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Quelle relation entre Agriculture et Changement Climatique ?

Les émissions de gaz à effet de serre du Maroc continuent d’augmenter (Figure 1), à un moment où elles doivent baisser rapidement.
Pour réduire efficacement les émissions et faire face aux défis de la transition énergétique [1, 2], nous devons d’abord savoir d’où les émissions viennent et quels secteurs y contribuent le plus. Dans cet article, nous allons se focaliser sur le secteur d’agriculture.

Figure 1 : Émissions de dioxyde de carbone (CO2) par habitant, provenant des combustibles fossiles et de l’industrie. Le changement d’affectation des sols n’est pas inclus. Source : Our World in Data.

En effet, l’agriculture est liée au changement climatique de trois manières.
Premièrement, l’agriculture et l’utilisation des terres contribuent au réchauffement climatique car elles émettent 18.4% des gaz à effet de serre mondiaux [3], et représentent le 3ème secteur le plus émetteur au Maroc (Figure 2). Elles émettent du méthane (CH4) provenant par exemple de l’élevage, des flatulences des ruminants, et certaines cultures comme le riz ; du protoxyde d’azote (N2O) provenant principalement de l’application d’engrais azotés ; et du dioxyde de carbone (CO2) via l’utilisation de carburants pour les machines et certaines pratiques comme les feux de savane [4].

Ensuite, l’agriculture subit les conséquences.
En effet, l’augmentation des sécheresses et des inondations [5, 6, 7] contribue, avec l’utilisation des pesticides, à fragiliser les sols, ce qui accélère l’érosion. En conséquence, les sols perdent une partie du carbone nécessaire à leur fertilité. C’est la désertification [8]. Des surfaces sont menacées par ce phénomène et sont donc moins productives.

La hausse des températures quant à elle modifie la répartition géographique des espèces végétales et animales. Elle favorise également le développement de maladies, de manière si rapide que les cultures n’ont pas le temps de s’adapter, ce qui entraîne une réduction des rendements [9]. L’agriculture doit donc en plus d’atténuer le réchauffement climatique s’adapter à ces changements [10]. Pour cela, il existe des solutions naturelles, on parle d’agroécologie [11]. Pour améliorer la fertilité des sols et les rendre plus résistants à l’érosion, il faut les ré-enrichir en carbone. Cela peut se faire directement grâce à du compost ou du fumier et indirectement grâce au développement des prairies ou à la plantation d’arbres et de haies qui absorbent le CO2 dans l’atmosphère, le stocke et le transforme en carbone. Pour permettre aux cultures de pousser plus facilement et d’éviter l’usage d’engrais azotés, il est possible de planter des légumineuses qui permettent de fixer l’azote de l’air dans le sol. De nombreuses variétés peuvent être cultivées pour les rendre plus résistantes au changement climatique.

Figure 2 : Émissions de gaz à effet de serre par secteur, au Maroc en 2019. Les émissions sont mesurées en équivalents dioxyde de carbone (CO2eq). Source : Our World in Data.

Ainsi, si une des variétés est attaquée par un ravageur, par exemple, d’autres cultures peuvent compenser les pertes associées [8, 9, 11]. Il ressort clairement de la Figure 2 qu’un nombre de secteurs contribuent aux émissions du Maroc. Cela signifie qu’il n’y a pas de solution unique ou simple pour lutter contre le changement climatique. Se concentrer uniquement sur l’électricité, les transports, ou la déforestation ne suffit pas.
Il n’y a pas non plus de solution miracle dans le secteur de l’énergie. Même si l’approvisionnement en électricité pouvait être complètement décarbonné, la climatisation/le chauffage et les transports routiers devraient tous être électrifiés. Et nous aurions encore à gérer les émissions du transport maritime et de l’aviation, pour lesquelles les technologies à faibles émissions de carbone ne sont pas encore disponibles (si l’on exclut les discussions sur l’hydrogène, et le captage et stockage du carbone).

Atteindre zéro émission nette nécessite de l’innovation dans de nombreux domaines. Les solutions uniques ne nous y mèneront pas. Une des techniques pour faire face au changement climatique dans les secteurs qui contribuent majoritairement à l’émission de gaz à effet de serre (énergie, transport, agriculture) (Figure 2) est de développer l’agrivoltaïsme, qui lie la production d’énergie renouvelable, les activités agricoles et d’élevage, et permet d’alimenter des véhicules électriques [12].

En effet, l’agrivoltaïque est l’énergie générée par des panneaux solaires situés sur le même terrain utilisé pour la production agricole. En d’autres termes, les panneaux solaires coexistent avec les cultures sur la même surface, et leur apportent de l’ombre, les protégeant ainsi des effets de la chaleur, du froid ou de fortes pluies [12]. Par conséquent, la demande énergétique des terres agricoles peut être satisfaite par l’électricité produite par des panneaux solaires. Les supports fixes peuvent être utilisés pour installer des panneaux solaires à une hauteur permettant de déplacer l’équipement agricole entre les cultures ou de les monter sur le toit d’une serre [12].

Les principaux avantages de la mise en oeuvre de ces systèmes se situent au niveau environnemental en raison de leur impact sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et sur l’optimisation de l’utilisation de terres arables de plus en plus rares. Cependant, l’ombrage des panneaux affecte la productivité de certaines plantes, il convient donc de choisir des plantes plus résistantes et moins dépendantes de la lumière du soleil [12].

Références
[1]: Ayat-Allah Bouramdane. “Minéraux de la Transition Énergétique : Criticité Géologique, Géostratégique et Environnementale”. In: énergie/mines (2023). DOI: 10.5281/zenodo.7594617.
[2]: Ayat-Allah Bouramdane. “Mix Électrique Marocain : Défis Face à l’Urgence Climatique”. In: énergie/mines (2022). DOI: 10.5281/zenodo.7594427.
[3]: Climate watch, the World Resources Institute (2020).
[4]: Bretscher, Daniel et al. “Emissions de Gaz à Effet de Serre dans l’Agriculture et la Filière Alimentaire en Suiss.” Agrarforschung Schweiz 5 (2014): 458-465.
[5]: A-A. Bouramdane. “Assessment of CMIP6 Multi-Model Projections Worldwide: Which Regions Are Getting Warmer and Are Going Through a Drought in Africa and Morocco? What Changes from CMIP5 to CMIP6?” In: Sustainability 15 (2023), p. 690. DOI: 10. 3390/su15010690
[6]: Ayat-Allah Bouramdane. “Chaleur Caniculaire, Incendies Gigantesques à Répétition: Des Signes du Changement Climatique?” In: énergie/mines (2022). DOI: 10.5281/zenodo.7594264.
[7] Ayat-Allah Bouramdane. “Sécheresse: L’extrême Va-t-il Progressivement Devenir la Norme?” In: énergie/mines 2022, DOI: 10.5281/zenodo.7594311.
[8]: Shukla, Priyadarshi et al. “Climate Change and Land: An IPCC Special Report on Climate Change, Desertification, Land Degradation, Sustainable Land Management, Food Security, and Greenhouse Gas Fluxes in Terrestrial Ecosystems.” (2019).
[9]: Louise. “Agriculture et Changement Climatique – FIAN Belgium.” (2020).

[10]: Ayat-Allah Bouramdane. “Pourquoi l’Atténuation et l’Adaptation aux Changements Climatiques sont Complémentaires ?” In: énergie/mines (2022). DOI: 10.5281/zenodo.7594404.
[11]: Pouteau, Sylvie. “Intelligences Végétales, Entre Agro-Écologie et Agriculture Numérique.” Le design de l’« intelligence artificielle » à l’épreuve du vivant (2020): n. pag.
[12]: Ayat-Allah Bouramdane. “Agrivoltaïque, De Quoi Parle-t-on Au Juste?” In: énergie/mines (2022). DOI: 10.5281/zenodo.7594342.

Ayat-allah Bouramdane (PhD)
Ingénieure-chercheure dans le domaine des énergies renouvelables, flexibilité d’énergie (ex., stockage) et variabilité/changement climatique.

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