Economie
Le métier de l’éolien dans toutes ses dimensions
Notre objectif est aujourd’hui de se développer sur le Maroc
et sur les autres pays émergents surtout le Brésil et l’Inde.
Entretien
M. Mohamed Habbal
Vice Président Exécutif de Théolia-Emerging Markets
La société française d’énergies renouvelables Théolia a créé sa filiale Théolia Emerging Markets, qui est basée à Casablanca. Cette nouvelle filiale envisage de développer, de construire et d’exploiter des centrales solaires et éoliennes en Inde, au Brésil et en Afrique et d’en assurer le pilotage à partir du Maroc. De cette nouvelle entité, ses projets et sa vision future nous parle ici, son Vice Président Exécutif M. Mohamed Habbal. Entretien.
Parlez-nous d’abord de Théolia et Théolia Maroc. Comment présentez-vous l’entreprise ?
Théolia est une entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables, elle a démarré il y a près de six ans mais de manière générale, tous les groupes et les sociétés des ER ont un âge relativement jeune. Theolia a démarré en France pour prendre, ensuite le contrôle d’une grosse filiale Allemande, puis elle a commencé à se développer en Espagne, en Italie, en Grèce et en Belgique où elle par ailleurs regroupé toute l’activité non-éolienne.
Théolia avait aussi des filiales au Brésil, en Inde et en Europe de l’Est. Ensuite elle acheté la ferme éolienne du Maroc et en 2007, Theolia a décidé de regrouper tous les pays émergents dans une sous holding qui s’appelle « Théolia Emerging Markets » qui est localisée à Casablanca. Celle-ci est vouée à avoir une autonomie financière et humaine assez rapidement pour gérer ses filiales dans les pays émergents.
D’ailleurs, autant dans les pays européens, Theolia est essentiellement dans l’éolien, autant dans les pays émergents elle est dans l’éolien bien sûr, parce que c’est le secteur le plus mature, mais elle s’intéresse aussi au solaire et aux biocarburants de deuxième génération. En plus, dans TEM, il y a une filiale qui est spécialisée dans le trading des crédits Carbone, qui est aussi un autre métier très jeune et prometteur avec des caractéristiques spécifiques.
Voilà donc pour l’organisation, il y a une équipe qui est constituée pour le Maroc regroupant des ingénieurs, des développeurs, des responsables… etc. Pour le Maroc, il y a Théolia – Maroc, comme filiale de Theolia Emerging Markets, puis en dessous de Théolia Maroc il y a la ferme du Nord CED, il y aurait Tarfaya incha Allah…et toutes les autres fermes éventuelles… Mais le Maroc est aussi l’incubateur des projets dans l’Afrique du Nord et le Moyen Orient en attendant la constitution de filiales dédiées. Le Maroc est une tête de ponte…
Et quelle est aujourd’hui sa relation avec CED Compagnie éolienne du Détroit ?
CED est une filiale de Theolia à 100% qu’on gère directement, totalement au Maroc mais il s’agit d’une entité autonome, une structure à part. En Fait, dans l’éolien chaque ferme éolienne est une structure juridique à part…
Avec la loi des 10 ou 20 Mégawatt, ça permettra donc de court-circuiter les contraintes ?
CED est une concession qui ne rentre pas dans le cadre des 10, 20 ou 50 Mégawatt, du programme énergiepro. C’est une concession et toute l’énergie est vendue à l’ONE qui, dans tous les cas, reste l’acheteur unique du marché. Sur CED nous sommes en train de travailler sur l’extension du parc pour la valorisation du gisement dans lequel se trouve CED.
Comment se situe le Maroc, pour Théolia en matière de production d’énergie éolienne ?
Pour Theolia, le Maroc est une position stratégique très importante. Nous travaillons sur CED pour développer ce parc de 50 à 500 Mégawatt en exploitation et nous travaillons sur Tarfaya pour une capacité de 300 Mégawatt. C’est quelque 800 Mégawatt. C’est énorme ! 800 Mégawatt pour un investissement de 1,6 millions d’Euros le Mégawatt ! Le coût global avoisinera un milliard 280 millions d’Euros, est très important comme investissement et comme impact.
Qu’entendez-vous par concession, s’agit-il de simple gestion et exploitation ou ça implique-t-il aussi l’investissement ?
En effet, le terme concession dans ces cas recouvre autant la gestion, l’exploitation et la maintenance que l’investissement. Si, par exemple, pour CED nous avons acheté une ferme qui existait déjà, pour Tarfaya, il va falloir concevoir et réaliser l’investissement. Le métier de Theolia, c’est d’être opérateur et producteur d’énergie électrique d’origine éolienne et de réaliser les investissements y afférents. Dans le métier de l’éolien il y a trois dimensions importantes. La première est technique et technologique. Elle consiste en le dimensionnement du site, le choix des éoliennes, leur positionnement, les mesures du vent… etc. La deuxième est le financement. Vu l’importance capitalistique de l’investissement, le financement est quelque chose de primordial. Chaque investissement/parc est un cas particulier, donc il faut monter une ingénierie financière qui est assez poussée et qu’il faudrait adapter à chaque cas. La troisième, et dernière dimension est la partie réseau et relationnel. C’est la phase des contacts avec les responsables, les autorités, les banques … Là aussi, c’est très important parce que c’est ce qui permet d’aller vite et permet aussi de nouer une relation de confiance avec les partenaires… L’essentiel de la valeur ajoutée est créé dès le début dans la conception du projet et son montage financier. C’est à partir de là que soit on gagne de l’argent, soit on en perd… Lorsqu’on a bien négocié son contrat d’achat d’électricité, et qu’on a bien étudié l’investissement, c’est sûr qu’on peut s’attendre à une valeur ajoutée substantielle… Après, bien sûr, dans la maintenance, dans l’exploitation selon les choix qu’on a fait, il faut aussi assurer une grande disponibilité des machines. Sur ça, Theolia a beaucoup d’expérience dans ce domaine notamment à travers sa filiale en France ou en Allemagne… Les Allemands ont d’ailleurs beaucoup d’avance sur les autres pays européens …
Entre temps, entretenez-vous des contacts, cherchez-vous à élargir votre réseau clientèle face au sursaut énergétique qui marque cette période, notamment avec les cimentiers ?
Il y a des contacts et nous sommes même très avancés avec quelques uns. Par exemple, sur le projet des 500 Mégawatt, nous ne pensons pas avoir de problèmes de débouchées insurmontables, ni de problèmes de clients parce que nous pensons aussi que l’export est possible. Il y a des difficultés dans l’export mais il demeure très possible …
Et quels moyens faut-il exploiter pour rentabiliser d’avantage les ressources énergétiques et en bénéficier ?
En énergie, il ne faut pas oublier que les pics d’énergie ne sont pas tous les mêmes au Maroc, en Europe ou ailleurs… Ce qu’il faut comprendre, pour le Maroc est que cette source d’énergie est éphémère…
Le vent est là puis il passe. Donc soit on l’a capté pour en faire une énergie, soit il part… Si on l’a capté qu’on en a fait une énergie qu’on a exporté et qu’on a amené des Devises, c’est qu’il a été valorisé. Si par contre, on l’a laissé passer pour une raison ou une autre c’est qu’il n’a pas été exploité à bon escient… Au fait, ici il ya deux choses éphémères en ce qui est des énergies renouvelables : le vent et l’intérêt de l’investisseur. Pourquoi l’intérêt de l’investisseur ? Il est sur que le Maroc est stratégiquement très important, sa situation est très intéressante pour les investisseurs… Sa proximité de l’Europe… Mais un investisseur qui rencontre des difficultés et que ça dure des années, finit par plier bagage et aller vers d’autres marchés où il y a moins de difficultés… Ces difficultés qui sont de différentes natures : la lenteur administrative, la situation de l’infrastructure du réseau électrique marocain, l’absence de priorité, et de vision commune et unifiée, la diversité des intervenants et la divergence des points de vue… Pour ce qui nous concerne, nous persévérons dans nos efforts au Maroc et essayons d’œuvrer au mieux pour les intérêts de notre société et de notre pays.
En terme de développement de la filiale Energies renouvelables et vu les potentialités du Maroc en matière d’éolien, solaire et biocarburants, quelle est la vision de Théolia ?
La vision de Théolia, si ça ne tenait qu’à elle, est que le Maroc dispose d’énormes potentialités qui ne demandent qu’à être exploitées, les investisseurs sont prêts à prendre le risque de l’exploitation. Je pense donc qu’il faudrait investir pour lever les contraintes d’infrastructures en vue de permettre à cette richesse d’émerger et de se concrétiser. Il s’agit d’un choix stratégique du pays de dire oui on y croit et on fonce tout en laissant le privé agir au lieu de vouloir tout réaliser… C’est dire qu’il faut une vision globale partagée et une réelle conviction et une grande foi dans les ER.
Encadré
Des fermes existantes et autres…
Au Maroc il y a la ferme de « Koudia El Beida » de la CED, une ferme de 50,4 Mégawatt, et qui appartient aujourd’hui à Théolia, il y a une ferme de 10 mégawatt qui appartient à Lafarge, il y a aussi une ferme de 60 mégawatt de l’ONE, à Essaouira qui a déjà démarré et qui est en train d’atteindre sa vitesse de production de croisière. Voilà pour ce qui est des fermes existantes et opérationnelles.
A celles-ci s’ajouteront des projets tels celui de 140 mégawatt de l’ONE et qui est en cours de construction à Tanger et Lafarge qui lance un autre parc de 10 mégawatt. Pour le reste, il n’y a pas encore beaucoup de concret dans les différents projets proposés par différents intervenants, des études de faisabilité en cours leur permettront de valider ou non leur choix d’investir…