Environnement
REHABILITATION DES CARRIERES
ENJEU SOCIO-ECONOMIQUE
Une carrière est une installation industrielle correspondant à un lieu d’extraction des minerais (Carrière de minerai d’argent de Zgounder), des granulats tels que les graviers et les sables, ou encore des roches massives comme les calcaires (carrière de calcarénites de Sidi Moumen, d’Ouled Salah, de Médiouna..), les quartzites (carrière d’Ouled Said), les granites, les marbres (carrières de marbre de Boujaad).
On peut classer les carrières selon l’usage de la roche exploitée. Ainsi, on distingue :
Les carrières exploitées pour l’extraction de la matière première industrielle. C’est le cas des sites d’extraction des calcaires pour les cimenteries et des argiles pour la terre cuite (carrières d’argiles liasiques de l’Oued Maleh) ;
Les carrières exploitées pour la fabrication des roches ornementales. On en extrait des plaques de marbre (Cas des carrières de Boujaad), de granite, de pierre fossilifère (carrière de la pierre fossile d’Erfoud), de pierre de construction (carrières d’Ouled Saleh et de Médiouna).
Les carrières exploitées pour l’extraction des granulats tels que les graviers et les sables utilisés dans le béton.
Un autre critère de classification des carrières est celui du mode de leur extraction. On distingue :
Les carrières des roches massives. Il s’agit de l’extraction, à partir des couches géologiques, des roches telles que les calcaires, les marbres, les granites, les quartzites et d’autres types de roches encore, par abattage à l’explosif ou par sciage. Leur finalité est la production des granulats, des plaques de marbres et de granites ainsi que des pierres de construction.
Les carrières destinées à produire des granulats renferment une zone d’extraction, une zone de traitement (concassage et criblage) et une zone de stockage.
Les gravières et sablières. Ce sont des carrières à partir desquelles on extrait des dépôts sédimentaires alluvionnaires ou marins constitués de graviers ou de sables. Il s’agit des sites qui produisent des granulats.
Le granulat correspond à un fragment de roche d’une taille inférieur à 125mm, destiné à entrer dans la composition des matériaux de fabrication d’ouvrages des travaux publics, de génie civil et du bâtiment.
Carrières de Casablanca : un héritage archéologique mondialement reconnue
L’histoire des carrières remonte à l’époque de construction du port de cette ville économique du Maroc au début du siècle dernier. Le développement démographique et l’expansion urbaine de la métropole de Casablanca a nécessité un besoin énorme en matériaux de construction (granulats, ciment, pierres…), ce qui a conduit autrefois à l’ouverture de plusieurs carrières aujourd’hui abandonnées. Ces carrières, autrefois localisées dans les périphéries de Casablanca, se trouvent actuellement en milieu périurbain ou en pleines agglomérations (carrières de Sidi Moumen, carrières de Médiouna, carrière D’Ahl al Oughlam, carrière de Sidi Abderrahmane, carrières d’Oulfa et autres carrières encore…).
Les fouilles entamées dans ces carrières par des spécialistes en la matière, ont conduit à la découverte d’un patrimoine archéologique de grande valeur scientifique mondialement reconnue. Parmi les carrières qui contiennent un héritage préhistorique unique et qui sont de renommée internationale, on peut citer, entre autres :
La carrière d’Ahl al Oughlam : Cette carrière appartient administrativement à l’arrondissement de Sidi Moumen et à la Préfecture de Sidi Bernoussi. L’âge du site remonte au pliocène terminal soit environ 2,5 millions d’années. Le site est très riche en une faune diversifié à base de rongeurs, insectivores, ours et d’autres espèces de carnivores.
La carrière Thomas. Ce site date d’environ 1 million d’années. On y a trouvé des outils lithiques préhistoriques qui correspondent aux anciennes civilisations connues jusqu’alors au Maroc. A ce patrimoine archéologique unique sont associés des restes d’hippopotames et d’éléphants.
La carrière de Thomas a livré aussi des vestiges d’hominidés, du genre Homoerectus, qui datent d’environ 400 000 ans.
La carrière de Sidi Abderrahmane. L’âge de ce site est compris entre 600 000 et 200 000 ans (Pléistocène). Les fouilles des chercheurs, qui ont travaillé dans ces sites, ont permis de mettre en évidence une mandibule humaine fragmentaire, qui correspondrait, selon les spécialistes, à un Homo erectus évolué. A ces restes humains, sont associés plusieurs outils lithiques.
Les nombreux travaux de recherche effectués sur ses carrières ont fait de ces sites paléontologiques un parc archéologique « Parc Archéologique de Casablanca ».
L’analyse de situation montre que ce patrimoine est menacé par l’urbanisation et la pollution (transformation des carrières en décharges sauvages).
C’est pourquoi, nous lançons un appel aux pouvoirs publics, aux associations et aux chercheurs pour protéger et préserver ce patrimoine géologique. La promotion de prestations et d’animations dans ces «musées naturels » est l’une des pistes pour le développement de l’écotourisme national et la mise en valeur de ces sites.
Carrières de Casablanca et l’impact environnemental négatif
Certes, l’exploitation des matériaux à partir de ces carrières était à la base d’un enjeu socio-économique, mais la non réhabilitation de ces dernières a engendré un impact négatif sur l’environnement.
Le diagnostic de l’état actuel des carrières de Casablanca et de leur environnement (cas de la carrière de Sidi Moumen par exemple) soulève les problèmes suivants:
– Une disharmonie du paysage et un aspect non esthétique en raison de son emplacement au milieu des agglomérations;
– Des problèmes d’insécurité pour les riverains liés à la présence de front de taille sous forme de falaises verticales de plus d’une 20ène de m;
-Sa transformation progressive en décharge sauvage;
-La prolifération des bidonvilles autour du site par une population issue de l’exode rurale.
Tous ces phénomènes portent atteinte à l’environnement et nécessitent une intervention urgente pour l’identification de projets d’aménagement.
Carrières de Casablanca : des sites potentiels de décharges sauvages
Sans vouloir être exhaustif, je me contente de citer deux exemples : la décharge publique sauvage de Médiouna et la décharge fossile de Sidi Moumen.
Décharge fossile de Sidi Moumen
Jusqu’à 1986, les déchets domestiques étaient véhiculés vers les décharges de Sidi Moumen et de Tit Mellil avant que ces dernières soient abandonnées sans que les autorités prennent le souci de leur réhabilitation malgré le danger écologique qu’elles présentent. Il s’agit d’une décharge fossile sauvage non contrôlée. Elle se situe dans le territoire de l’arrondissement de Sidi Moumen qui appartient administrativement à la Préfecture des Arrondissements de Sidi Bernoussi. Les déchets, autrefois déversés dans une vaste carrière, aussi abandonnée sans réhabilitation, portent aujourd’hui atteinte à la santé de la population environnante comme en témoigne l’état des lieux marqué par des odeurs nauséabondes, des infections respiratoires marquées par des états d’allergies et d’asthmes, la prédominance des rongeurs dans les habitats autour du site pouvant constituer des sources potentielles de maladies épidémiologiques, sans parler évidemment de la dispersion et l’abondance des sacs en plastique. La partie organique des déchets se décompose selon des mécanismes de fermentation, pour produire des biogaz et des lixiviats. Ces derniers représentent un véritable danger potentiel pour la contamination de la nappe phréatique.
Notons au passage que la réhabilitation de cette décharge avait déjà commencé en 2006 par son recouvrement par une couche d’argile rouge et par son boisement (mais l’opération n’a pas encore touché toute la décharge) en perspective d’en créer un espace vert et un lieu de loisir pour la population environnante
Décharge de Médiouna
La décharge publique de Casablanca se trouve actuellement à l’emplacement des anciennes carrières des roches massives calcaires de Médiouna. Elle se situe à environ 5km au nord du village de Médiouna et à 10 km au Sud de la ville de Casablanca. Le site couvre environ 80 hectares et comprend 15 carrières. L’état des lieux de ce site montre qu’il porte atteinte à la santé et à l’environnement. En effet, les déchets ménagers collectés dans la métropole de Casablanca sont déversés dans la décharge de Médiouna. Elle a été ouverte en 1986, après la fermeture des décharges fossiles de Sidi Moumen et de Tit Mellil (non encore aménagée). Le site représente une décharge publique sauvage. Il engendre de nombreuses nuisances :
-La quantité des déchets ménagers déversés chaque jour est énorme et avoisine 3000 tonnes;
-Les lixiviats percolent dans le sous-sol et polluent les eaux souterraines de la nappe phréatique, comme en témoignent l’état de certains puits autour du site;
-Le dégagement d’odeurs nauséabondes et de fumées ;
-La mauvaise gestion de la décharge qui n’atteint pas les normes des décharges contrôlées;
-La saturation de la décharge publique existante.
Identification des projets d’aménagement des carrières
Les carrières représentent des installations industrielles qui apportent une grande valeur ajoutée à l’industrie du béton, du ciment, de marbre, de la métallurgie, et de la terre cuite. Pourquoi les carrières abandonnées de Casablanca n’ont-elles pas été aménagées au moment de leur fermeture pour qu’elles puissent constituer aujourd’hui une menace pour l’environnement et pour le paysage? Nous ne possédons pas de réponses, mais leur réhabilitation éventuelle dans l’avenir doit intégrer, à notre avis, compte tenu des expériences internationales, les contraintes d’ordres archéologique et environnemental. Ainsi, l’identification du projet d’aménagement de telle ou telle carrière exige une étude de faisabilité et d’impact du projet. Ce dernier doit associer, d’une part, une démarche environnementale de qualité répondant aux besoins de la population environnante (comme le cas des projets de zones humides, d’espaces verts, de parcs naturels…), et d’autre, la préservation du patrimoine archéologique (parc archéologique, musée naturel, géoparc…).
De tels projets innovants permettront de promouvoir incontestablement l’écotourisme national.
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Zahour Ghalem* & Ghalloudi jalila**
*Laboratoire de Géochimie, Géologie Appliquée et Environnement, Fac. Sciences Ben M’Sik, Casablanca
** Laboratoire Interdisciplinaire de Recherches: Apprentissage, Didactique, Évaluation & Technologies de l’Information pour l’Education (LIRADE-TIE), Fac. Sciences Ben M’Sik, Casablanca