Energie

Mieux Connaître l’Option Electronucléaire…

Choix Energétiques Durables

Par Oum Keltoum Bouhelal (*)

En matière d’approvisionnement énergétique, les débats tout azimuts stipulent l’ouverture des diverses options : fossiles, fissiles et renouvelables. Pour le Maroc, les besoins annuels en électricité pour les vingt années à venir nécessitent des équipements additionnels dont la puissance devrait totaliser plusieurs milliers de MW : il est donc possible d’introduire l’électronucléaire dans le mix énergétique. Sur un plan global, les choix stratégiques qui s’imposent pour faire face à la  croissance de la demande énergétique mondiale, au vieillissement des équipements de production et au délicat problème du risque climatique lié à l’effet de serre pourront conduire à restaurer la confiance des sociétés contemporaines à l’égard du nucléaire.

Dans les pays industrialisés qui maîtrisent la technologie nucléaire , tels que la France, les USA, le Japon, la Russie, le Royaume Uni, la Corée du Sud, l’Allemagne et le Canada, plusieurs travaux publiés révèlent que le nucléaire reste une solution compétitive : ces pays disposent de ressources techniques, institutionnelles et financières suffisantes pour réussir un programme électronucléaire dont la poursuite peut leur offrir par ailleurs des opportunités non négligeables, à savoir une indépendance technologique énergétique appréciable entraînant une forte motivation pour la préservation de la connaissance et du savoir-faire nucléaire et scientifique de manière générale, et ceci en marge de l’objectif initial de considérations liées à la compétitivité économique.

S’il est démontré que l’électronucléaire est de fait économiquement rentable pour ces pays, en particulier pour satisfaire une demande électrique en base qui constitue un pilier dans la fondation d’une politique énergétique maîtrisée, l’introduction d’une première centrale électronucléaire dans un pays moyennement développé se heurte au défi posé par l’ampleur des investissements nécessités et par des exigences de sûreté de plus en plus élevées .
En conséquence, il est indispensable de s’acheminer vers un processus d’apprentissage laborieux privilégiant le partenariat scientifique et la recherche de moyens de maximiser la participation de l’industrie nationale dans un objectif de se doter d’instruments utiles au travail de prospective énergétique et d’aide dans la stratégie nationale en matière de choix d’investissement énergétiques impliquant le long terme.
Sans ce processus d’apprentissage, les barrières posées par les garanties de sûreté élevée , la gestion du combustible usé qui se pose forcément là où est implantée une centrale nucléaire, les niveaux de risque en particulier lorsqu’il s’agit de recourir à des réacteurs de grande taille et à des réacteurs de nouvelles générations, et enfin le poids du point de vue du spécialiste et celui du public, déterminants dans la réussite de tels projets, peuvent sérieusement entraver la mise en route d’un chantier électronucléaire et occasionner une succession de retards et de coûts supplémentaires pénalisant le développement du secteur énergétique.

En se basant sur l’évaluation des acquis accumulés au niveau national par les différentes institutions en charge de programmes et d’activités nucléaires, le processus d’apprentissage devra déterminer le bénéfice ou non d’un programme électronucléaire et examiner les risques associés dans le contexte du mix-énergie où toutes les options sont ouvertes et où les réformes du secteur  énergétique sont prises en considération:
Risque économique et financier, notamment en rapport avec le poids des nouveaux investissements dans la balance commerciale,
Risque industriel, en particulier lié à l’effet d’une forte variation des prix des matières premières,
Risque social, tel que l’acceptation de nouvelles technologies,
Risque environnemental, au niveau des coûts additionnels occasionnés
La diversité des disciplines invoquées pour traiter de telles questions et anticiper sur les besoins futures des industriels en terme de ressources humaines et de compétences invitent à élaborer des programmes scientifiques harmonisés associant les enseignants, les chercheurs et les industriels. En effet, les références de grandes installations industrielles de types nucléaire données par les marchés internationaux, bien que pouvant satisfaire des contraintes au plan opératoire et présenter une expertise éprouvée, ne sont pas suffisantes pour dire si un pays caractérisé par un niveau industriel et un réseau électrique de tailles intermédiaires peut lancer avec succès un programme électronucléaire.

Une stratégie de mise en place d’un tel programme de formation et de R&D, fédérateur et multidisciplinaire, pourra contribuer à apporter de nouvelles avancées dans la démarche de la politique énergétique nationale qui de fait a toujours intégré l’électronucléaire en terme d’option ouverte pour les besoins du long terme. L’importance des décisions du court terme sur les choix énergétique du long terme, très spécifique au secteur électrique, renforce l’idée qu’un tel apprentissage devrait incorporer une coopération internationale adéquate en vue de développer des procédures participatives autour desquelles le partage de la connaissance d’une part , et l’analyse des problèmes sur l’avenir du secteur énergétique d’autre part, pourront donner lieu à une meilleure visibilité du choix électronucléaire. Des réponses aux spécialistes et au public pourront être apportées en matière d’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, en conformité avec les standards réglementaires internationaux.

Figure 1. Evolution Passée et Future de la Capacité Nucléaire Installée dans le Monde
Source : S. David CNRS-France

Fig.2 : Contexte Energétique Présent et Futur

(*)Professeur à L’ENIM

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