EnergieEnergies Renouvelables

PV, CSP et Éolien au Maroc : Intégration à Géométrie Variable

À la suite de la parution des trois volets du rapport du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC; en anglais: Intergovernmental Panel on Climate Change, IPCC) [1,2,3]—dédiés à l’analyse des données scientifiques sur le bouleversement du climat notamment les augmentations de température par rapport à l’ère pré-industrielle et le budget carbone, les impacts et les solutions pour atténuer le changement climatique—, des scénarios d’intégration des énergies renouvelables (ENRs) au Maroc sous différentes hypothèses de pénétration renouvelable sont déjà parus. Le point avec Ayat-allah Bouramdane, ingénieure chercheure dans le domaine des énergies renouvelables, flexibilité d’énergie (i.e., stockage) et variabilité/changement climatique.

Ayat-allah : Le Maroc se trouve face à un choix crucial pour son futur mix électrique : par quoi remplacer la production fossile pour réduire sa dépendance énergétique ? Faut-il améliorer la production des sources renouvelables ? Si oui, quelle technologie doit être installée et dans quelle région ? faut-il privilégier les sources renouvelables intermittentes et variables mais qui coûtent moins chères, comme le photovoltaïque (PV) et l’éolien, ou plutôt les sources de production qui peuvent produire en continu avec un bon dimensionnement mais qui ont des coûts d’investissement et d’opération plus élevés comme le Concentrated Solar Power (CSP) avec stockage thermique ou le PV avec batterie ? La question se pose également entre les sources variables (éolien, PV et CSP sans stockage) mais également entre les sources dispatchables surtout lorsque ces dernières sont intégrées dans le mix électrique avec différentes quantités de stockage. Par exemple, pour un même dimensionnement de stockage, est-ce que c’est le CSP avec stockage thermique ou le PV avec batterie qui remplace mieux—i.e., à faible coût et avec un risque d’adéquation production/demande moindre—la production conventionnelle pendant les périodes de pointe de consommation et réduit mieux les contraintes qui émergent quand on augmente la pénétration
des ENRs ?

Dans l’élaboration de son mix électrique, le Maroc doit prendre en compte les corrélations entre les technologies et les régions ? ou uniquement les corrélations entre les technologies d’une même région ? ou uniquement les complémentarités spatiales de la même technologie ? ou ignorer toutes les complémentarités ? comment l’intégration du CSP et du stockage (thermique et batterie) influencerait les avantages de ces complémentarités ?

On entend souvent que les technologies renouvelables contribuent à une offre énergétique sobre en carbone. Un avantage considérable puisque les coûts de déploiement du solaire et de l’éolien ont vu leur coût dégringoler au cours de la décennie 2010 – 2019 [3]. Cependant, ces technologies bas-carbone sont elles mêmes lourdement impacté par le changement climatique du fait de leur dépendance au climat. Et donc les mix optimaux marocains sont plus sensibles au changement climatique ou au coût ?

En outre, les projections climatiques ne sont disponibles qu’avec un pas de temps journalier et donc ignorer les fluctuations intra-journalières de température, d’irradiation et de vitesse du vent a-t-il un impact substantiel sur les mix optimaux ? quelle technologie est sensible ou résiliente au changement climatique? quelles sont les conditions pour avoir des mix renouvelables résilients au climat ? quelles sont les principales sources d’incertitudes dans les futurs mix renouvelables ? le stockage thermique rend le CSP résilient au changement climatique ? le changement climatique impacte-t-il la répartition géographique des capacités renouvelables ?

Le travail réalisé—dans le cadre de ma thèse de doctorat [4] effectuée à l’Institut Polytechnique de Paris, principalement au Laboratoire de Météorologie Dynamique de l’école Polytechnique—cherche à explorer
ces questions et à proposer un ensemble de réponses préliminaires et plausibles mais qui ne visent pas à être normatif, i.e., on ne cherche pas à dire ce qu’il faut faire, c’est pour cela qu’on considère plusieurs
scénarios et pas qu’un seul.

Un point essentiel à retenir de cette thèse est que le choix de la technologie PV et champ solaire CSP, d’orientation, de capacités de stockage combiné avec le PV et CSP, de coût (de la technologie de production mais aussi du stockage), la question de stockage versus complémentarités spatio-temporelles, les conditions climatiques (climat historique/actuel/futur) et le niveau de pénétration renouvelable souhaité jouent un rôle important dans la détermination de quelle technologie faut-il installer et dans quelle région en priorité.

Cela paraît difficile de faire le choix parmi cette profusion vu l’ampleur des problématiques techniques et économiques. Cependant, il faut parvenir à avancer dans un cadre cohérent et partager plus amplement avec un large public de professionnels les enjeux et les défis majeurs et prometteurs que représente ces thématiques pour le Maroc.

Références:
[1] Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Working Group I Contribution to the IPCC Sixth Assessment Report.

[2] Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability. Working Group II Contribution to the IPCC Sixth Assessment Report.

[3] Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change. Working Group III Contribution to the IPCC Sixth Assessment Report.

[4]: Ayat-Allah Bouramdane. Scenarios of Large-Scale Solar Integration with Wind in Morocco: Impact of Storage, Cost, Spatio-Temporal Complementarity and Climate Change. Physics [physics]. Institut Polytechnique de Paris, 2021. English. ffNNT : 2021IPPAX083ff. fftel-03518906

Ayat-Allah Bouramdane
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