EconomieReportage

Vie associative

Quand l’action sociale reste spontanée

La vallée de Draâ moyen a très peu attiré l’attention des acteurs politiques dans notre pays. Les seules actions entreprises étaient sectorielles et d’envergure très limitée. Les opérations accomplies dans les domaines de l’aménagement hydro-agricole, l’éducation, l’électrification, les télécommunications et le tourisme étaient aussi modestes, sans parler des autres domaines comme la santé, les routes, l’eau potable et le transport qui n’occupaient naguère que le peu d’attention des autorités publiques et du coup restaient faibles.

La vallée de Draâ se trouve ainsi doublement pénalisé . Restant sans équipement par le fait de son éloignement des centres de décision, elle fait aujourd’hui avec les moyens que lui procurent la nature du pays et la synergie que les services préfectoraux s’assignent à mettre à la disposition des ONG et associations. C’est l’une des régions du Maroc qui n’a pas eu de plans de développement ni d’études lui permettant d’apporter une dynamique à son développement.
Or, le développement du monde rural dans sa globalité dépasse actuellement les capacités de l’État et la participation de toutes les composantes de la société civile à ce développement s’imposent; mais dans un cadre bien défini et coordonné. De même, les enseignements tirés du passé démontrent combien l’absence et la faible implication des concernés n’assurent aux options de développement retenues ni durabilité, ni crédibilité et n’améliorent nullement la situation des groupes ciblés.
Face à cette situation déficitaire, la région a vu naître un mouvement associatif moderne et diversifié, composé d’Organisations non gouvernementales (ONG), oeuvrant dans des domaines diversifiés, et à des niveaux différents . Une convenance de souligner que l’action associative se développe dans un milieu profondément marqué par une sociabilité spontanée et informelle. Elle se caractérise, en effet, par une tradition associative séculaire couvrant pratiquement tous les domaines de vie de la population ,sous ses différentes formes d’organisations sociales. Aujourd’hui encore, beaucoup d’actions collectives demeurent vivaces et certains groupements communautaires, en place, s’adaptent à la gestion de nouveaux besoins tels que l’électrification, l’approvisionnement en eau potable, et puis celles qui opèrent directement dans la gestion de l’eau d’irrigation, et qui se sont, tout récemment, formalisées en se convertissant en Associations des usagers de l’eau agricole (AUEA) sous l’impulsion des pouvoirs publics.
De ce fait, plus de 250 associations sont apparues en moins de 5 ans. Il faut signaler que sur cet ensemble d’associations constituées, seule une partie peut être considérée comme dynamique . En d’autres lieux, et pour des raisons diverses liées à des aspects organisationnels, le manque de moyens humains, matériels et l’absence d’une stratégie d’ensemble ,pèse de tout son poids sur le bon fonctionnement de ces groupements.
Ce qui se radicalise par le foisonnement d’associations, qui trouve son répondant dans l’absence de moyens de production et d’amélioration de la condition humaine dans la région. C’est à la fois une réponse à la dégradation des conditions de vie qui les incite, en dehors de tout apport exogène, de se regrouper autour de nouveaux intérêts (sports, culture, électrification…) qui par ricochet sont favorables aux constitutions d’associations pour saisir les opportunités de financement à leur petits projets.
Ces associations se distinguent également par la dimension de leur zone d’action : certaines opèrent à des niveaux très vastes (province), d’autres se limitent à des échelles très réduites (village) tandis que d’autres exercent à des niveaux intermédiaires (commune, palmeraie, secteur d’irrigation). De même, une distinction s’impose entre ses associations qui travaillent en milieu rural et celles oeuvrant en milieu urbain.
Les associations rurales se distinguent par la prédominance de personnes âgées, de sexe masculin et dont, le niveau d’instruction est souvent bas, or, les associations citadines sont composées essentiellement de jeunes diplômés, avec une proportion de plus en plus élevée de femmes. Leurs préoccupations sont différentes, les premières s’adonnent essentiellement à des activités à caractère agricole et d’approvisionnement en eau potable, les secondes s’intéressent davantage aux actions culturelles, sportives et à l’hygiène.
Les associations d’auto-promotion et d’appui, oeuvrent-elles au profit de leurs membres. Cette catégorie couvre un large éventail d’ONG telles les associations locales de jeunes, disposant d’un certain niveau d’instruction et servant de structure d’appui à la population (encadrement et formation…) ou d’intermédiaire entre la population du village et les organisations extérieures. Dans ce même registre s’inscrivent également des associations comme l’Association de développement de la vallée du Draâ (ADEDRA).
Ainsi le mouvement associatif dans la vallée du Draa puise ses premières forces de son ancrage dans un substrat fortement marqué par la tradition associative. Certes, la plupart des structures associatives traditionnelles sont dépouillées, depuis longtemps, de leurs fonctions initiales de véritable pouvoir local, gérant l’espace et la vie commune. L’héritage s’estompe encore chaque jour en raison de l’effritement des structures traditionnelles. Mais dans certains domaines comme l’irrigation, il faut reconnaître que la tradition demeure vivace à travers la gestion communautaire d’une ressource naturelle et vitale comme l’eau.
Compte tenu de la simplicité de ses structures, le travail associatif permet de réaliser des actions qui souvent se heurtent à des incidents. Pis encore, cette prolifération devient dans plusieurs cas un facteur de conflits et de dégradation des relations sociales, notamment à l’intérieur des Ksours. Encore, n’est-il pas étonnant que des fédérations mises en place se confrontent toujours aux problèmes de fonctionnement?
Il est très difficile de recenser les activités réalisées par les ONG de la vallée du Draâ au cours des trois dernières décennies.
Toutefois, on peut les articuler autour des axes principaux suivants : gestion des ressources naturelles; renforcement de la participation de la femme au développement; amélioration des conditions de scolarisation; lutte contre l’analphabétisme; approvisionnement des villages en eau potable; protection du patrimoine culturel et le développement culturel et artistique.
Le mouvement associatif est confronté aujourd’hui à un ensemble de contraintes externes notamment, l’insuffisance du cadre démocratique, les tentatives de récupération, les exigences de la coopération internationale, l’hémogénie des associations intermédiaires, les effets contraignants des programmes caritatifs et le manque de collaboration des administrations et des industriels.
Ainsi le développement de l’action associative reste limité à l’insuffisance de cadre démocratique qui demeure toujours embryonnaire, et aux freins juridiques, institutionnels et relationnels. Et pour conclure, on retient après tout que les actions associatives restent tributaires de l’appui administratif et aussi du comportement, souvent hostile, de quelques représentants des autorités locales soit de manière directe ou indirecte.

N.Abdellah

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