Le barrage Mly Bouchta est situé dans le nord du Royaume à environ 12 km au nord-Ouest de la ville de Chefchaouen, dont il doit assurer l’alimentation en eau potable. Les premières études faites en 1999 débouchèrent en 2002 sur un avant-projet suivi d’une consultation des entreprises en 2008 avec démarrage des travaux en 2010. Avec une capacité de stockage de 13 Mm3, le barrage Mly Bouchta permettra l’alimentation en eau potable de la ville de Chefchaouen et des centres avoisinants, la protection du barrage Ali Thailat contre l’envasement, l’irrigation des terres agricoles situées à l’aval du barrage, et une réserve d’eau pour lutter contre les incendies de forêts.
La conception initiale du barrage prévoyait une digue zonée à noyau argileux vertical, haute d’environ 60m sur fondation avec des pentes extérieures à 2.5H/1V à l’aval et 3H/1V à l’amont. L’évacuateur de crue, implanté en rive droite, était un seuil libre d’une longueur développée de 130 m, assurant une capacité maximale de l’ordre de 1350 m3/s (crue décamillénale 1500 m3/s). Les travaux préparatoires de terrassement de cet ouvrage, lancés en 2010, provoquèrent des fissures d’ouverture pluri-décimétrique, parallèlement aux courbes de niveau, traduisant une instabilité généralisée du versant sur plus de 200m au-delà de l’emprise des ouvrages. Les reconnaissances complémentaires révélèrent une épaisseur et une extension nettement plus importantes que prévu des terrains de couverture constitué de blocs gréseux englobés dans une matrice argileuse. Ces terrains dépassaient la trentaine de mètres d’épaisseur par endroits et étaient gorgés d’eau. Les fouilles ont été immédiatement arrêtées et le versant reconstitué à son état original, de peur de causer des désordres notables aux habitations et infrastructures situées en hauteur.
Un drainage a été mis en place dans la recherche d’une stabilisation complète du versant. Mais dès leur démarrage sur les 5m supérieurs couvrant toute l’emprise amont de l’évacuateur, des fissures d’ouverture parfois pluri-décimétrique, dont certaines sensiblement parallèles aux courbes de niveau, sont apparues . Elles traduisaient clairement une instabilité généralisée du versant et évoluaient de jour en jour. Il faut rappeler que le barrage Mly Bouchta est situé dans un contexte géologique et géotechnique difficile, marqué par la présence de flyschs à forte composante argileuse, notamment en rive droite. L’insuffisance des reconnaissances effectuées à l’avant projet est la principale cause des problèmes rencontrés au démarrage des travaux.
Les décisions prises, suite à l’apparition de mouvements de terrain concernant l’ensemble du versant droit, se sont révélées payantes. Il s’agit de l’arrêt des travaux, une reconstitution à l’origine du versant et procéder au lancement d’investigations additionnelles visant à obtenir une bonne connaissance des conditions géologiques du site. Il a ainsi été possible d’éliminer tout risque pour les constructions et les infrastructures en partie supérieure du versant et mettre au point un nouveau projet parfaitement adapté au contexte particulier du site.
Des expertises ont alors été engagées en urgence et la stabilisation atteinte rapidement, laissant le temps pour un examen détaillé de la situation. Il s’est avéré que la zone concernée par les glissements n’avait pas fait l’objet d’investigations et il a fallu lancer un programme de reconnaissances approprié pour mieux comprendre le contexte géologique et géotechnique local. Ainsi, des forages carottés avec suivi piézométrique ont été réalisés et ont rapidement montré que les terrains de couverture atteignaient plus de 30m dans la zone concernée et que la nappe était très proche de la surface alors que c’était la saison sèche. Le maître d’ouvrage a dans ces conditions décidé d’arrêter totalement les travaux et s’est associé le concours d’une autre ingénierie pour une revue complète de la conception. Il en a profité également pour revoir l’hydrologie tenant compte des données disponibles depuis l’achèvement des études antérieures, couvrant notamment des années plus pluvieuses que la moyenne.
Pour se prémunir contre toute autre déconvenue, des investigations additionnelles ont été réalisées sur l’ensemble du site, en dehors même de l’emprise des ouvrages. Fort heureusement le contrat d’exécution comportait une rubrique ayant permis d’engager ces travaux sans délai. Pour aller vite, jusqu’à 6 ateliers de perforation travaillaient simultanément en fond de vallée et sur les rives.
Par. Abdelaaziz Zaki : Direction des Aménagements Hydrauliques Maroc.
E-mail : zakiabde@hotmail.com
