Environnement
Déchets :
les entreprises étrangères font commandes
Dix mille personnes fouillent les poubelles et les décharges au Maroc. Une pratique du pauvre qui pourrait changer avec le Programme national des déchets ménagers et assimilés (PNDM) de 3,85 milliards d’euros qui ambitionne de porter à 20% la proportion des déchets recyclés en 2015 et assurer des services de collectes à 90% de la population des villes en 2020. Un secteur prometteur et les entreprises étrangères sont de la partie. Un état des lieux d’Oxford Business Group.
Un pouvoir d’achat accru, des modes de consommation qui évoluent et de meilleurs rendements dans le secteur industriel, de même qu’une croissance démographique rapide, sont autant des retombées de la croissance économique soutenue dont a bénéficié le Maroc ces dernières années, mais la pollution et les déchets sont aussi des conséquences de cette croissance. L’étendue de ces problèmes a amené le gouvernement à se mettre à l’oeuvre pour réduire les externalités négatives en matière d’environnement, qui résultent du développement économique. Le traitement des déchets en particulier est devenu un défi important, en partie parce que le Maroc pâtit de systèmes de gestion des déchets sous-développés. Il est courant de jeter ses détritus n’importe où et on trouve des décharges illégales dans les zones urbaines.
Avec pour objectif de porter la proportion des déchets recyclés à 20 % en 2015, le gouvernement a lancé en 2007 un programme sur 15 ans, intitulé Programme national des déchets ménagers et assimilés (PNDM), qui vise à améliorer la collecte des déchets solides via le développement des services de collecte pour 90 % de la population des villes d’ici à 2015, puis 100% en 2020. Le programme, d’un montant de 40 milliards de dirhams (3,58 milliards d’euros), a reçu l’appui de la Banque mondiale, sous la forme d’une enveloppe de 200 millions d’euros en février 2011.
Le français Pizzorno déjà très actif Ce programme comporte un point crucial : il dépend, en grande partie, de la participation accrue du secteur privé. À la fin 2011, 32 % des ordures ménagères étaient transportées vers des sites contrôlés gérés par le secteur privé, en hausse par rapport à 2008, où la proportion n’était que de 10 %. Ce chiffre devait s’établir à 62 % à la fin 2012, avec cinq nouveaux centres de gestion des déchets prévus à Casablanca, à Beni Mellal, à Ifrane, à Khouribga et à Safi. En octobre 2012, les entreprises privées se chargeaient de collecter 76 % des déchets solides, contre 44 % en 2008. On estime que les habitants des villes produisent 0,76 kilo de déchets par jour et par personne.
Le groupe français Pizzorno, qui opère au Maroc via sa filiale Segedema, est l’une des entreprises internationales présentes dans ce secteur; il emploie environ 3000 personnes. L’entreprise est présente à la décharge d’Oum Azza, à Rabat, où près de 700.000 tonnes sont traitées chaque année. En 2007, Segedema a signé un contrat pour gérer le site de 100 hectares sur 20 ans.
En plus de ses activités actuelles, qui consistent principalement en la collecte de déchets dans les pôles urbains et le traitement des déchets, l’entreprise française a l’intention de commencer le recyclage et l’exportation de 400 000 tonnes de déchets par an. Ces opérations seront effectuées au centre de recyclage à l’entrée de la décharge d’Oum Azza, où des employés du centre non-régulé d’Akreuch de Rabat ont été recrutés.
En effet, l’un des principaux piliers du PNDM est la régulation de tous les centres de traitement des ordures du pays et la réhabilitation d’environ 300 décharges informelles d’ici à 2015. À ce jour, 21 décharges informelles ont été réhabilitées et 64 sont en cours de réhabilitation.
En plus des ordures ménagères, la décharge d’Oum Azza traite aussi les déchets industriels non-dangereux. Cependant, pour atteindre les objectifs du PNDM et accompagner l’augmentation de l’activité industrielle, les déchets industriels devront être traités en-dehors d’Oum Azza.
Des intervenants étrangers font leur entrée Les intervenants étrangers sont en train de faire leur entrée sur ce marché pour tirer profit de l’augmentation de la demande. En novembre dernier, l’entreprise française Elec-Recyclage, spécialisée dans le recyclage des déchets industriels, s’est établie dans la zone franche de Tanger (TFZ ou ‘Tangier free zone’). Le Français Elec-Recyclage, qui est déjà implanté en Tunisie et aux États-Unis, a investi 35 millions de dirhams (3,13 millions d’euros) dans son usine marocaine à TFZ. L’usine, qui s’étend sur 7000 mètres carré, traitera plusieurs types de déchets industriels, comme les déchets de bois, électroniques, métalliques, et plastiques. Elle collectera ces déchets auprès des industriels, à la fois dans l’enceinte de la TFZ et dans tout le pays, puis elle exportera les produits recyclés. En 2012, l’entreprise a traité plus de 15 000 tonnes de déchets dans le monde.
« Lorsque vous analysez la typologie des déchets au Maroc, 80 % d’entre eux sont organiques, et donc pour ceux-là, on peut faire appel à des technologies comme les digesteurs, qui génèrent de l’énergie et produisent des engrais organiques à partir de ces matériaux », a expliqué Ahmed Baroudi, le directeur général de la Société d’investissements énergétiques, à OBG. « Cela peut contribuer à diminuer de coûteuses importations d’énergie, qui peuvent être remplacées par la réutilisation des déchets de matériaux organiques. » Bien que ce soit un secteur économique comme les autres, le traitement des déchets est toujours fortement sous-exploité au Maroc. Il est toujours largement effectué de manière informelle, et on estime que 10 000 personnes fouillent les poubelles et les décharges à la recherche de produits recyclables. Dans un contexte où le pays cherche à réguler davantage ces activités, beaucoup d’opportunités devraient se présenter aux investisseurs, permettant par la suite au secteur de se développer et encourager une croissance industrielle et démographique plus durable.