Economie

Zone industrielle de Sidi Bernoussi

Entretien avec M. Abdelkader El Mahi
Président de l’association Izdihar

Elu à la présidence de l’association Izdihar, association des opérateurs économiques des zones industrielles de Sidi Bernoussi, depuis un an, M. Abdelkader El Mahi, textilien de son état, compte continuer sur la lancée de son prédécesseur et mener à bon port les projets pris en charge par l’association et qui en alourdissent la responsabilité. De cette zone industrielle, des projets et des perspectives d’avenir nous parle ici le président de l’association.

Œuvrer pour l’introduction d’un système de gouvernance au niveau de la zone industrielle

Entretien

M. El Mahi, en tant qu’opérateur et donc connaisseur de la zone industrielle de Sidi Bernoussi, champ d’action de l’association Izdihar, comment pouvez-vous nous présenter cette Zone ?

Il s’agit en fait de l’une des plus importantes et la plus ancienne aire d’implantation d’entreprises du Maroc. La Zone industrielle de Sidi Bernoussi, à Casablanca s’étend sur plus de 1000 ha et abrite plus de 600 unités industrielles représentant tous les secteurs économiques : textile, chimie parachimie, mécanique et agroalimentaire. Cette zone offre le spectacle paradoxal d’un fourmillement économique avec des entreprises de pointe certifiées et tournées vers l’export et d’infrastructures inexistantes ou en décrépitude, de terrains vagues devenus décharges sauvages de gravats et autres déchets industriels. Sans parler de la présence anachronique de nombreuses poches de bidonvilles, occupés par près de 1020 ménages (près de 7500 personnes au dernier recensement en 2001) qui constituent le principal réservoir de main d’œuvre pour les entreprises manufacturières de la zone.

Et quelles sont les spécificités de cette Zone industrielle ?

Il y a lieu de dire, tout d’abord qu’il s’agit d’une ZI vaste et ancienne. En effet, Si Sidi Bernoussi est concurrencée par une ou deux zone sur la concentration industrielle, elle reste le plus vaste et le plus ancien parc industriel du Maroc. Elle regroupe la plupart des sièges sociaux des plus grosses entreprises du pays. Depuis le redécoupage préfectoral fin 2003, elle ne comprend plus Zenata mais englobe Sidi Moumen, Ahl Loghlam, Karia et Beaulieu. C’est aussi une ZI de fait et non de droit. Ce qui s’explique par le fait que les entreprises s’y sont implantées petit à petit sur des terrains domaniaux à proximité du centre de Casablanca et des axes de communication (port, gare ferroviaire, axes routiers).A cela j’ajouterai l’absence ou le faible équipement en infrastructures publiques (Routes, assainissement, éclairages, sécurité…). ceci s’explique par la présence de bidonvilles. Cette absence est en partie expliquée par le paragraphe ci-dessus. Lors du dernier dénombrement en 2001, il y avait à Sidi Bernoussi dix poches occupées par plus de 1020 ménages soit 7500 personnes. Il s’agit surtout d’employés des entreprises manufacturières de la zone.

Izdihar a lancé des projets structurants pour la mise à niveau de cette Zone, pouvez-vous nous parler de ces différents projets et leurs portées économique et sociale ?

Je ne saurai parler de projet sans présenter celui de mise à niveau énergétique et environnementale. Prévu sur trois années, ce projet est promu par l’association Izdihar, soutenu par la Banque Mondiale et par le Ministère des Affaires Etrangères Français et réalisé par le Bureau Innovation Énergie Développement (IED).IL s’articule autour de trois axes d’intervention à savoir : la mise à niveau sur le plan énergétique et environnemental, d’au moins 70 entreprises industrielles de la zone, la mise à niveau environnementale et sociale de la zone et l’émergence d’une structure de gouvernance de la Zone Industrielle.
Le projet a comme objectifs de permettre aux industriels de la zone de réduire leurs factures d’énergie et de ressources naturelles, de renforcer la capacité des bureaux d’études marocains spécialisés à participer concrètement à la mise à niveau des entreprises en créant un lien de confiance entre les deux parties et d’amener les fournisseurs d’équipements et les installateurs à offrir une garantie de performance des projets développés par l’industriel. Les activités du projet sont centrées sur l’information et la formation des industriels de la zone sur l’importance d’une gestion optimisée de la consommation des fluides (énergie et eau), la réalisation des diagnostics et l’accompagnement de l’industriel sur toutes les phases du projet.

Quels projets ont-ils été entrepris dans le cadre de l’amélioration des infrastructures urbaines de la zone industrielle ?

En concordance avec le plan d’action de l’association, l’amélioration des infrastructures de la zone est un élément crucial dans la mise à niveau de la zone industrielle de Sidi Bernoussi-Zenata. Cette mise à niveau passe par l’amélioration de l’infrastructure d’accueil des entreprises de la zone industrielle via la voirie, la signalisation, (éclairage public, assainissement, et transport en commun) et la gestion des déchets. Pour ce qui est de la voirie, une première campagne a été mené et a concernée le Boulevard Chefchaouni, B et L. Ces boulevards ont été jugé prioritaire au vu de la concentration d’industries qui y est localisé et de l’affluence dont ils bénéficient. Concernant le volet signalisation : un appel d’offre est lancé par l’Association Izdihar avec l’appui financier de la Commission Européenne via le Programme d’Appui aux Associations Professionnelles P.A.A.P.. Ce plan de signalisation permettra l’accès à la zone aux opérateurs économiques en toute facilité et sécurité. Sa simplicité permettra sa compréhension par l’ensemble des visiteurs de la zone ainsi que par tous les partenaires d’Izdihar aussi bien nationaux qu’étrangers. D’autre part, la gestion actuelle des déchets souffre de plus d’une insuffisance : multiplicité des organismes intervenants, dilution des responsabilités des producteurs des différents types de déchets, absence de normes et de moyens de contrôle au niveau des différentes étapes par lesquelles passent les déchets solides et absence d’une ligne budgétaire spécifique à la gestion des déchets au niveau des collectivités locales. L’insuffisance des services de collecte, du nettoiement et de l’élimination des déchets solides ainsi que la prolifération des décharges sauvages incontrôlées par la collectivité participent aussi amplement à la complication de cette problématique qui ne cesse de constituer une menace de plus en plus croissante pour la société marocaine (Direction de la réglementation et du Contrôle, 1999). Même les sociétés intéressées par une élimination des déchets respectueuses de l’environnement n’ont pas la possibilité de le faire en l’absence de décharges appropriées. L’association travaille ainsi à déterminer de nouvelles alternatives et à les proposer aux industriels, notamment, la réalisation d’une banque de données sur les déchets. Cette banque va nous permettre d’établir un système de récupération et de recyclage interne dans la zone. C’est-à-dire que nous serons aptes à acheminer les déchets d’un industriel vers un autre qui pourra s’en servir comme matière première. Nous proposerons également aux industriels des techniques de destruction propre de leurs déchets. Pour ce faire, nous sommes en contact avec les cimentiers, œuvrant au Maroc, pour qu’ils mettent à la disposition des entreprises leurs fours à haute température qui permettraient l’incinération et la destruction totale des déchets introduits. Cette pratique est gagnante tant pour les industriels que pour les cimentiers, qui en retirent une valeur calorifique importante. Pour terminer, la promotion des différentes options de gestion des déchets est l’une de nos préoccupations. Nous désirons mettre en relation les entreprises ayant les mêmes types de rejets, pour qu’elles puissent unir leurs efforts pour disposer de leurs déchets industriels et ainsi diminuer les coûts logistiques. Cette pratique aura également l’avantage d’avoir un pouvoir de négociation plus fort auprès des recycleurs (ex. : plastiques, huiles usées et cartons).

Le projet de recasement des bidonvilles de la zone industrielle de Sidi Bernoussi demeure un vrai défi tant pour les autorités que pour l’association qui en est le maître d’ouvrage. Qu’en est-il réellement de ce projet et quels en sont les vrais avatars ?

En parlant de bidonvilles, il faut préciser qu’il s’agit d’un contexte particulier à traiter selon une démarche adaptée. En effet, la Zone Industrielle de Sidi Bernoussi abrite dix bidonvilles qui ont été identifiés. Ceux-ci constituent, du point de vue des industriels, une entrave à l’expansion de leurs activités. La plupart de ces bidonvilles datent de la période du protectorat. Le caractère privé des terrains sur lesquels ils sont établis, longeant souvent de manière extraordinaire les unités industrielles et la précarité des conditions d’habitat semblent à priori donner raison aux industriels qui souhaitent leur déménagement. En référence aux chiffres du Recensement de 1992, ce confinement des bidonvilles à la limite des installations industrielles est probablement une contrainte à l’expansion géographique de ceux-ci ; même si l’on relève des écarts légers en ce qui concerne le nombre estimatif de ménages (un millier) et la  » naissance  » de deux bidonvilles, certes de faibles tailles, Joseph 2 (Jouhala) et Bouhrim.
Toutefois, certains habitants, en l’occurrence les ouvriers de la Zone, revendiquent le droit à la propriété comme  » retraite méritée  » auprès des industriels. Des équipements sociaux leurs sont accessibles, plutôt gratuitement (eau potable, électricité, etc.), obtenu par des branchements clandestins ou mis à disposition par la Commune, légitimant d’une certaine manière la situation actuelle. En terme de logement alternatif, en l’absence de solutions accessibles aux conditions socioéconomiques des bidonvillois et de mécanismes de concertation transparents, le statu quo demeure et une certaine cohabitation faussement pacifique règne entre le millier de ménages bidonvillois répertorié, les industriels de la Zone, les élus locaux et les Autorités.
En 2000-2001, un projet mené conjointement par la Banque Mondiale (par le biais du bureau d’études français IED) et l’association des industriels de la zone (IZDIHAR) a permis de démontrer qu’il est possible d’articuler les besoins de rentabilité du secteur privé avec des soucis sociaux et environnementaux d’une communauté.
La réalisation d’une enquête socio-économique a permis de lancer les bases d’une identification concertée de la solution de résorption des bidonvilles avec une implication active de la population issue des bidonvilles de la Zone industrielle de Sidi Bernoussi. Début 2002, la gestion du foncier a été déléguée du niveau central à l’autorité des Walis. Cette situation permet de faciliter très grandement les démarches administratives liées à une option de relogement sur un terrain viabilisé, pour peu que la question du relogement des habitants des bidonvilles par cette approche soit une priorité pour le Wali. Bien évidemment, une telle démarche, étant donné sa lourdeur, ne peut se concevoir pour un bidonville d’une vingtaine de ménages, mais doit concerner l’ensemble des habitants de la zone. Avec l’appui inconditionnelle de la Préfecture de Sidi Bernoussi, les investigations d’identification d’un terrain sur lequel des lotissements seraient réalisables ont permis le choix d’un terrain domanial d’environ vingt trois hectares et demi (TF 8013C, TF. 15 606 C et TF. 15 639 C d’une superficie totale de 235 277 m²). Lorsque le lotissement sera réalisé, il permettra d’offrir plus de 400 lots équipés. Pour pouvoir accommoder les quelques 1000 ménages concernés dans la zone industrielle, l’option des lots par zribas a été envisagée, ce qui a l’avantage de permettre d’assurer le relogement de la quasi-totalité des ménages concernés et de réduire le coût unitaire d’équipement par ménage.
L’analyse des expériences de relogement réalisées dans la plupart des villes marocaines révèle une forte percée de la valorisation des lots en procédant par association entre les attributaires (habitants des bidonvilles) et des associés non-attributaires. Cette forme de valorisation se solde par deux résultats forts intéressants à savoir : une baisse du taux de glissement (revente des lots par les attributaires initiaux) et une augmentation de l’offre en logement. Son aboutissement est toutefois tributaire de la satisfaction de certaines conditions qui relèvent des domaines du foncier, du financement et de la maîtrise d’ouvrage. L’utilisation du terrain domanial pour la réalisation du projet pose une série de problèmes dont notamment ceux de la situation, de la superficie, de l’affectation, et de l’acquisition. La localisation du terrain support de l’opération de relogement est importante du point de vue de devenir et du degré d’intégration urbaine de la population concernée. Or, étant donné qu’une partie des actifs de cette population est occupée directement ou indirectement par la zone industrielle, il conviendrait de prendre en considération la variable distance dans le choix du terrain (ou des terrains) destiné (s) au relogement. L’expérience des opérations réalisées à Casablanca ou ailleurs, montre que les relogements partiels se soldent généralement par des échecs en raison du renouvellement immédiat des baraques ayant fait l’objet de relogement. Il s’agit là d’une réalité très connue par les opérateurs qui ont été amené à adopter la stratégie de faire de la distribution des lots et de l’évacuation de la totalité des baraques des opérations concomitantes. Comme le support foncier de l’opération est du type domaniale, il est impératif de procéder à la vérification de l’affectation prévue par le plan d’aménagement et l’engagement, le cas échéant, de la procédure dérogatoire. Elle était auparavant d’une lourdeur rédhibitoire, obstacle qui semblerait beaucoup moins incontournable aujourd’hui avec la décentralisation des responsabilités. Parallèlement aux démarches relatives à l’affectation, la question de l’acquisition doit être réglée dans les meilleurs délais tant en ce qui concerne la mutation de la propriété que du point de vue du prix. Ces deux aspects ont une grande influence sur le coût final et sur les possibilités de contracter des prêts. Le montage sera multipartite et impliquera les foyers bénéficiaires, les Entreprises propriétaires des terrains occupés, le Fond Hassan II, le Conseil Régional du Grand Casablanca et le Ministère de l’habitat. L’association est le maître d’ouvrage dans l’opération. Il veillera à coordonner l’opération, à rechercher des sources de financement, à s’assurer que l’ensemble de l’opération puisse être réalisé dans les règles de l’art et obtenir en bout de ligne que chaque partie (industriels et bidonvillois) soit pleinement satisfaite du résultat. Dans un premier temps, il a été décidé de donner la priorité aux douars situés sur les terrains des industriels disposés à participer financièrement à l’opération. De plus, il est tenu compte du fait des problèmes de circulation causés par l’emplacement de ces derniers. Compte tenu des éléments du contexte, l’association Izdihar paraît la mieux indiquée pour assumer la mission de maîtrise d’ouvrage et s’attaquer à la structuration du programme de relogement. Elle est l’émanation des entreprises, elle a la confiance des autorités et elle présente la souplesse nécessaire à la réussite de ce genre d’opérations.

Propos recueillis par
A. Dades & M. Moudarir

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