Environnement

STRATEGIES

Gérer les risques d’inondations au Maroc (*)

La géologie et le climat du Maroc le classe dans la catégorie des pays les plus vulnérables aux inondations. La gestion de ce risque naturel devient donc une nécessité des autorités compétentes pour garantir un meilleur développement durable. La stratégie de gestion nécessite de nombreuses actions comme la prévention, la protection, la préparation, la prévision, la surveillance et l’alerte, l’intervention, le secourisme et la réhabilitation.

Par G. ZAHOUR & H. OUAFIK (**)

Les inondations représentent un risque naturel qui peut causer des pertes en vies humaines, des dégâts matériels et la dégradation de l’environnement. Dans la triste liste noire des victimes, et à l’échelle du bassin méditerranéen, les risques d’inondation viennent en deuxième rang derrière les risques sismiques, mais ils occupent en revanche le premier rang sur le plan de fréquences d’occurrences (Villevieille, 1997). Le Maroc n’échappe pas à cette règle. Les catastrophes les plus fréquentes et les plus meurtrières pour ce pays sont la récurrence terrible des inondations. Les inondations de l’Oued Ourika de 1995, et celles de l’Oued Maleh de 2002 restent gravées dans les mémoires des marocains.

Effets déplorables et gestion des risques
Les inondations ont des Impact sur l’ordre social et sur l’écosystème. En effet, parmi les conséquences néfastes des inondations, on peut citer, entre autres, les glissements de terrain dus à des sols saturés, les pertes en vies humaines dues à la noyade, la pollution des réserves d’eau  et les épidémies en relation avec la contamination éventuelle des puits et des nappes phréatiques, la perte de la culture, des réserves alimentaires et des animaux et l’effondrement des maisons. Face à cela, les stratégies de lutte contre les risques d’inondation au Maroc correspondent à un programme d’action qu’il faut mener pour contenir ou réduire le risque, et ce à travers plusieurs actions notamment la prévention, la sensibilisation aux risques, la protection contre les risques, la préparation, la prévision, la surveillance et l’alerte, l’intervention, le secourisme et la réhabilitation, la contribution des Organisations Non Gouvernementales « ONG » et la collaboration internationale.
La prévention consistera en une action d’information, de communication et de sensibilisation aux risques d’inondations. Il s’agira ainsi d’informer le citoyen et les différentes communautés et groupements sociaux sur les causes du risque, ses conséquences et ses impacts à court et à moyen terme et enfin sur les moyens de lutte et les mesures de précaution à prendre pour se défendre contre les agressions de cette catastrophe. La sensibilisation des décideurs à la problématique des risques et leurs impacts sur l’environnement est une action à envisager notamment par les spécialistes de la communauté scientifique.
La connaissance et l’éducation aux risques font appel à plusieurs moyens: Medias (Radio, TV, Presse écrite), Ecole, Internet, Orateurs des Mosquées, Parents, Cinéma…etc.
La prévision est la connaissance anticipée de la date et du lieu de la catastrophe. Pour réduire le risque, il faut la mise en place de système de prévision de surveillance et d’alerte.
Longtemps, «le bouche à oreille» était le seul moyen d’avertir les populations d’un danger quelconque. Les systèmes d’alerte actuels reposent sur des instruments de mesure sophistiqués et sur des moyens de communication modernes. Ainsi les centrales nucléaires et les usines à haut risque sont équipées de systèmes d’alerte. La capacité à prévenir un événement exige que l’on dispose d’appareils de surveillance adéquats et opérationnels, pour que l’on puisse transmettre l’information avant le déclenchement du risque. Les prévisions météorologiques sur 24 et 48 heures, illustrent bien l’efficacité des systèmes d’alerte anticipée.
La surveillance est la continuité de l’observation dans l’espace et dans le temps. Les moyens de surveillance sont variés. L’on citera ainsi les réseaux sol (postes d’observation et d’alerte tenus par des opérateurs humains et déclenchés par divers moyens de télécommunications), les radars et satellites qui sont des systèmes assurant l’observation de surfaces très étendues. Le cercle d’acquisition du radar est de l’ordre de 100ène de Km. Alors que celui du satellite dépasse le millier de Km.
Les satellites, par exemple, apportent des informations et des indications essentielles pour la prévision météorologique. C’est le cas des prévisions météorologiques qui représente un bon exemple de système de prévision et d’alerte anticipée des risques d’inondations. En effet, Il existe de stations terrestres et marines qui recueillent en permanence des images et des données, diffusés par des satellites météorologiques, et qui portent des précisions sur les éléments météorologiques (température, humidité, orientation et vitesse des vents….). Les données et images météorologiques permettent d’être informé à l’avance des fortes perturbations climatiques qui risquent de provoquer une catastrophe.
Cependant, ces dispositifs manquent parfois de précisions ou sont mal interprétés en temps utile. De nombreux exemples récents montrent que c’est surtout le manque d’organisation dans les secours et le défaut dans l’appréciation d’un danger qui sont responsables du bilan catastrophique de certains évènements hydrométéorologiques. Les cas du cyclone Katarina (USA, 2005) est un exemple significatif à cet égard.
L’annonce de crue et l’alerte du risque d’inondation sont déclenchées sur prévision météorologique. La transmission de cette alerte aux populations en danger, par l’intermédiaire de moyens de communications efficace en temps réel (réseau téléphonique par exemple), est le devoir des corps techniques appropriés. Mais le problème auquel se confrontent les gestionnaires de crises est la possibilité de joindre les campeurs le long des cours d’eau pendant les saisons estivales. Il est recommandé de doter ces campings d’une liaison radio avec un centre de sécurité civile. Des panneaux de signalisation devraient recommander les campeurs des sites inondables à gagner les points de haute altitude pour échapper sur alerte diffusée, pour échapper aux risques de crues.
D’une façon générale, la stratégie opérationnelle de secourisme, d’urgence et de réhabilitation comprend, la création d’une cellule de gestion de crise spécifique en cas de désastre pilotée par les hautes autorités compétentes et qui comprend tous les services concernés: représentants de la protection civile et sapeurs pompiers, croissant rouge, représentants du ministère de la santé, de l’environnement, de l’habitat, de l’équipement, les ONG…, la définition du rôle et des responsabilités de chaque intervenant pendant la crise, la création de procédures d’urgence et de secours immédiats (corps médical, sauveteurs spécialistes comme les sapeurs pompiers pour évacuer les blessés graves et les populations menacées et aider à la survie (fournitures de couvertures, eau, relogement même précaire…), la constitution d’un « fond d’urgence catastrophe” pour répondre aux besoins de la population et en fin lors de la réhabilitation, il faut évaluer les coûts induits par la catastrophe, et mettre en place un système d’assurance pour couvrir les indemnisations des sinistrés.
L’implication de la composante sociale (associations) basée sur le bénévolat, qui conjuguée avec l’organisation administrative traditionnelle, peut être particulièrement efficace en matière de réduction de l’impact de la catastrophe.

Actions entreprises
Pour protéger la ville de Mohammedia contre les risques d’inondations, plusieurs mesures de précaution ont été prises (Jouhari, 2003), il a été procédé à la mise en place de 5 postes d’annonce de crues (alerte) permettant de porter le délais d’alerte à 14 heures au lieu de 6 heures auparavant. En plus de la réalisation de 4 digues à Mohammédia au niveau du boulevard Sidi Mohammed Ben Abdellah, de Douar El Haja, du boulevard Chefchaouni et de la zone basse de la SAMIR. Les investissements de la société de Lydec ont été menées sur le canal de délestage de l’Oued Maleh qui permettra de protéger la ville basse de Mohammedia contre les crues pouvant atteindre 140 m3/s (El Misbahi, 2006).
Dans le cadre de sa stratégie de lutte contre les débordements en cas de fortes pluies, la société Lydec réalise à Casablanca des grands travaux structurants sur le réseau d’assainissement de la ville avec un vaste programme préventif portant sur les campagnes de curage et de débouchage du réseau (El Misbahi, 2006). Selon le même auteur, la société Lydec entreprend plusieurs travaux ponctuels pouvant connaître des débordements importants en cas de fortes pluies, pour réduire l’ampleur du débordement et surtout le nombre de points sensibles sur le réseau (52 zones sensibles en 1997 contre 15 zones sensibles en 2006).
Dans la ville de Berrechid, la première action urgente concerne la protection de la zone industrielle contre les crues. Elle consiste en la réalisation d’une digue et d’un canal.
Pour la protection de la ville de Settat contre les crues, plusieurs actions ont eu lieu, entre autres, les travaux de doublement du canal de l’oued.
De même des systèmes d’alerte et des seuils mécaniques ont été mis en place pour lutter contre les inondations au niveau de la vallée d’Ourika. Pour ce dernier cas, Il s’agit en fait des corrections mécaniques des ravins avec des constructions de seuils en pierres sèches et gabions et maçonnerie ou cimentées avec un double objectif : maîtriser et limiter l’écoulement des débris dans l’oued et casser l’énergie de l’eau en retenant les gros blocs via ces sortes de petits barrages en béton tout au long des ravins (Berrissoule, 2004).
Un projet-pilote, relatif à la mise en place d’un système de prévention contre les inondations dans la zone du bassin d’Ourika a vu le jour après les inondations de 1995 et s’inscrit dans la cadre de la coopération entre le Maroc et le Japon.
La MAP (2003), a déclaré selon les responsables que le projet, d’un coût global de 30 millions DH et réalisé en collaboration avec l’Agence japonaise pour la Coopération Internationale, vise la prévention contre les risques d’inondations que connaît la région, particulièrement en période d’été, et qui touchent quelque 3.500 km2 sur la rive gauche de l’Oued Tensift. Les appareils de pointe, dont ce projet est doté, permettent de réunir les données de 5 stations se trouvant dans la zone de l’Ourika avant de les traiter et les examiner au centre d’informatique sis au siège de l’agence du bassin hydrolique de la région de Marrakech-Tensift-Al Haouz.
Ce système permet de recueillir, de manière automatique, les données sur les hauteurs des pluies et le niveau d’eau, lesquelles serviront à déterminer la gravité de la situation et d’éviter les dégâts, notamment humains, pouvant résulter d’éventuelles inondations.

La compréhension à la base
La gestion des risques naturels est une composante du développement durable. Les stratégies de lutte contre les risques d’inondations passent incontestablement par la compréhension scientifique de la cause du risque, de son impact sur l’ordre social, économique et environnemental, et par les mesures à prendre ou « parades » pour réduire les dégâts.
L’analyse de l’état actuel de la gestion de ces risques au Maroc montre des lacunes au niveau (Founty, 2006) de la prise en compte des risques naturels dans les plans d’aménagement, au niveau de la cartographie des zones à haut risque et au niveau de la définition d’une stratégie globale et coordonnée de prévention et de lutte contre les risques d’inondations.
Notons enfin que selon la stratégie de Kobe 2005-2015 : « Chaque État a la responsabilité de prendre des mesures efficaces pour réduire les risques et protéger ses populations, ses infrastructures et son patrimoine national des conséquences des catastrophes ».
La gestion des risques d’inondations dépasse le cadre de compétence d’une commune et des autorités locales compétentes, elle rentre plutôt dans la politique de l’état en matière de gestion des ressources en eau et d’aménagement des bassins versants hydrologiques.

(*)Ce travail rentre dans le cadre de la préparation d’un doctorat national que prépare encore Mlle Hanane Oufik sous le thème : Education à la gestion des risques naturels au Maroc, sous l’encadrement du Professeur Ghalem Zahour, enseignant chercheur à la Faculté des Sciences de Ben M’Sik, Casablanca.

(**) Département de Géologie, Faculté des Sciences II, Ben M’Sik – Casablanca

ENCADRÉ

Des mesures efficaces de protection
Il s’agit d’un ensemble d’actions et de mesures visant à assurer un certain niveau de protection des vies, et des biens individuels ou collectifs (habitats et ouvrages d’arts comme les ponts, barrages…, les réseaux de télécommunications, d’électrification, d’eau potable … ), notamment en villes car les villes sont très sensibles et vulnérables aux risques d’inondations en raison de l’accumulation d’habitat à usage individuel ou collectif, de la densité de la population urbaine et de la concentration d’activités à caractère industriel, commercial, culturel, artisanal, sportif… La protection contre les risques d’inondations au Maroc exige, à notre avis, un ensemble de solutions techniques, entre autres, la cartographie des zones à hauts risques et l’identification des zones sensibles dont il faudra tenir compte dans les plans d’aménagement urbain (zones potentielles de débordements des eaux de ruissellement sur les voies publiques…). En effet, la géométrie urbaine doit être mieux conçue pour faciliter l’écoulement des eaux. Vient, ensuite le renforcement du cadre juridique et institutionnel à travers la mise en application de la loi 10/95 sur l’eau en particulier les articles 12 qui stipule que
« Il est interdit d’anticiper de quelque manière que ce soit, notamment par des constructions, sur les limites des francs-bords des cours d’eau temporaires ou permanents, des séguias, des lacs, des sources ainsi que sur les limites d’emprises des aqueducs, des conduites d’eau, des canaux de navigation, d’irrigation ou d’assainissement faisant partie du domaine public hydraulique »,
et 20 qui précise que
« Il est créé, au niveau de chaque bassin hydraulique ou ensemble de bassins hydrauliques, sous la dénomination de “agence de bassin”, un établissement public, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. L’agence de bassin est chargée, entre autre, de réaliser les infrastructures nécessaires à la prévention et à la lutte contre les inondations « .
Il faudra aussi veiller à la création de bassins réservoirs, des barrages et des digues pour limiter les débits liquides et capter les débits solides en amont des agglomérations, lutter contre l’imperméabilité des bassins versants. Cette imperméabilité a pour effet d’accroître les écoulements des eaux et par conséquent d’augmenter les débits reçus en aval. En villes, la création d’espaces verts est de nature à augmenter l’infiltration des eaux, et à l’opposé, ils réduisent les débits de ruissellements. Et puis, organiser, de manière régulière, des compagnes de curage et d’entretien des réseaux d’évacuation en milieu urbain.

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