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Diagnostic du Secteur minier marocain
Faire un Diagnostic du secteur minier Marocain nous amène directement vers un double constat antinomique. Le premier, optimiste et prometteur, fait état d’un secteur très riche en potentialités naturelles, géologiques et même économiques…, disposant d’atouts considérables, contribuant allègrement au maintien des équilibres macro-économiques de notre pays et pouvant aussi avoir des effets d’entraînement bénéfiques sur toutes les industries et services qui se développent en amont, mais surtout assurant un développement économique régional, permettant de réduire ainsi les écarts effroyables qui existent entre le centre et les régions…
Le second constat de ce Diagnostic, est malheureusement, diamétralement opposé au premier, dans la mesure où ce secteur, en terme de réalisations, n’a jamais pu se hisser à la hauteur des espérances, et des potentialités qu’il recèle… Ses résultats timorés, ne sont que le reflet d’un environnement réglementaire, caduque, archaïque et insouciant du rôle primordial que ce secteur doit assumer pour le développement économique en général de notre pays, mais également d’un dispositif d’incitation aux investissements, d’ordre juridique, fiscal, comptable et financier; insuffisant et souvent inadapté aux spécificités économiques de ce secteur.
Dans le cadre de ce titre, nous allons consacrer la première partie à la présentation de la situation actuelle du secteur minier, sa place dans l’économie nationale et ses perspectives de développement internes et externes, compte tenu de ses potentialités et de sa structure actuelles; la deuxième partie traite des aspects juridiques et fiscaux ; elle comprend une étude critique du cadre réglementaire, juridique et fiscal qui régit actuellement le secteur minier, en mettant l’accent sur la fragilité, l’inadaptation et les insuffisances des textes actuels et leur incapacité à gagner la confiance des investisseurs potentiels; et la troisième partie quant à elle, aborde notamment les aspects comptables et financiers ; elle met notamment en exergue le changement de la réglementation comptable qui demeure toutefois, généraliste et ne saurait s’adapter de manière adéquate aux spécificités et particularités de ce secteur ; cette partie comprend également une présentation critique de l’environnement financier (marché financier, marché des capitaux…), ainsi que des mesures d’encouragement d’ordre économique et commercial, qui ne sont toujours pas à la hauteur des espérances dans ce secteur.
L’industrie minière est une industrie très particulière où la durée de vie de chaque exploitation varie de quelques à plusieurs années, en fonction de ses réserves exploitables. Un effort constant doit donc être fait pour renouveler ces réserves par des travaux d’exploration et de développement, faute de quoi le secteur s’achemine vers la stagnation suivie très rapidement du déclin.
Ces travaux nécessitent à la fois une infrastructure géologique de base essentielle pour cerner les potentialités minières, et des capitaux considérables pour en financer l’exploration et le développement. Aucune de ces deux exigences de base n’étant remplie de façon satisfaisante au Maroc, c’est la stagnation et le déclin qui guettent le secteur, avec l’épuisement attendu des gisements actuellement en exploitation.
Le manque d’intérêt des investisseurs miniers, notamment étrangers pour le Maroc durant les dernières années, alors que l’exploration minière a connu un regain important dans plusieurs régions du monde, dont les pays de l’Afrique de l’Ouest, indique bien que le secteur minier a besoin d’être revitalisé.
La richesse minière du Maroc a attiré depuis la préhistoire de nombreux explorateurs tels que les Phéniciens, les Romains et les Portugais. Des mines anciennes ont produit Argent, Cuivre, Fer, Or, Etain, Plomb, Zinc, Antimoine, Sel et autres minéraux industriels. L’exploitation de certaines de ces mines a
été reprise et se poursuit de nos jours. La géologie structurale du Maroc, divisée en trois domaines principaux, nous donne les indications suivantes sur le potentiel minéral :
– Le domaine anti-atlasique et saharien : Vaste zone s’étendant depuis la frontière Maroco- Mauritanienne au sud-ouest jusqu’aux confins Algéro-Marocains au nord-est. Son soubassement volcano-sédimentaire est favorable aux minéralisations polymétalliques.
Les gisements, argentifère d’Imiter, cobaltifère de Bou-Azzer et polymétallique de Boumaâdine, entre autres, se situent dans ce contexte. Les boutonnières précambriennes constituent un potentiel important pour l’Or. Le gîte aurifère d’Iourirn, récemment découvert dans la boutonnière d’Akka, en est un bon exemple.
-Le domaine atlasique et mesetien : S’étend vers le nord jusqu’au contact avec les charriages tertiaires du Rif. La topographie proéminente est la chaîne du haut Atlas. Ce domaine comprend un socle paléozoïque de terrains schisto-gréseux à passées volcaniques tels que les Jebilet, le haut Atlas occidental, le Maroc central et oriental. Il est parsemé de massifs granitiques. Les terrains volcano- sédimentaires du haut Atlas occidental, des Jebilet et Guemassa et du Maroc central sont favorables à la minéralisation polymétallique Zinc, Plomb, Argent, à l’Etain, au Tungstène et à l’Or (Jbel Aouam). Le calcaire du haut Atlas, le Moyen Atlas et le pays des Horsts (district de Touissit) sont minéralisés en Plomb-Zinc argentifère.
– Le domaine rifain : S’individualise par son appartenance à la chaîne alpine européenne. Il dessine l’arc de Gibraltar. On y trouve un massif de péridotite (Béni-Bou-Izra) contenant des indices de Nickel, Chrome, Cuivre, etc; un ensemble schisto-gréseux paléozoïque et des terrains triasiques contenant du Cuivre et de l’Antimoine (district de Béni M’zala) ; un empilement de nappes à prépondérance carbonatée minéralisées en Plomb-Zinc à Cadnar, Badis, Zaïtouna, etc; et du volcanisme récent contenant des gisements de Perlite et de Bentonite.
Le Phosphate et dérivés constituent la principale ressource minière du Royaume, avec environ 19% de la production mondiale en 1999. Le Maroc est également considéré comme le premier exportateur mondial. Le marché des Phosphates et dérivés est en perpétuelle mutation en raison de divers facteurs dont notamment la crise financière, économique et politique, le changement de politique de subvention dans certains des grands pays consommateurs d’engrais et la concurrence acerbe entre les producteurs.
A cela, il y a lieu d’ajouter les contraintes environnementales et le démarrage de nouveaux projets miniers et de transformation. Les aléas climatiques et les cours de céréales sont également des facteurs qui influent sur l’évolution du marché du Phosphate et dérivés.
L’année 1999 a été caractérisée par une conjoncture difficile, marquée par des augmentations de capacité
de production du P2O5 et une chute drastique des prix du DAP qui a tiré dans son sillage le prix de l’acide phosphorique et du Phosphate.
Dans ce contexte, le commerce mondial de Phosphate sous toutes formes a enregistré un léger recul de 0,5% en 1999 par rapport à 1998, passant, en équivalent P2O5, de 24,11 millions de tonnes à 23,99 millions de tonnes. Néanmoins, le Groupe Office Chérifien de Phosphate (OCP) a mené les actions requises pour optimiser les ventes et consolider ses positions sur le marché des Phosphates et dérivés.
Ainsi, la production marocaine des Phosphates et dérivés s’est élevée en 1999 à plus de 27 millions de tonnes, représentant environ 19% de la production mondiale, permettant au Maroc de se maintenir parmi
les principaux producteurs de Phosphate dans le monde (Etats-Unis, Chine et la Russie). Par ailleurs, les exportations Marocaines de Phosphate et dérivés sous toutes formes ont augmenté de 1,3% en 1999. La part du marché s’est améliorée en passant de 25,4% en 1998 à 25,6% en 1999, ce qui confère au Maroc le 1er rang mondial des exportateurs de Phosphate sous toutes formes.
Phosphate brut :
En 1999, la production mondiale de Phosphate brut a été de 133,7 millions de tonnes contre 137,9 millions de tonnes en 1998, et le commerce mondial a baissé de 3,5% par rapport à 1998. Cette baisse a concerné les Etats-Unis (-9,9%), Israël (-19,9%), le Togo (-27,9%), les pays de l’ex URSS (-3,4%), la Jordanie (-2,8%) et le Maroc (-3%).
En dépit de la baisse des exportations des Phosphates du Groupe OCP, de 3% en 1999 par rapport à 1998, sa part de marché s’est améliorée, passant de 35,5% en 1998 à 35,7% en 1999.
Acide phosphorique :
Les exportations mondiales d’acide phosphorique se sont élevées à 3,81 millions de tonnes P2O5 en 1999, s’inscrivant en hausse de 4,2% par rapport à 1998. Cet accroissement, qui a concerné essentiellement l’Inde, l’Arabie Saoudite et le Pakistan, a permis de contrebalancer a la baisse des enlèvements des autres pays importateurs, notamment la Belgique, la Hollande, l’Espagne, l’Italie, la Turquie et le Brésil.
Pour l’Inde, dont les importations ont représenté 60% du commerce mondial d’acide phosphorique en 1999, ses enlèvements ont augmenté de 10% par rapport à 1998.
Les exportations Marocaines d’acide phosphorique, qui se sont élevées, en 1999, à 1,67 million de tonnes P2O5, enregistrent un accroissement de 10,2% par rapport à 1998. La part de marché du Maroc s’est améliorée en passant de 41,4% en 1998 à 43,8% en 1999.
Engrais solides :
En 1999, le commerce mondial d’Engrais solides, exprimé en P2O5, a enregistré une hausse de 3,2%. L’amélioration de la demande mondiale à l’importation de DAP (+3,8%) et de MAP (+6,6%) a ainsi compensé entièrement la baisse au niveau du commerce mondial de TSP (-5,5%).
S’agissant de DAP, le Maroc a enregistré en 1999 de bonnes performances aussi bien à destination du Pakistan (+20,3%) qu’en Thaïlande (+25,6%).
En revanche, des réductions ont été enregistrées au niveau de la Chine, l’Argentine et l’Europe du Sud. Globalement, les exportations Marocaines de DAP ont totalisé 1,153 million de tonnes, enregistrant une
baisse de 4,9% par rapport à 1998.
Pour le TSP, les exportations Marocaines ont reculé de 0,9% en s’établissant à 0,5 million de tonnes. Celles de MAP ont enregistré un net accroissement de 170,9% par rapport à 1998 en atteignant 72 014 tonnes.
Le Zinc :
Le Zinc est l’une des trois principales ressources minérales du Maroc, après les Phosphates et l’Argent.
On distingue deux types de minéralisations : sulfurée et oxydée. La sulfurée domine la production à 97%.
La production minière nationale de concentré de Zinc est restée comparable à celle réalisée en 1998 passant de 216 010 tonnes en 1998 à 216 200 tonnes en 1999. De leur côté, les exportations ont atteint 211 100 tonnes en 1999 contre 222 470 tonnes en 1998, soit –5,1%.
Les recettes à l’exportation de ce produit se chiffrent à DH 545,8 millions en 1999, contre DH 512,5 millions en 1998, en hausse de 6,5%, en raison de la reprise des cours en 1999.
Le Plomb :
La plus grande partie de la production de Plomb provient du district de Touissit, ainsi que de la mine de Hajar. Bien que les réserves comprises dans le district de Touissit commencent à s’épuiser, le potentiel à Hajar, et dans la zone de la CADETAF est reconnu comme excellent.
La production minière nationale de Plomb en métal et concentré a été de 179 410 tonnes en 1999, contre 177 013 tonnes en 1998. Les exportations du Plomb métal et concentré se sont élevées en 1999 à 102 990 tonnes, pour une recette de DH 423,3 millions, contre 104 615 tonnes en 1998, soit une recette de DH 443,4 millions.
Argent :
Après les phosphates, l’argent est la plus importante ressource minérale du Maroc. La majeure partie de la production provient de la mine d’Imiter, dans l’Anti-Atlas oriental. Le potentiel en réserves de cette mine est jugé excellent.
Ainsi, la production nationale d’Argent Métal en 1999 a atteint 278 tonnes contre 307 tonnes une année auparavant, soit une baisse de 9,4% après la hausse de 16,8% en 1998. Les recettes réalisées par la vente de 265 tonnes d’Argent Métal sont chiffrées à DH 462,1 millions en régression de 11% par rapport à 1998 (DH 520 millions).
Le Cuivre :
L’essentiel de la production actuelle du Cuivre provient de la mine de Hajar. Le Maroc renferme une grande variété de types de gîtes cuprifères, répartis sur tout le territoire, mais surtout dans l’anti-Atlas et le Haut Atlas. Le potentiel est considéré comme excellent pour chacun des producteurs actuels. Cependant, il semble que, étant donné les prévisions de prix peu encourageantes, il serait préférable de rechercher de nouvelles réserves cuprifères autour des mines existantes, où les coûts de développement devraient être beaucoup moindres. On peut également rechercher des gîtes plymétalliques (Cuivre-Or du Haut Atlas occidental, Cuivre-Plomb-Zinc des Jebilet-Guémassa), plutôt que des gîtes de Cuivre seul.
La production nationale de Cuivre en métal et concentré a enregistré une baisse de 20% en 1999, passant de 34 440 tonnes en 1998 à 27 472 tonnes en 1999. Les exportations ont connu la même tendance, soit 29 170 tonnes en 1999 contre 35 130 tonnes en 1998; les recettes effectuées en 1999 de DH 103,8 millions sont également en baisse de 6% par rapport à celles enregistrées en 1998. En effet, l’activité cuprifère a été le plus touchée par les alliances stratégiques de fusions et acquisitions auxquelles
se sont livrées ces deux dernières années les grands opérateurs miniers. Cette politique a eu des effets bénéfiques pour ces entreprises, alors que le cours de ce Métal s’est contracté et que la compétitivité s’est jouée sur les coûts de production.
L’Or :
Depuis la fermeture de la mine de Tiouit, le Maroc ne produit plus d’Or. Toutefois, le gisement cupro-aurifère de Seksaoua mis en valeur, pourra éventuellement devenir producteur. Mais l’on retrouve de nombreux prospects ou indices d’Or, surtout dans l’Anti-Atlas (Tiouit, Iouriren, etc…), également dans le Haut Atlas (Seksaoua, El Haouanite, Tizi N’Test, etc…) et dans le Maroc central (Aouam, Boulja, etc…).
Le prospect d’Iouriren, dans la boutonnière précambrienne de Taggrara d’Akka dans l’Anti-Atlas occidental, est un futur producteur dont l’exploration a permis de découvrir un potentiel non négligeable.
L’exploitation de ce gisement aurifère déjà entamée à partir de l’année 2001, permettra d’atteindre un niveau de production évalué à environ 3 tonnes par an d’Or métal.
Etant donné le grand intérêt des investisseurs miniers internationaux pour l’Or, ainsi que le potentiel aurifère élevé dans plusieurs régions du Maroc, la sous-exploration de ce métal précieux constitue à notre avis, une grande faiblesse. Nous devons signaler, enfin, le potentiel aurifère des roches granitiques et basiques et des formations volcano-sédimentaires archéennes de la Dorsale Reguibate. La Dorsale, prolongation dans le domaine saharien du craton ouest africain, bien connu ailleurs, par exemple, au Mali; pour ses minéralisations aurifères ; est cependant la région Marocaine la moins bien explorée.
Le Cobalt :
La seule mine Marocaine de cobalt en exploitation, et cela depuis les années trente, est celle de Bou-Azzer ; le gisement exploité recèle un potentiel jugé excellent. La production nationale de Cobalt en métal et concentré a progressé en 1999 par rapport à 1998 pour atteindre 9 962 tonnes contre 3 112 tonnes. Cette performance est attribuée au démarrage avec succès d’une nouvelle unité de grillage du concentré de Cobalt. Les exportations ont atteint 3 024 tonnes, soit DH 163,7 millions de recettes en progression de 90% par rapport à 1998. A noter par ailleurs, qu’un grand projet de valorisation du concentré de Cobalt a été réalisé à partir de l’année 2000.
En plus de ces différentes richesses en minerais métalliques, le Maroc dispose d’un potentiel non négligeable en minéraux industriels, dont les principaux sont la Barytine, la Fluorine, le Sel, le Manganèse chimique, la Bentonite, le Ghassoul, le Ciment, le Gypse, les Roches ornementales, les Sables siliceux, le Magnésite, la Perlite, la Calcite, la Célestine, le Zircon, le Mica, les Feldspaths, le Kaolin ; ainsi que d’importantes ressources énergétiques solides, dont les principales sont le Charbon, les Schistes Bitumineux, la Lignite et l’Uranium. Toutefois, ce dernier ne se trouve qu’à l’état d’indices répertoriés dans tous les domaines du Maroc à l’exception du Rif.
Ainsi, le Maroc dispose d’un immense potentiel riche et diversifié de gisements miniers et énergétiques, dont le dernier révélé était celui de «Talsint», dont les premières recherches ont abouti à la découverte du Pétrole à des quantités qui pourraient s’avérer substantielles dans l’avenir..