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Carburant, le Conseil de la concurrence rétablit le pendule

et s'attaque aux lacunes d'une libéralisation non judicieuse

Les fluctuations qui se jouent sur le marché des carburants dans le monde laissent parfois perplexes des gouvernements qui s’altèrent à prendre des décisions équilibrées. C’est en fait le cas du ministre délégué chargé des Affaires sociales et de la Gouvernance, qui pour échapper à la grogne publique a prêté le flanc au Conseil de la concurrence. Inactif depuis 2013, date à laquelle son ancien président Abdelali Benamour s’est éclipsé, il reprend désormais avec la nomination par le Souverain de M.Guerraoui, le 17 novembre dernier, à faire relai. Qui, dès son entrée en fonction, allait se se heurter à un enjeu de taille qui est celui du  plafonnement des prix des hydrocarbures. Un enjeu qui a fait débat au sein de la majorité gouvernementale, pendant plusieurs mois, mais aussi suscité un boycott social envers une société de distribution accusée de “monopoliser le marché”.

Le Conseil de la Concurrence s’est donc rendu à l’évidence et rappeler les dispositions de l’article 4 de la loi 104-12. C’est un texte qui jalonne les pouvoirs du conseil dont il ne peut contredire l’esprit. Une fois de plus, il fait rappeler les fondements de cette loi, relative à la liberté des prix et de la concurrence. Et sur ce, le Conseil a rendu jeudi 14 février 2019 son avis relatif à la demande du gouvernement, concernant le plafonnement des marges bénéficiaires des carburants liquides. Un avis que le conseil adopte conformément à l’article susvisé, lequel temporise une prise de mesures temporaires, visant à soustraire provisoirement un produit ou un service à la liberté des prix, à deux conditions cumulatives que sont la survenance d’une hausse, ou baisse excessive de prix, et sa motivation par des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une manifestation anormale du marché.

A ce titre, le Conseil relève un nombre de dysfonctionnement du gouvernement, lors de la prise de décisions de libéraliser les prix des carburants, sans mettre en œuvre des mesures d’accompagnement ni des mécanismes de compensation, en faveur des segments les plus vulnérables et des populations qui en seraient les plus touchées. “La décision de libéralisation du marché avait été prise sans l’avis du Conseil de la concurrence qui n’était pas actif à ce moment-là”, fait rappeler l’actuel président, soulignant que cette libéralisation, entrée en vigueur le 1er décembre 2015, s’est opérée “dans un vide institutionnel”. Il estime également que ce choix ne sera pas suffisant ni judicieux d’un point de vue économique,  concurrentiel et en terme de justice sociale.

« De plus, le plafonnement reste une mesure déjà expérimentée entre décembre 2014 et 2015, et elle n’a pas donné les résultats escomptés puisque les opérateurs s’alignent généralement sur les prix maximum fixes sans fournir d’efforts en termes de baisses des prix, lequel se transformant de facto en prix maximum”, précise Guerraoui. Et d’expliquer que le plafonnement est une mesure conjoncturelle qui, légalement, ne dure que 6 mois et ne peut être prolongée que pour la même durée.

En effet, selon le CC, le plafonnement présente un aspect négatif, considéré comme une “mesure discriminatoire qui s’applique indistinctement à tous les opérateurs quelles que soient leur taille et  structure de leurs coûts”. Sur 20 sociétés opérant au Maroc, 7 seulement totalisent la plus grande majorité du marché, soit 80%, indique le CC, ajoutant que 3 autres détiennent 53%. Et puis aussi la présence de 2477 stations en 2018. D’où la révélation d’un appel à un équilibre perdu depuis “la libéralisation mal préparée”. Recommandant ainsi au gouvernement d’adopter une vision claire et, accélérer sa stratégie énergétique en vue de promouvoir les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. En lui rappelant également à faire pallier les lacunes de sa libéralisation en investissant dans le renforcement et la gestion du stockage et les outils concurrentiels permettant de développer “le métier de stockiste indépendant”.

Toutefois pour stimuler la concurrence sur le marché de la distribution au détail, le Conseil recommande au gouvernement de substituer le régime des agréments, applicable aux stations-services par un simple système déclaratif, de supprimer l’obligation de disposer d’un réseau de 30 stations-services, d’encourager la création de stations-services indépendantes et de supprimer la règle de chaînage entre les stations”.

Le Conseil a aussi insisté sur le redémarrage de Samir, cette raffinerie qui depuis sa fermeture, l’approvisionnement en carburant et la capacité de stockage inclinent la balance vers le bas.. Cela montre combien une telle entreprise est porteuse en répondant à plus de 60% des besoins du marché national. “Il maintenait les équilibres et définissait les règles du jeu”, constate Guerraoui. Et d’ajouter qu’en son absence a jailli le problème de la régulation du marché. “La cour des comptes avait recommandé au gouvernement de maintenir le contrôle des prix, mais le gouvernement ne l’a pas fait (…) On a livré le marché aux pétroliers, producteurs et consommateurs”,conclut-il.

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