EnvironnementReportage
Conscience environnementale à El Jadida
Al Kalaâ s’engouffre dans l’abyssal de son marécage
Comment la galerie Al Kalâa s’est transformée en un bourbier politico-financier aux contours assez flous? Qui est responsable ? Qu’a été le rôle de l’architecte et maître d’oeuvre dans cette mascarade ? Le projet de la galerie d’Al Kelâa est un exemple criant la dilapidation des deniers publics, où des centaines de millions de dirhams ont péri. A l’heure où tout le pays vibre au rythme de l’écologie, cette prise de conscience collective dédiée en hommage à la journée de la Terre et de l’environnement ne semble émouvoir que très peu les décideurs de la ville d’El Jadida.
Certes, la commune urbaine s’est soudainement rappelée que les dizaines de palmiers, mort-nés, et qui sont censés ornementer l’esplanade de la corniche, font tout bonnement figure d’épouvantails, à défaut de s’imposer en tant qu’espace vert agréable à vivre. Les palmiers nouvellement plantés au plus frais, font signe à l’adhésion d’une certaine prise de conscience. Et mettre un terme aux pires engagements irréfléchis sur la ville depuis le début des années 90, n’en est pas le désir scandé – On peut dire que les responsables d’El Jadida ont une fois de plus raté le coche … C’est trop.
Le marécageux quartier Al Kalâa, un chantier qui trône à même le centre-ville, ébahi tout observateur qui se voue au tourisme dans la région. Faisant de cette industrie le cheval de bataille, d’une économie supposée présenter l’une des priorités, une action soutenue pour la sauvegarde écologique qui est aussi touristique et environnementale et partant, c’est la tête de lance pour la santé de la population locale qui intéresse l’habiation.
Pourtant, tout l’espoir des habitants du «maudit quartier», qui endurent le pire des préjudices, et ce, depuis près de trente ans, s’accrochant encore à la sensibilité des pouvoirs publics et aux problèmes, dont ils continuent de réclamer solution, feintent ne pas retrouver écoute, malgré leurs multiples et légitimes manifestations pacifiques. Reste aussi l’éternelle question, celle de connaître au moins les raisons qui obstruent la finalisation d’une telle anomalie sur laquelle ont achoppé de multiples tergiversations des responsables de différents courants politique et administratif.
Pour la petite histoire, rappelons qu’au départ, ce projet inscrit sous le nom de galerie Al Kalâa, devrait abriter une surface commerciale de trois étages, composée de 166 magasins, deux cafés et huit bureaux, en plus d’un vaste parking en sous sol. Sa réalisation était prévue dans le cadre d’un partenariat entre une banque de la place, dont la participation devait être de 24.000.000 DH, remboursables en quatre ans, et la municipalité qui devait engager 10.000.000 DH. Le montant global du projet, en tenant compte des études techniques, étant de l’ordre de près de 50.000.000 DH.
En date du mois d’avril 1992, l’entreprise qui s’était adjugée le marché, avait entamé ses travaux, après que la banque ait débloqué une première tranche du crédit d’un montant de 4.000.000DH, suivie par trois autres versements pour atteindre le seuil de 50% du crédit total.
Et c’est à ce stade que tout s’est écroulé, alors que les événements se précipitent dans un brouillard absolu. Les tirs croisés entre les différents partenaires n’ont pas été adoucis pour arranger les choses. L’entreprise qui s’est confrontée aux difficultés résultant de la proximité de la nappe phréatique a arrêté les travaux sous prétexte de l’absence d’études géotechniques. La municipalité renvoie la balle à l’architecte maître d’ouvrage, qui se défend en faisant référence aux livres de chantier, quant à la banque, celle-ci a préféré arrêter les frais…
Ainsi donc naquit cette révoltante«chose», plus connue depuis sous le nom de «marécage d’Al Kalâa», et dont les éternelles victimes sont les habitants d’El Jadida, plus particulièrement les habitants du quartier Al kalâa. Ces derniers doivent garder portes et fenêtres fermées pour éviter l’invasion des moustiques, provenant des fondations d’habitations dangereusement affectées, auxquelles s’ajoutent les nombreux puits dans le quartier, condamnés eux aussi à la suite d’intoxications collectives…
Cet endroit macabre, donnant mort en 1997 à une personne qui a fait indigné toute la ville, n’a eu d’impact sur les responsables.
Elle a failli être suivie par bien d’autres, si ce n’était l’intervention des volontaires du quartier qui ont porté secours à plusieurs garçons et vieillards, ayant été pris au même piège.
De nos jours et après trente ans de revendications, El Jadida a appris à vivre avec son mal. L’usure du temps a fini par avoir raison des volontés les plus accrochées.
Le marécage d’Al Kalâa fait désormais parti du paysage grotesque du centre ville.
Les seules interventions entreprises par les responsables pour arrêter cette grande calamité, se limitent en la construction d’un petit muret de clôture pour isoler ce point noir, en plus des quelques actions sporadiques de pompages qui ne durent que le temps des promesses de circonstance.
Cet exemple aussi flagrant que la défection communale en matière de gestion des affaires de la ville, lorgne d’un oeil louchon, la plus apparente des laideurs qui ternissent l’image de marque de la ville d’El Jadida, que d’aucun ne s’évertue à la qualifier de future pôle touristique. Seulement, du côté des décideurs communaux actuels, le citoyen n’a droit qu’à l’immuable réponse qui consiste à clamer : «On n’est pas responsable de cet état de fait. Nous n’avons fait qu’hériter de cette chose ».
Le salut serait-il donc lié au seul espoir que les habitants d’Al Kalâa attendent, et pour combien de temps ? Le geste salvateur de la protection de l’environnement, qui cherche porter secours à de tels anachronismes, ne va-t-il pas être une alternative sérieuse au remplacement d’idylles assourdies? Une autre interrogation parmi d’autres que l’habitant d’El Jadida aura au moins confiée aux potins de la ville.
El Mostafa Lekhiar