Energie

Nucléaire

Prémices d’un éveil marocain

Si elle a perdu un important contrat en Chine, Areva n’est pas restée les bras croisés dans le domaine. A travers elle, la France s’est tournée vers le Maroc pour proposer sa technologie dans le nucléaire civil. Il y a lieu de souligner ici que la Russie n’a pas caché son intention de construire une centrale nucléaire au Maroc. La future mise en service du premier réacteur nucléaire de recherche marocain devrait déclencher bien des convoitises.

C’est à Paris que le Maroc avait émis pour la première fois, le désir de développer un programme nucléaire pour la production de l’énergie électrique, « dans le respect des engagements marocains sur le plan international ». Les différents éléments du projet devait ensuite faire l’objet d’une mission composée des représentants des diverses instances françaises compétentes. Cette coopération devait notamment s’appuyer sur une analyse des enjeux de nature politique (y compris de non prolifération), économique, et de sûreté et de sécurité inhérents au développement d’un programme nucléaire civil. Et c’est dans ce sens que le PDG d’AREVA avait été approché, dans le cadre de discussion autour de l’adoption de l’énergie nucléaire au Maroc.
Au même moment, la Russie montrait beaucoup d’intérêt à construire une centrale nucléaire au Maroc. L’Agence atomique locale (ROSATOM) a manifesté son grand intérêt pour participer à l’appel d’offres international qui devait être lancé à cet effet par les autorités marocaines. Younès Maamar, directeur de l’ONE) aurait même fait le déplacement, à Moscou, pour rencontrer à la fois les responsables de l’Agence atomique russe (ROSATOM), du groupe TVEL et de la holding Rosenergoatom.
Cette dernière compte à son actif la construction de cinq centrales nucléaires, notamment en Iran, en Chine et en Inde. Elle est connue pour son savoir-faire. Un avantage qui pourrait pencher en sa faveur au moment de la proclamation des résultats de l’appel d’offres. Selon certaines prévisions, la centrale nucléaire serait opérationnelle en l’an 2017.Le recours à l’énergie nucléaire semble ainsi être de plus en plus une nécessité pour le Maroc.

L’expérience de Bouknadel
La mise en service du premier réacteur nucléaire de recherche marocain, devrait se faire, selon des responsables du Centre national de l’énergie, des sciences et des techniques nucléaires (CNESTEN), dans les prochains jours. Tous les préalables techniques et réglementaires ont été remplis. Installé à 25 km de Rabat, le site relève du CNESTEN. De technologie américaine, ce réacteur a été acquis par le Maroc auprès de General Atomics pour la somme de 5 millions de dollars.
A ce montant s’ajoutent les frais d’installation et d’équipement du centre qui l’abrite, fruit d’un financement français sous forme de crédit concessionnel (un tiers accordé sous forme de dons). Ce centre s’étend sur 4.000 m2 et comprend, outre le réacteur, des laboratoires d’application. Le réacteur verra l’implication de quelque 220 personnes (docteurs, ingénieurs, techniciens, agents…).
Ce réacteur de deux mégawatts est dédié à la recherche et l’expérimentation. Son utilité est capitale pour des secteurs comme la médecine, l’eau, l’agriculture et la recherche scientifique. L’intérêt principal de ce réacteur réside selon le Maroc dans la constitution d’un patrimoine scientifique important, tant en équipements ultra high-tech qu’en savoir-faire technologique. La recherche scientifique en bénéficiera largement. Le réacteur de recherche est ainsi une sorte de porte d’entrée du Maroc dans ce domaine.
Il existe actuellement 35 réacteurs Triga aux Etats-Unis et autant en dehors du territoire américain (Japon, Italie, Brésil, Iran, Mexique). Fruit de la politique d’Atoms for Peace (le Nucléaire pour la Paix) de l’ancien président américain, Eisenhower, cette technologie avait comme but de faciliter l’accès au nucléaire pour les pays en voie de développement.

Le choix de Sidi Boulbra
En décembre 2005, l’Agence internationale de l’énergie atomique a indiqué que le site de Sidi Boulbra était adapté à recevoir la première centrale nucléaire marocaine pour la production d’électricité. Cette centrale aura une puissance estimée de 700 à 1 000 mégawatts.
Dans le cadre de sa politique de diversification des ressources énergétiques primaires et du développement de ses capacités de production électrique, le Maroc a conduit des enquêtes de site et de faisabilité pour sa première centrale nucléaire, en tenant compte de la réalité économique actuelle et de la nécessité de développer une technologie de réacteur nucléaire compatible avec la taille du réseau national d’ici 2016 ou 2017.
Ces études de faisabilité ont été réalisées en partenariat étroit avec l’AIEA. Elles ont pris en compte les aspects techniques et économiques du projet, ainsi que la sécurité, la protection de l’environnement, la participation de l’industrie nationale et l’information publique. Les principales conclusions ont été publiées dans un rapport final rédigé par des experts de l’AIEA. Le site de Sidi Boulbra se trouve sur la côte atlantique, à mi-chemin entre les villes de Safi et d’Essaouira, sur la rive nord de l’embouchure du fleuve Mzar.
L’AIEA n’a émis aucune objection quant à la qualification de ce site. L’agence est favorable à ce que des réacteurs techniquement avérés et commercialement disponibles soient inclus dans le projet de centrale nucléaire marocaine. La date optimale pour la mise en service de la première unité de génération d’électricité d’origine nucléaire, d’une puissance de 700 à 1 000 mégawatts, dans le réseau national sera d’ici à 2017.
La comparaison économique avec la technologie du charbon montre que l’option nucléaire est plus avantageuse pour une mise en service à compter de cette date. Le processus de recherche et de sélection du site de Sidi Boulbra et les études détaillées auxquelles il a été soumis ont été conduits par la société française SOFRATOME avec la participation de plusieurs organisations marocaines et sous la houlette de l’AIEA.
Ce projet nécessitera un investissement de quelque 15 milliards de dirhams. La société américaine General Atomics Corporation supervisera la fourniture des réacteurs nucléaires à des fins pacifiques et scientifiques. Le personnel, les techniciens et les ingénieurs nucléaires marocains qui travailleront dans cette centrale nucléaire ont reçu une formation aux Etats-Unis, en France et en Malaisie. Alors que le dossier technique du site est bouclé, la décision politique se fait encore attendre. Les considérations réglementaires restent à finaliser. Le gouvernement prépare les textes juridiques appropriés nécessaires pour couvrir le rôle, la mission et le cadre opérationnel des réacteurs nucléaires.

Le pic du phosphate
Si la dernière goutte de pétrole sera extraite en 2150 dans l’Est de d’Arabie Saoudite, le dernier gramme de phosphate le sera vraisemblablement à Khouribga au Maroc dans moins de 90 ans. Le physicien Patrick Déry a appliqué la technique de linéarisation de Hubbert (qui a formulé le concept de « pic du pétrole ») aux données fournies par le United States Geological Survey, résultat : le pic du phosphate aurait eu lieu en 1989! Il est passé inaperçu à cause de l’effondrement du bloc soviétique (traduit par une baisse drastique de la demande entre 1990 et 1993). Aujourd’hui, les premières tensions apparaissent (enfin) sur le marché ; certains agriculteurs australiens et brésiliens ont été obligés cette année de retarder les semis par manque d’engrais… Les experts s’inquiètent maintenant de la rareté du phosphate qui, contrairement au pétrole, est irremplaçable. Il peut seulement être recyclé, mais il faut pour cela retraiter les excréments animaux et humains pour en nourrir les sols… Le physicien Isaac Asimov a démontré que le phosphate est un élément minéral unique, parce que sa concentration moyenne dans les organismes vivants est huit fois plus élevée que sa concentration dans les sols. Asimov lui a même décerné le titre enviable de « life’s bottleneck » (goulot d’étranglement de la vie). Comment expliquer alors l’atonie des cours du phosphate brut de 1989 à 2003? Ce prix est avant tout déterminé par les anticipations des acteurs en présence : une alliance entre l’Office Chérifien des Phosphates (qui contrôle 47% du marché de l’acide phosphorique et 22% des engrais phosphatés) et un consortium de huit entreprises américaines baptisé PhosRock concentrerait plus de 60% des réserves mondiales ; cette possibilité d’une entente maroco-américaine a un effet dissuasif qui prive les autres pays producteurs du pouvoir de piloter les prix. Par ailleurs, les investissements dans le secteur phosphatier ont été gelés ces dernières années par l’annonce de l’exploitation à partir de 2010 d’un gisement géant dans le nord de l’Arabie Saoudite (qui pourrait fournir jusqu’à 8% de l’offre mondiale). Or en 2020, la production agricole mondiale – poussée par la démographie et les biocarburants – aura bondi de 33%, entraînant dans son sillage la consommation d’engrais. Si le phosphate a longtemps été la matière première la moins attrayante de la planète malgré son importance, la situation semble en passe de changer. Pour le Maroc, dont le sous-sol renferme plus de 40% des réserves mondiales, un trend haussier durable sur le phosphate brut est une bonne nouvelle. Cela devrait aider l’OCP à se réformer. En maintenant un programme d’investissement de 4 milliards de dollars d’ici 2015, l’OCP ambitionne de faire du port de Jorf Lasfar une technopole mondiale du phosphate, une plateforme industrielle dans laquelle les investisseurs étrangers pourraient exploiter des unités de productions livrées clef en main (500 ha dédiés à l’industrie lourde). Sans oublier que d’après l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, les phosphates marocains recèlent près de 7 millions de tonnes d’uranium. Le cours de l’uranium a été multiplié par onze depuis 2002.

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