Le secteur des matérieux du BTP au Maroc se restructure sous l’effet des fusions-acquisitions mondiales. Dans le sillage de la fusion Lafarge-Holcim, le groupe HeidelbergCement veut racheter les 37,69% du capital de Ciments du Maroc qu’il ne détient pas encore pour cette entreprise valorisée environ 1,5 milliard d’euros.
De plus en plus concentré le marché marocain du ciment progresse peu depuis trois ans. La filiale française de l’allemand HeidelbergCement, quatrième producteur mondial de ciment, possède déjà, indirectement, 62,31% de Ciments du Maroc depuis le rachat de 45% de l’Italien Italcementi, son actionnaire majoritaire. Il veut à présent acquérir le reste du capital du deuxième opérateur marocain du ciment côté à la la bourse de Casablanca où sa capitalisation atteint 16,6 milliards de dirhams (1 000 dirhams = 91,4 euros). Il lance une offre publique d’achat sur les 37,69% qui lui manque. En cause, les actions détenues par la CIMR, FIPAR Holding, du Fonds Abou Dhabi et des petits actionnaires.
S’il parvient à ses fins, le groupe pourrait dépenser plus de 6 milliards de dirhams. Cette opération coûteuse n’apportera en fait aucun contrôle supplémentaire à HeidelbergCement. Pourquoi, dans ce cas, racheter la totalité des actions ? HeidelbergCement prévoit-il de retirer Ciments du Maroc de la bourse ? Vraisemblablement non. « L’objectif de l’Initiateur est de maintenir une base d’investisseurs composée aussi bien d’investisseurs institutionnels marocains et internationaux de premier plan que d’investisseurs individuels. Ciments du Maroc pourra ainsi continuer d’être proche de ses actionnaires et de partager ses perspectives d’avenir avec eux », indique paradoxalement Ciments du Maroc dans sa note d’information sur l’OPA.
Ce rachat intervient seulement quelques mois après la fusion au Maroc des leaders mondiaux Lafarge et Holcim déclenchée en mars dernier. Ensemble, leur part de marché, écrasante, s’élève dans le Royaume, à 55%, contre 24% pour Ciments du Maroc. Le numéro deux a produit en 2015 3,4 millions de tonnes pour une capacité de production de 4,6 millions par an avec 3 cimenteries, un broyeur à quoi s’ajoutent 22 centrales à béton. Le troisième opérateur plus modeste étant le conglomérat marocain d’Anas Sefrioui
Si les cimenteries de Ciments du Maroc sont sous utilisées, la situation est pire pour son grand concurrent. Le taux d’utilisation des capacités de production de LafargeHocim est de seulement 67%. En cause notamment, la décision d’Holcim de doubler la capacité de sa cimenterie de Fès juste au moment où la conjoncture du secteur du BTP s’est retournée. Alors qu’entre 2004 et 2010, la consommation de ciment croissait au Maroc de 6,8% en moyenne par an, cette progression s’est réduite entre 2011 et 2015 de 3% en moyenne annuelle sous l’effet d’un ralentissement du BTP.
« En 2015, le secteur a connu une légère augmentation de 1,4%. Celle-ci n’augure cependant pas une réelle reprise du marché. La conjoncture économique dans le secteur de la construction demeure difficile, marquée par le recul de l’auto-construction, la baisse des projets immobiliers suite aux difficultés de commercialisation des logements sociaux et du moyen standing, et le retard dans l’exécution des marches publics », estime Ciments du Maroc dans sa note d’information.
L’année 2016 s’est en effet annoncé meilleure, mais le numéro deux marocain reste encore circonspect : « la consommation de ciment s’est élevée à 3,7 MT à fin mars 2016, en hausse de 5,9% par rapport à la même période de l’année précédente. Cette hausse s’explique principalement par la faible pluviométrie ayant permis une réduction des temps d’arrêt des chantiers», précise la note. Pour faire face aux difficultés de leur secteur, les producteurs ont commencé à exporter une partie de leur production de clinker (le ciment avant broyage). Alors que les exportations de clinker s’élevaient à 45 000 tonnes en 2011, elles se sont montées à 1,4 million de tonnes en 2015.
Le marché marocain demeure toutefois très rentable.