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Incinération des déchets, une autre forme de pollution

Dans le cadre du Plan de l’effort national sur la protection de l’environnement et de l’ambition de notre pays d’être une référence mondiale dans ce domaine, il est opportun de soulever une question sensible sur la modalité de l’exportation massive des déchets de cuivre et autres métaux obtenus par incinération qui atteignent  plus de 20.000 tonnes par an d’une valeur de plus de 1 milliard de Dirhams.

Ces déchets sont exportés sans l’autorisation du ministère de l’Environnement et partant des pouvoirs publics intéressés sauf que l’article 44 de la loi 28-00 soumet clairement ces exportations à autorisation du ministère de tutelle et ce depuis  Juin 2015 avec certaines conditions. En effet les exportations sont aujourd’hui soumises à une licence délivrée par le ministère du Commerce extérieur après avis du ministère de l’Industrie. Ces licences sont attribuées selon des critères mal définis laissant la place à une suspicion générale sur les modes d’attribution. Ces exportations massives de déchets de métaux,en particulier le cuivre, ont une incidence écologique grave car la plus grande partie des déchets est obtenue par incinération des câbles électriques.

Les déchets de cuivre proviennent en majeure partie des câbles électriques (75% à 80%) et dans les 20.000 tonnes exportés, il y a plus 15.000 tonnes obtenues par incinération à l’air libre des câbles isolés pour en extraire le cuivre. La composition des câbles électriques isolés étant en général 1/3 de plastique et 2/3 de cuivre, les 15.000 tonnes de déchets de cuivre obtenus par incinération et exportés annuellement correspondent à plus de 7000 tonnes de plastique (surtout du PVC) incinérées à l’air libre! L’incinération se pratique à outrance, à l’air libre et la nuit, pour ne pas faire apparaître les fumées. La solution est donc le broyage des câbles au lieu de leur incinération.

Le broyage des câbles est plus écologique et aussi plus économique que l’incinération car on récupère du cuivre de meilleure qualité et de plus grande valeur et on récupère également le plastique sous une forme directement réutilisable. Plusieurs broyeurs existent déjà au Maroc mais les collecteurs et exportateurs de déchets de cuivre recourent à l’incinération à l’air libre soit parce qu’ils ne connaissent pas le procédé de broyage soit volontairement pour rester dans l’informel. La capacité des broyeurs installée est supérieure à la production de déchets de câbles. En Europe, l’installation de broyeurs a permis d’éliminer presque complètement l’incinération car il est plus avantageux pour un collecteur de faire broyer ses câbles, même en payant le coût du broyage, que de les incinérer. Les mesures d’interdiction de l’incinération n’ont eu qu’un effet catalyseur sur le broyage. Même si on venait maintenant à autoriser l’incinération en Europe, les collecteurs feront plutôt broyer leurs câbles que les incinérer pour des raisons économiques. Au Maroc, vu l’existence des premières installations de broyage, le ministère de l’Environnement pourrait prendre des mesures plus strictes sur l’incinération des câbles de façon à provoquer cet effet catalyseur et éliminer l’incinération. Il est important surtout d’interdire la commercialisation et l’exportation des déchets de cuivre obtenus par incinération. Interdire l’incinération et autoriser la commercialisation des déchets incinérés c’est comme interdire le vol et autoriser le recel ! Sur les 20.000 tonnes de déchets de cuivre exportés, c’est environ 13.000 tonnes qui proviennent de l’incinération.

Introduire l’engagement

Les exportations se font en quasi-totalité par le port de Casablanca. Il est important de contrôler les exportations de déchets de cuivre et de n’autoriser ces exportations que si elles ne contiennent pas de cuivre provenant de l’incinération des câbles. On pourrait agir également au niveau des entreprises publiques (ONE, Maroc Télecom, Régies) qui vendent leurs vieux câbles par appels d’offres et introduire l’engagement pour les acquéreurs de ne pas incinérer les câbles pour récupérer le cuivre. Il serait profitable pour notre pays et ses habitants que le marché des déchets de cuivre soit plus encadré pour des raisons écologiques évoquées ci-dessus et aussi pour des raisons économiques. La valorisation des 20.000 tonnes de déchets de cuivre exportés chaque année apporterait une valeur ajoutée de plus de 1 milliard de dirhams et permettrait la création de plus de 2000 emplois permanents.

Extension et valorisation des déchets

Le recyclage et la valorisation des déchets de métaux avec une production de tubes de cuivre à partir de déchets de cuivre comme matière première depuis 1988 c’est le devoir assigné par certaines entreprises pour l’extension et la valorisation du produit à d’autres métaux pendant près de 30 ans. Le contrat programme signé entre l’Etat et la FIMME en mai 2016, appelé « Ecosystèmes du secteur des Industries métallurgiques et mécaniques » prévoit à c’est effet la restriction des exportations des déchets et l’interdiction de la commercialisation des déchets de cuivre issus de l’incinération en complément de l’interdiction d’incinération déjà en vigueur.  Contribuant, pour  ainsi dire, à compléter les dispositions législatives et réglementaires interdisant l’incinération de déchets à l’air libre et l’interdiction de la commercialisation et l’exportation de débris de cuivre issus de l’incinération de câbles à l’air libre, en raison de l’impact environnemental et de l’altération de la qualité du cuivre suivant ce procédé.

Evidemment, 2 milliards de dirhams d’exportations réalisées par une poignée d’exportateurs, c’est des intérêts majeurs et surtout une force financière très influente. Peut-on prétendre se situer à l’avant garde des pays engagés dans la protection de l’environnement et le développement durable, se prévaloir d’une présence dans les événements mondiaux majeurs et être aussi peu efficace sur un sujet aussi grave.

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