La géopolitique énergétique mondiale en est bouleversée depuis que les Etats-Unis ont procédé à l’exploitation du schiste. S’ils arrivent tardivement derrière le Canada, désormais se sont eux qui mènent le jeu. La production américaine de pétrole ne cesse alors de grimper et de battre des records. 11,7 millions de barils par jour. C’est le niveau actuel de la production américaine de pétrole. Le pays est devenu, il y a quelques mois, le plus gros producteur de pétrole du monde devant la Russie avec 11,4 millions b/j et l’Arabie Saoudite avec 10,75 millions b/j. Un scénario qui était quasiment improbable fin 2016, en fin de mandat de Barack Obama et où la production nationale était alors d’environ 9 millions b/j.
Mais une fois installée, l’administration Trump a décidé d’accompagner l’industrie agonisante du schiste afin de gonfler l’offre et maintenir les prix dans une fourchette très abordable. La mesure était censée faciliter la reprise industrielle. Malgré la controverse, des lignes de crédit ont été ouvertes à des centaines d’entreprises locales du schiste, dont le pétrole est encore plus polluant que son équivalent conventionnel. Ainsi, les entreprises ont pris d’assaut le bassin Permien qui abrite 70 milliards barils de pétrole de schiste, selon des chiffres du cabinet IHS MarKit.
En novembre 2018, les Etats-Unis, qui étaient autrefois importateurs nets de pétrole, en sont devenus exportateurs net. Cela, grâce à une exportation de 3,2 millions b/j et 5,8 millions b/j de produits pétroliers, indique l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Celle-ci pense que la production américaine de pétrole de schiste devrait plus que doubler d’ici 2025 et qu’elle pourrait répondre à la hausse attendue de la demande globale, ce sont les perspectives à partir des années 2020 qui inquiètent.
Compte tenu de l’engagement des pouvoirs publics et de l’évolution de l’offre, les Etats-Unis produiront 61% de la nouvelle offre mondiale de pétrole au cours de la prochaine décennie, prévoit un rapport de l’ONG Global Witness publié le 20 août dernier et intitulé « Les Etats-Unis sont prêts à noyer le monde dans du pétrole ».
En effet, ce niveau de production sera porté par les nouveaux projets en cours de développement dans le pays, notamment dans le bassin Permien. Ces seuls nouveaux projets sont si importants que, s’ils aboutissent, ils éclipseront la future production du reste du monde. Les chiffres sont hallucinants : le niveau de production des nouveaux gisements américains sera 20 fois supérieur à celui des nouveaux gisements de la Russie et plus de 1,5 fois supérieure à ceux de tous les autres producteurs du monde réunis.
Ainsi, les nouveaux projets américains produiront plus du double de ce que l’Arabie saoudite produit actuellement, soit plus de 21 millions barils par jour ! Un scénario décrit par le rapport de Global Witness qui prétend que , le marché pétrolier sera inondé au cours de la prochaine décennie. Et aura un impact certain sur les cours du combustible et surtout sur les efforts pour enrayer les changements climatiques.
Plusieurs rapports scientifiques versent sur cette perspective et préconisent que pour éviter les effets néfastes des changements climatiques, la production globale de l’énergie fossile devrait chuter d’au moins 40% pendant la prochaine décennie. Or, le scénario en présence est totalement contraire à cette idée. Au lieu de chuter de 40%, la production mondiale devrait exploser, portée par l’offre américaine qui augmentera les risques dont les États-Unis sont confrontés en raison du changement climatique, notamment des températures plus extrêmes, de fortes marées, de fortes pluies, des érosions côtières, des feux de forêt, ou encore la détérioration de la qualité de l’air. Un scénario où les pays pauvres continueront d’être les plus durement touchés par le changement climatique, et seront désavantagés lorsqu’il s’agira de gérer ces impacts.
EMC/Ecofin Hebdo