Le raffineur Samir a fait couler beaucoup d’encre sans toucher au terme d’une liquidation normative. Une déliquescence qui traine depuis des années le sort quelque 900 salariés, exposés aujourd’hui aux peines de la vie. Une période de maintien temporaire d’activité de 6 mois lui a alors été accordée par le tribunal de commerce de Casablanca en juin dernier, mais au fil des jours rien ne se profile à présent comme prélude salvateur.
Le délai a pour vocation de permettre au liquidateur de trouver éventuellement un repreneur dans le cadre d’une liquidation organisée. Dans une première phase, le tribunal a ordonné la liquidation. Cette décision a été confirmée en appel. L’actionnaire majoritaire s’est pourvu en cassation. À l’issue d’un délai de trois mois, et à la demande du liquidateur, le tribunal lui a accordé un nouveau délai de six mois afin de procéder à une liquidation organisée, avec idéalement une solution qui conduirait à la reprise des actifs par des industriels. Le produit de cette vente viendrait bien entendu entre les mains du liquidateur pour payer les créanciers de la Samir par ordre de priorité dans le cadre de la procédure de liquidation. En premier lieu les salariés, ensuite un certain nombre d’administrations notamment douanières, fiscales et de sécurité sociale, ensuite les créanciers titulaires de sureté, puis les créanciers chirographaires, les porteurs d’obligation et en dernier lieu les actionnaires. En général, il ne reste pas suffisamment d’argent pour payer tout le monde.
Mais, la Samir, c’est surtout plus de deux milliards d’euros de passif. C’est la plus grosse faillite de l’histoire économique du Maroc. Contrôlée par le groupe Coral du saoudien Mohamed Al Amoudi , des dépositaires aussi minoritaires qu’ils soient, se retrouvent pris au piège dont les assurances Atlanta et Sanad ou des fonds d’investissements gérés par Attijariwafa Bank, par BMCI, ainsi que la Caisse marocaine de retraite. Ces derniers ont effectivement demandé une expertise de gestion auprès du tribunal de commerce de Casablanca. Ils ont aussi déposé, auprès du président dudit tribunal, un grief pour procéder à la nomination d’une expertise de gestion. Il s’agit en fait de déterminer, si dans l’exercice de ses fonctions, la direction générale de la Samir a bien agi dans le respect de l’intérêt social de la société et au plus près des intérêts des actionnaires ou a bel et bien failli. Tout achoppe sur la gestion.
Ceci dit qu’en 2014, le conseil d’administration avait notamment demandé à la direction générale de procéder à la couverture des stocks d’hydrocarbures. Or, du fait de l’effondrement des cours de pétrole au printemps 2015, la société s’est retrouvée avec un stock fortement dévalorisé. A ce moment-là, on s’est rendu compte que la direction générale n’avait pas suivi la ligne du conseil d’administration et n’avait pas couvert les stocks. Ceci a engendré une perte pour la Samir de l’ordre de trois milliards de dirhams.
En juin 2015, le directeur général de la Samir s’est donné l’allure d’empocher un bonus conséquent par une filiale à 100% Samir, alors même que la situation de la société était tendue. C’est ce que déplorent des actionnaires qui trouvent aberrant certaines opérations de gestion, stipulant de ce fait la nomination d’ un expert pour démontrer le dysfonctionnement et déterminer s’il est opportun d’engager des actions civiles, commerciales ou autres. La raffinerie est aujourd’hui malheureusement à l’arrêt. Fort heureusement, les salariés continuent à être payés.