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Pourquoi l’Atténuation et l’Adaptation aux Changements Climatiques sont Complémentaires ?
L’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques vont de pair, mais présentent des différences notables, en particulier dans leurs objectifs. Elles se différencient également par leurs échelles spatiales et temporelles, et les secteurs concernés.
L’atténuation est une stratégie visant à réduire les sources ou augmenter les puits de gaz à effet de serre, et donc traite les causes du changement climatique (i.e., l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère), et a un effet à long terme en raison de l’inertie du système climatique (Chapitre 1, [1]). La priorité de l’atténuation concerne surtout les secteurs de l’énergie, de transports, de l’industrie et des déchets.
L’adaptation est un ajustement des systèmes naturels ou humains en réponse à des stimuli climatiques présents ou futurs ou à leurs effets [2, 3], afin d’en atténuer les effets néfastes ou d’exploiter des opportunités bénéfiques. Elle concerne, donc, les impacts du changement climatique, et peut avoir un effet à court terme sur la réduction de la vulnérabilité. L’adaptation donne la priorité aux secteurs de l’eau, d’agriculture [4] ou de la santé.
Les deux approches sont nécessaires [5]. D’une part, même si des efforts importants étaient faits sur l’atténuation, le climat continuerait à changer pendant les prochaines décennies, rendant nécessaire l’adaptation à ce changement. D’autre part, l’adaptation ne pourra pas éliminer tous les impacts négatifs et donc l’atténuation est cruciale pour limiter les changements dans le système climatique. De plus, même si le changement climatique est une préoccupation internationale, l’adaptation fournit des bénéfices locaux, alors que ceux de l’atténuation sont globaux.
Actuellement, il reste un écart substantiel entre les niveaux actuels d’adaptation et d’atténuation et ce que les gouvernements ont promis de faire, et les niveaux nécessaires pour répondre aux impacts et réduire les risques climatiques. Ces écarts s’expliquent, en partie, par les disparités croissantes entre les coûts estimés de l’adaptation et les financements documentés alloués à l’adaptation. En outre, le financement climatique mondial est, jusqu’à présent, été ciblé sur l’atténuation du changement climatique. Par exemple, l’objectif conditionnel du Maroc (dans sa nouvelle NDC « Nationally Determined Contribution », soumis en Juin 2021) —à atteindre avec le soutien international—est jugé presque suffisant par rapport à d’autres pays, mais il n’est pas encore compatible avec la limite de température de 1.5°C de l’Accord de Paris, mais pourrait l’être, avec des mesures additionnelles (voir discussion dans une étude que j’ai récemment menée sur la réponse de plusieurs régions dans le monde, y compris l’Afrique et le Maroc, aux différents scénarios du changement climatique [5]).
Le troisième et dernier volet [6] du sixième rapport d’évaluation des experts climat paru en avril 2022, indique la nécessité de modifier considérablement le système énergétique au cours des 30 prochaines années. Pour y parvenir, il présente par grands secteurs (énergie, transport, industrie, agriculture…) les mesures (politiques, technologiques, financières, comportementales) les plus prometteuses pour diminuer les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Il touche au trois leviers utilisés dans le domaine de l’énergie : la sobriété énergétique, l’efficacité énergétique et la décarbonation de la production. Il aborde également les questions d’acceptabilité sociale et la place des technologies comme le captage et le stockage du carbone.
Pour la décarbonation, l’énergie solaire et l’énergie éolienne représentent le potentiel de contribution à la réduction de gaz à effet de serre le plus élevé (Figure 1). Un avantage considérable puisque les coûts de déploiement du solaire et de l’éolien ont vu leur coût dégringoler au cours de la décennie 2010 – 2019 (-85% pour le solaire photovoltaïque ou les batteries de véhicules électriques, -55% pour l’éolien terrestre, par exemple, Figure 2 en haut). Dans certaines régions du monde, ces technologies sont désormais en mesure de concurrencer les solutions fossiles et affichent d’ailleurs des taux de croissance exponentiels (Figure 2 en bas). D’autres options ont un potentiel moins élevé, avec un coût plus important. Il s’agit du nucléaire, de l’hydro-électricité ou de la chasse aux émissions de méthane dans la production d’énergies fossiles (Figure 1).
Figure 1: Les options de mitigation du changement climatiques et leurs contributions potentielle aux réductions nettes des émissions.
Source : le 3 ème volet du sixième rapport d’évaluation (AR6) du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC ; en anglais : Intergovernmental Panel on Climate Change, IPCC) sur le réchauffement climatique (Figure TS.23 de la Ref [6]). Le solaire et l’éolien (terrestre ou marin) représentent les principales contributions potentielles à la réduction des émissions
nettes.
Figure 2: En haut, les coûts sont en chute de plusieurs technologies bas-carbone ; en bas, leur taux de déploiement est souvent exponentiel. Source : le 3 ème volet du sixième rapport d’évaluation (AR6) du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC; en anglais: Intergovernmental Panel on Climate Change, IPCC) sur le réchauffement climatique (Figure TS.7 de la Ref [6]).
Une étude que j’ai mené, il y a déjà un an (Chapitre 5, [1]) aborde, en particulier, les impacts que le changement climatique projeté
aura sur le mix électrique marocain d’ici la fin du 21 ème siècle (2071 – 2100) par rapport au forçage historique (1976 – 2005), et compare cet effet à l’effet du coût (dans un contexte de réduction des technologies bas carbone [7]), en analysant l’interaction entre les technologies solaires— Photovoltaïque « PV », Solaire à concentration « CSP ») sans et avec 6 heures de stockage thermique—- avec l’énergie éolienne onshore. Les résultats de cette étude ont démontré qu’il y a un impact dans les mix ayant une forte pénétration mais qui est insignifiant devant l’effet éventuel de réduction des coûts. Cependant, il est peu probable que le changement climatique
ait un effet perceptible sur les mix optimaux avec une faible pénétration, mais le message clé est que le futur impact sur chaque technologie est incertain. L’études discute les sources d’incertitude et les principales options pour avoir des mix renouvelables résilients au climat, particulièrement au Maroc.
Pour l’efficacité énergétique, il y a par exemple l’effacement. Cela consiste à augmenter les prix d’électricité sur les horaires les plus chargés. Ce qui incite, par exemple, à faire tourner une machine industrielle ou un lave-linge plutôt la nuit que lors des pics de la journée. Certaines entreprises autorisent le gestionnaire du réseau à leur couper automatiquement le courant lors des pics de demande, en échange d’une indemnité financière.
Enfin, il y a les gestes individuels des marocains et le potentiel est important. Si, par exemple, la moitié des marocains éteignent les
ampoules et les appareils électroniques avant de dormir, réduisent l’utilisation des climatiseurs, et décalent l’utilisation des appareils
de lavage au lendemain, la demande pourrait être réduite. Mais, si avec tout ça on ne trouve pas un équilibre entre l’offre et la demande, il faudra couper le courant. Mais pas partout et d’un coup. C’est moins qu’un blackout qui est un effondrement incontrôlé du réseau. L’idée consiste à couper brièvement une petite partie du réseau, le temps de passer le pic de demande, en prévenant les utilisateurs. Si le pic persiste pendant plusieurs heures, le courant est rétabli et coupé dans un autre secteur. C’est ce qu’on appelle des coupures tournantes.
Références :
[1] Ayat-Allah Bouramdane. Scenarios of Large-Scale Solar Integration with Wind in Morocco: Impact of Storage, Cost, Spatio-Temporal Complementarity and Climate Change. Physics [physics]. Institut Polytechnique de Paris, 2021. English. ffNNT : 2021IPPAX083ff. fftel-03518906