Un cri d’alarme a été lancé pour sauvegarder le patrimoine architectural de la métropole blanche. Il y a quelque temps, la ville s’est réveillée sur un massacre déstructurant et inattendu. Trois immeubles emblématiques ont été détruits hâtivement. Conçu par l’architecte Hubert Bride, designer le célèbre hôtel Abraham Lincoln, a vu le jour en 1919. Le bâtiment est aujourd’hui inscrit comme patrimoine national et ce depuis 2015. Ce que lui profère désormais la qualité de bâtiment ayant un caractère architectural exceptionnel, du style néo-mauresque.
Les pratiques architecturales typiquement marocaines, caractéristiques du début du XXe siècle, témoignent de cet ornement que représente sa façade qui s’en fait un véritable monument de la ville. Aujourd’hui, c’est le tour d’un deuxième bâtiment qui en subi le même sort, du coup, une villa, sise au boulevard Rachidi, paie également les frais des destructions nommément évoquées, frappant la ville blanche d’un violant typhon urbanistique. Une pratique de démolition n’épargnant aucun site même ceux protégés par décrets, dont le dernier est celui du 13 janvier 2015. En plus de l’aspect architectural de la ville, auxquels contribuent l’église Sacré-Cœur, le lycée Ibn Toumert et la Villa des Tourelles susvisée, le massacre de joyaux immeubles bâtis dans les années 1950, nous révèle l’immense impasse qui voile l’ère prospère de la ville. Ce passé d’expansion économique, qui allait influencer la production architecturale et mettre à l’œuvre la montée d’une nouvelle génération d’architectes, tombe en désuétude. Ce sont là les différents aspects identitaires de la ville qui disparaissent miraculeusement sans tentacule, ce qui profondément blesse le fond de tous ceux qui aiment la ville de Casablanca.
Rappelons qu’en 2015, la ville s’est réveillée sur le bruit de création de la société anonyme « Casa-Prestation ». Une société de droit privé/public, placée sous la parabole du Schéma directeur d’aménagement urbain du Grand Casablanca (SDAU que préside le Wali de la Région Casablanca-Settat; En effet, personne n’est contre l’évolution de la ville, mais que celle-ci se fasse dans les normes de ville modèle. Restaurer, transformer, surélever et réaliser des constructions répondant au standing européen, n’empêche pas l’alignement sur notre patrimoine national, tout en conservant l’image de marque de la ville. Cette mégalopole qui a fait rêver, par sa dimension urbanistique plusieurs générations, fait peau de chagrin.
Aujourd’hui en parcourant la ville, surtout les anciens quartiers, ou même ,quartiers nouvellement créés, vous risquez à tout moment le danger de lésions et de fissures dans la voirie. Une insécurité vous traque. Une incivilité qui vous frappe de plein fouet en voyant l’obséquiosité de image morne que nous livre la ville.
En définitif les autorités locales doivent, plus que jamais, réfléchir à une meilleure gestion du patrimoine bâti. Les solutions sont nombreuses et la mémoire collective devrait faire partie intégrante des projets visant à doter les villes d’aujourd’hui de nouveaux équipements. Réhabilitation, reconversion ou rénovation sont légion dans les quatre coins du globe. Reste à trouver des mesures d’accompagnement pour éviter de pénaliser les propriétaires de biens patrimoniaux. Cela peut aller des incitations fiscales à l’aide à la restauration ou encore au montage de projets générateurs de revenus. Rappelons que les statistiques d’un recensement datant de 2012 avaient estimé le nombre de ces bâtiments à 43.697 unités.
Le problème est que la loi actuelle empêche tout le monde de penser en termes d’ensembles urbains ou de paysages recommandé par l’UNESCO en 2011. La modification de la loi depuis plus de quatre ans reste lettre morte, car le dossier n’intéresse pas grand monde. Les ministres de la culture, successivement responsables n’ont jamais prêté attention à ce problème car le budget, disaient-ils, ne suivait pas les ambitions.
Adellah NAJIM