Environnement
COP16 sur la Désertification : Science et Politique pour la Résilience des Terres et la Lutte contre la Sécheresse
La 16e Conférence des Parties (COP16) à la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) s’est tenue à Riyad, en Arabie Saoudite, du 2 au 13 décembre 2024. Cet événement a abordé des enjeux cruciaux liés à la désertification, aux sécheresses et à la dégradation des terres.
La COP16 se déroule dans un contexte mondial marqué par une forte augmentation de la dégradation des terres, touchant environ 40 % de la surface terrestre et plus de 3 milliards de personnes [1], avec la dégradation annuelle d’au moins 100 millions d’hectares de terres saines et productives [2].
La dégradation des terres entraîne une diminution des rendements agricoles et affecte la qualité nutritionnelle des cultures. Environ 80 % des terres arables sont touchées par diverses formes de dégradation, telles que l’érosion, la salinisation et la perte de carbone du sol. Cela peut réduire la productivité alimentaire mondiale de 12 %, ce qui pourrait entraîner une augmentation des prix alimentaires allant jusqu’à 30 % d’ici 2040 [3].
Les sols dégradés contribuent également à la dépendance aux intrants chimiques (substances artificielles pour maintenir une production acceptable), à la migration forcée et aux conflits liés à l’accès aux ressources naturelles [4].
Pour parvenir à un monde sans dégradation des terres, il sera nécessaire de restaurer 1,5 milliard d’hectares de terres d’ici 2030 si les tendances actuelles persistent [2].
En outre, depuis 2000, les sécheresses ont augmenté de 29 %, en grande partie à cause du changement climatique (i.e., les températures plus élevées augmentent l’évaporation de l’eau des sols et des réserves d’eau, aggravant ainsi la pénurie d’eau) et de la gestion inadéquate des terres (i.e., telle que la déforestation, l’agriculture intensive ou la surexploitation des terres, dégrade leur capacité à retenir l’eau, rendant ainsi les terres plus vulnérables aux sécheresses en réduisant leur aptitude à absorber et stocker l’eau, ce qui intensifie leur fréquence et leur gravité) [2]. Les sécheresses coûtent plus de 300 milliards de dollars par an et pourraient toucher jusqu’à 75 % de la population mondiale d’ici 2050 [5].
De manière plus générale, la désertification, la dégradation des terres et les sécheresses entraînent des pertes économiques mondiales estimées à près de 900 milliards de dollars par an. Cependant, chaque dollar investi dans la restauration des terres pourrait générer jusqu’à 8 dollars de bénéfices sociaux, environnementaux et économiques [5].
Lors de la COP16, sous le thème « Nos terres. Notre avenir », les pays ont pris des décisions concernant des actions collectives visant à : (i) accélérer la restauration des terres dégradées d’ici 2030 et au-delà ; (ii) renforcer la capacité des écosystèmes et des populations à faire face aux sécheresses croissantes et des tempêtes de sable et de poussière ; (iii) promouvoir des méthodes agricoles respectueuses de l’environnement pour améliorer la santé des sols et garantir une production alimentaire durable; (iv) garantir les droits fonciers et promouvoir l’équité pour une gestion durable des terres, en mettant l’accent sur l’importance d’assurer aux femmes un accès sécurisé et égal aux ressources foncières, essentiel à leur autonomisation économique*; (v) créer des opportunités économiques, notamment des emplois décents dans le secteur des terres, en particulier pour les jeunes, en leur proposant des formations sur les techniques agroécologiques et la gestion des ressources naturelles [2].
Plus de 12 milliards de dollars ont été promis pour soutenir des projets de lutte contre la dégradation des terres et améliorer la résilience face aux sécheresses, notamment dans 80 des pays les plus vulnérables au monde. Cet engagement provient de diverses entités, y compris le Groupe de Coordination Arabe et le Partenariat mondial pour la résilience à la sécheresse [6].
De plus, l’initiative de la Grande Muraille Verte, visant à restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées en Afrique, a également reçu un soutien significatif, avec des contributions financières de plusieurs pays européens. Par exemple, le gouvernement italien a alloué 11 millions d’euros, tandis que le gouvernement autrichien a contribué avec 3,6 millions d’euros pour renforcer la coordination dans 22 pays africains [6]. Ce projet a pour objectif non seulement de restaurer les terres, mais aussi de créer jusqu’à 10 millions d’emplois verts d’ici 2030 et d’améliorer la sécurité alimentaire dans les régions touchées par la désertification [7].
En complément des engagements financiers, des initiatives innovantes, telles que l’Observatoire International de Résilience à la Sécheresse (IDRO), ont été annoncées pour soutenir les pays dans l’évaluation et le renforcement de leur capacité à faire face à des sécheresses de plus en plus sévères. Soutenu par l’Alliance Internationale pour la Résilience à la Sécheresse (IDRA), l’IDRO sera la première plateforme mondiale centralisée exploitant l’intelligence artificielle. Cette plateforme fournira des données et des analyses précises pour aider les décideurs politiques, les agriculteurs et les communautés locales à mieux comprendre les risques liés à la sécheresse et à adopter des mesures proactives. Le lancement de la version complète de l’IDRO est prévu lors de la COP17 (sur la désertification) qui se tiendra en 2026 en Mongolie, constituant une avancée majeure vers une gestion proactive et intégrée des sécheresses [6].
Malgré les discussions intensives, les négociateurs n’ont pas réussi à parvenir à un accord sur un protocole contraignant pour lutter contre la sécheresse lors de cette conférence.
Les discussions ont révélé des divergences significatives entre toutes les parties prenantes, y compris les pays développés, les pays en développement, les groupes autochtones et la société civile concernant les approches et les priorités à adopter pour lutter contre la sécheresse. Les intérêts nationaux et les priorités économiques ont souvent entravé la recherche d’un consensus. Les discussions devront se poursuivre avec une attention accrue lors de futures conférences, notamment lors de la COP17 prévue en Mongolie en 2026, où il est espéré qu’un cadre plus solide sera établi.
Notes :
*Les femmes jouent un rôle essentiel dans la production alimentaire, assurant jusqu’à 80 % de la production agricole dans les pays en développement. Leur connaissance approfondie des écosystèmes locaux, des pratiques agricoles durables et des savoirs traditionnels est déterminante pour améliorer la santé des sols et garantir une production alimentaire pérenne. Cependant, moins de 20 % des propriétaires fonciers dans le monde sont des femmes, et celles qui possèdent des terres ont souvent accès à des parcelles de moindre qualité [8]. Des études montrent que si les femmes disposaient d’un accès égal aux ressources, les rendements agricoles pourraient augmenter de près d’un tiers, contribuant à réduire la faim pour environ 150 millions de personnes [9].
Références :
[1] Nations Unies | ONU Info. Trois milliards de personnes touchées par la dégradation des sols dans le monde. https://news.un.org/fr/story/2024/12/1151066 [2] Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD). (2024). Les dirigeants se préparent pour un sommet clé sur la résilience des terres. https://www.unccd.int/sites/default/files/2024-10/COP16%20two%20months%20media%20primer%20FR.pdf [3] Programme des Nations Unies pour l’environnement. (2023). Les bénéfices de la restauration de la nature pour l’agriculture, la pêche et la sécurité alimentaire. https://www.unep.org/fr/actualites-et-recits/recit/les-benefices-de-la-restauration-de-la-nature-pour-lagriculture-la-peche [4] Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. (2017). Notes pour l’audition au club parlementaire pour la protection et l’étude des sols, Palais Bourbon, Paris. https://www.unccd.int/sites/default/files/relevant-links/2017-06/1%20Mar%2017%20Audition-Assemblee-Nationale-France.pdf [5] Novethic. (2024). COP16 : Pour la première fois, la France se déclare affectée par la désertification. https://www.novethic.fr/environnement/biodiversite/cop16-pour-la-premiere-fois-la-france-se-declare-affectee-par-la-desertification [6] Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. (2024). Une conférence des Nations Unies à Riyad trace une voie pour une action mondiale sur les terres et la sécheresse. https://www.unccd.int/fr/news-stories/press-releases/united-nations-conference-riyadh-charts-path-global-action-land-drought [7] Banque mondiale. (2023). Restauration des terres dégradées et accès aux opportunités de revenus dans les zones rurales. https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2023/05/25/restoring-degraded-landscapes-and-providing-access-to-income-opportunities-in-rural-areas [8] Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. (2024). Les femmes à l’avant-garde de la lutte contre la sécheresse. https://www.unccd.int/fr/news-stories/press-releases/women-forefront-combating-drought [9] Coalition internationale pour l’accès à la terre. (2024). Les droits fonciers des femmes à la COP16. https://www.landcoalition.org/fr/latest/women-land-rights-at-cop16/Par Ayat-Allah Bouramdane
Enseignante-Chercheure à l’Université Internationale de Rabat.