines, ONCF, OCP. La clientèle HT en 60 kV constitue le plus gros, seule 10% de cette clientèle est en THT.

Cas d’un abonnement HT (Haute Tension) normal
Comme le montre le tableau suivant, le coût moyen pondéré Hors Taxe de la clientèle HT la plus dominante du marché serait de 0,639 Dh/kWh (HT).

Abonnement Haute Tension classique: calcul du coût moyen HT du kWh pondéré
Par les tranches tarifaires, et coût de l’énergie excédentaire payée par l’ONE
aux producteurs éoliens

Pour que le projet éolien puisse intéresser cette catégorie de consommateurs, il faut peut être un minimum de 5% de remise sur ce tarif officiel. Nous n’avons pas encore rencontré un industriel qui voudrait payer plus pour l’énergie verte. En tenant compte des autres coûts, nous allons avoir la situation suivante :

Remise client (5%): 0,032 Dh/kWh
Timbre de Transport : 0,080 Dh/kWh
Pertes (évaluée) : 0,020 Dh/kWh
Vente sortie parc éolien Brute: 0,501 Dh/kWh
Energie récupérée par ONE (*) : 30%
Vente sortie par éolien : 0,465 Dh/kWh
Soit 4 Cts d’Euro/kWh.

(*) L’énergie éolienne produite et l’énergie consommée par les clients industriels sont mesurées simultanément toutes les dix minutes. En théorie, les deux courbes celle de la production éolienne et celle de la demande doivent être parfaitement identiques, ce qui est largement impossible. En l’espace de 10 minutes, la production éolienne peut passer de 10 à 90 % de la puissance nominale, dans ce cas 30 à 50% de l’énergie éolienne est reprise par ONE à un tarif ridiculement bas (50% + 20%), soit 0,383 Dh HT/kWh: C’est très difficile de ne pas perdre de l’argent !

Si les standards internationaux parlent d’un prix de 6 à 8 Cts Euro/kWh, selon les performances de gestion du parc éolien, le facteur de charge éolien, la distance du parc au réseau d’évacuation, et la qualité des équipements engagés, on ne voit pas comment un producteur éolien arriverait à produire de l’énergie à 4 Cts Euro /kWh, quand l’investissement est de l’ordre de 1,5 à 1,6 MEuro/MW, même dans les sites les mieux ventés au monde, tout en sachant que le coût de reprise en Europe est de 8 à 9 Cts Euro/kWh ?

La nouvelle tarification Super Pointe : le coût de grâce aux projets éoliens
Pour mieux enterrer tout espoir de produire de l’éolien industrielle au Maroc, et en date du 30 Mai 2008, l’ONE introduit la tarification super pointe dans le but d’inciter les industriels à « s’effacer » en heures de super pointe: entre 18h et 20h. Pour l’option Très Longue Utilisation TLU à plus de 6 000 heures d’utilisation /an, ce qui est le cas pour toute la clientèle HT et THT. Combien se sont effectivement effacés à ce jour sur la base mesurable des comparatifs d’enregistrements électriques de la demande journalière, et non sur la base d’un nouveau contrat signé en baisse théorique de MW?

Abonnement Super Pointe SHP : calcul du coût moyen HT du kWh pondéré par les tranches tarifaire, et coût de l’énergie excédentaire payée par l’ONE aux producteurs éoliens

Le coût moyen pondéré du kWh passe de 0,639 Dh/kWh, à 0,443 Dh/kWh, soit une économie nette sur la rubrique de redevance kWh de 31%. Au fait les simulations pour un cas moyen d’une entreprise qui consomme 2 Millions kWh/mois avec une puissance appelée de 3000 kVA, montrent que le gain net définitif par passage à l’option TLU serait de 15%. Le coût de l’énergie baisse de 31%, mais le coût de la redevance annuelle de la puissance augmente de 244 %. L’un dans l’autre, l’économie nette ne serait que de 15%, qui dira mieux : certainement pas les producteurs éoliens !

Calcul du gain financier réalisé par une entreprise industrielle qui passe d’un abonnement HT (kVA) à un abonnement SHP (kW) Facteur de puissance moyen : 0,82

En suivant toujours le même raisonnement, un client HT qui serait en option TLU de la SHP avec un coût moyen de 0,443 Dh/kWh :

Remise client (5%): 0,022 Dh/kWh
Timbre de Transport : 0,080 Dh/kWh
Pertes (évaluée) : 0,020 Dh/kWh
Vente sortie parc éolien Brute: 0,311 Dh/kWh
Energie récupérée par ONE (*) : 30%
Vente sortie par éolien : 0,311 Dh/kWh
Soit 2,7 Cts d’Euro/kWh.

A 2,7 Cts Euro /kWh comme coût en sortie du parc éolien, la nouvelle tarification Super Pointe SHP/TLU apporte le coût de grâce à l’éolien industriel au Maroc. Pour arriver à des standards acceptables vers 6 Cts Euro /kWh (*), si les sites sont bien ventés, la subvention de l’état devrait ainsi se situer à 3,3 Cts Euro /kWh. Si la production moyenne attendue des 1000 MW est de moyenne de 3 000 GWh/an, le soutien annuel devrait être de 105 Millions Euros /an, là encore on se demande qui va passer à la caisse. Même le Milliards de $ promis pour promouvoir les énergies renouvelables, serait englouti en moins de 7 ans : La solution est loin d’être durable. D’autres grandes contraintes qui se dressent face à ce beau concept inventé par l’ONE sont également sans solution :
Ou est le cadre institutionnel qui va régir les énergies renouvelables en général connaissant les handicaps du projet de Loi 16-08, et de la nouvelle tarification dite Super Pointe ? et qui fait quoi dans le domaine des énergies renouvelables ? Comment se fera la sécurisation des investissements privés dans l’éolien ?
Dans le contexte de la crise mondiale actuelle, comment se fera le financement des projets éoliens pour des industriels qui n’on aucune expérience dans la production éolienne ?
Les banques marocaines suivront elles la spéculation éolienne, sachant qu’un parc éolien peut perdre plus de 30 à 40 % de sa production par manque d’expertise en matière de management de l’éolien ? La production éolienne est bien plus compliquée que l’immobilier ! On parle d’un investissement de 1 500 Milliards Euro, pour une technicité, et un savoir faire que nous n’avons pas ?.
Si la chose est techniquement simple, et il suffit que le vent souffle pour que ça marche, pourquoi le parc éolien de Abdelhak Torres à plus de 3 MW ne produit pas un seul kWh depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, alors qu’il est doté des machines des plus robustes au monde ? ce parc éolien aurait pu alimenter 10 000 ménages à 100 kWh/Mois/ménage ?
Que faire de la production électrique éolienne, si un industriel décide de fermer, ou de réduire son activité, avec un prix de reprise ridiculement bas ? Quelle est la garantie d’achat de l’énergie éolienne par le secteur privé marocain ?

Parc éolien de Abdelhak Torres, les éoliennes sont orientées dans tous les sens: Pourquoi les éoliennes publiques ne marchent pas ?

En attendant des réponses à toutes ces questions, et à bien d’autres, nous faisons l’exercice de voir si la production éolienne sur réseau ne peut s’adresser à une autre catégorie d’utilisateurs électriques. Il se trouve comme nous allons le montrer, que les conditions de la facturation électrique basse tension à une moyenne de 0,80 Dh/kWh pour la première tranche d’usage domestique: couches sociales à faible revenus, et qui seraient à moins de 100 kWh/mois.
Quand un investissement éolien est réalisé par exemple en 2008, l’un des modèles de financement reviendrait à considérer le prix du kWh comme constant sur la durée de vie du projet, en général entre 15 et 20 ans : les équipements sont payés, aucune dépendance de l’inflation, et encore moins du pétrole. Si la production éolienne est « affectée » à la consommation des ménages marocains les plus défavorisés, nous pouvons considérer la facture électrique constante sur une durée de plus de 20 ans, et à hauteur des premiers 100 kWh/mois consommés. Nous serons réellement dans le concept des énergies renouvelables au service du développement humain.
Comme le montre la figure suivante, un ménage à faible revenu qui paye une facture électrique moyenne de 200 Dh/mois (10% du Smig en 2008), soit 2 400 Dh/an, payerait ce même montant en 2 028 et réaliserait une économie de 16 500 Dh, sur une durée de 20 ans.

Pour 3 Millions de ménages sociaux, une inflation très conservatrice de 3% sur le coût « futur » de l’énergie. L’économie réalisée à l’échelle nationale serait de 49 Milliards de Dirhams sur 20 ans, soit une moyenne de 2,47 Milliards de Dirhams par an qui viendrait en soulagement de la caisse de compensation, ainsi d’autre mécanismes peuvent être articlés autour de ce concept: si on installe 3 Lampes à Basse Consommation chez les 3 Millions de ménages sociaux, soit 9 Millions de Lampes à Basse Consommation à 18 M$, notre proposition serait nettement plus améliorée.
Le tableau suivant reprend les analyses avancées, les 100 premiers kWh/mois pour 3 Millions de ménages à faibles revenus, représenterait une consommation annuelle de 3 600 GWh/an. 1000 MW éoliens produiraient 3 200 GWh/an.

La nature a également voulu que le comportement d’une production « éolienne typique » ressemble à la courbe de la demande électrique des ménages.

Ce n’est pas une règle absolu, mais en général les premiers kWh générés par un parc éolien commencent à être produit avec les premiers rayons du soleil, la montée en puissance se fait à partir de 16h/17h. Grande similitude avec la courbe de la demande électrique des ménages : le soleil n’est t il pas à l’origine du vent !

(*) Expert Conseil, Gestion de l’Energie en Temps Réel

ENCADRE

Orienter la réflexion dans le bon sens

Pour faire de la production électrique un élément de compétitivité pour les petites entreprises qui peuvent également bénéficier de la production éolienne, avec une vérité des prix, et une protection du pouvoir d’achat de nos citoyens face à un avenir énergétique largement incertain, il est très urgent d’explorer d’autres solutions novatrices : nucléaire déporté, éolien au profit des couches défavorisées. Certaines décisions / Choix seront attendues de la part des pouvoir publics :

Si la production éolienne est destinée aux client HT de l’ONE, avec toutes les entorses à la Loi, il va falloir améliorer de manière très large le contexte actuel, et commencer à budgétiser les appuis financiers au profit des industriels : plus de 100 Millions d’Euro/an.
Si la formule de la production éolienne des 1000 premiers MW est adoptée au profit des couches sociales, aucun effort financier ne sera demandée, mais il va falloir réaliser une grande mise à niveau à différents niveaux pour améliorer la compétitivité au niveau du transport HT, soit vers 4 à 4,5 Cts Dh/kWh, limiter également la distribution aux alentours de 4 à 5 Cts Dh/kWh. En souhaitant que les concessionnaires de la distribution jouent le jeu et, tout en limitant leurs appétits.
Devrons nous venir en aide de l’industrie pour le plaisir d’avoir des éoliennes, ou bien avoir des éoliennes, soulager les budgets sociaux, et venir au secours des couches sociales défavorisées et très maltraitée par l’inflation que connaît le monde actuellement.
L’INDH restera ainsi, la voie royale dans laquelle nous devons tous engager nos réflexions.

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