Environnement

Pour une meilleure gestion des déchets des chantiers de construction et de bâtiments

* Par Rabie ELKHAMLICHI
Ingénieur d´Etat et chercheur en économie d´énergie

La prévention des ressources naturelles et le respect de l’environnement sont parmi les axes principaux de toute stratégie de développement durable, qui est le seul modèle de développement viable. Dans cette optique, la gestion de déchets au Maroc n’est plus une problématique secondaire, surtout avec l’augmentation de la quantité de ses déchets qui ne cessent de s’accentuer avec la croissance régulière du nombre d’habitants et l’amélioration du niveau de vie.
Plus spécifiquement, les déchets du secteur du bâtiment et des travaux publics présentent un grand problème qu’affrontent les professionnels du secteur au quotidien, surtout avec les chantiers de constructions qui ne cessent de se développer à travers tout le territoire national. Dans cet article, on va mettre le focus, dans un premier temps, sur les déchets de construction, ses types et ses caractéristiques, et dans un deuxième temps sur les méthodes et les techniques de gestion de ces déchets.

Qu’elles sont les déchets de chantiers de la construction ?

Les déchets sont définis par la loi 28-00 relative à la gestion et à l’élimination des déchets comme suit : «Tous résidus résultant d’un processus d’extraction, exploitation, transformation, production, consommation, utilisation, contrôle ou filtration, et d’une manière générale, tout objet et matière abandonné ou que le détenteur doit éliminer pour ne pas porter atteinte à la santé, à la salubrité publique et à l’environnement».
Le Maroc produit un peu plus de 20 000 tonnes de déchets par jour, dont 69% sont produites en milieu urbain dont une grande partie est déversée dans la nature.
Le prix de mauvaise gestion des déchets a été estimé en 2000 à prés de 1,7 milliard de dirhams, soit 0,5 % du PIB.

L´évolution de la production des déchets au Maroc en Tonne par Jour

Concernant les déchets de constructions et d’industrie, on constate qu’il y a une évolution continue en pourcentage par rapport au deux autres catégories des déchets. En effet :
Évolution des déchets ménagers, construction et industriels et médicaux entre 2005 et perspective 2010:

Pour les déchets de construction, on peut les classer selon leurs origines en deux types: les déchets provenant de bâtiment et celles provenant des travaux publiques. Ses déchets découlent généralement des travaux de construction et d’aménagement, travaux d’infrastructure du génie civil, travaux d’infrastructure de transport, rénovation et réhabilitation et démolition.
Dans tout les cas de figure, on peut distinguer dans les déchets de construction entre les trois catégories suivantes :

Les déchets inertes de matériaux de construction :
Béton, briques, tuiles et céramiques (et bétons revêtus de colles amiantées),
Mélanges de béton, tuiles et céramiques (ne contenant pas de substances dangereuses),
Verre (ne contenant pas de substances dangereuses),
Mélanges bitumineux ne contenant pas de goudrons,
Terres et cailloux, boues de dragage et ballast de voie (ne contenant pas de substances dangereuses),
Matériaux minéraux d’isolation : laine de verre, de roche et de laitier, verre expansé,
Matériaux de construction à base de gypse (ne contenant pas de substances dangereuses) : carreaux de plâtre, plaques de plâtre, enduit plâtre,
Déchets de construction et de démolition qui ne contient pas de substances dangereuses et ne contenant que des déchets minéraux.

Les déchets non dangereux et non inertes (Déchets Industriel Banals) :
Bois, matières plastiques (ne contenant pas de substances dangereuses), menuiseries, revêtements de sol et canalisations PVC,
Métaux (y compris leurs alliages) et câbles ne contenant pas de substances dangereuses,
Matériaux non minéraux d’isolation ne contenant ni amiante ni substances dangereuses : polystyrène expansé, polyuréthane,
Déchets de construction et de démolition en mélange avec des déchets non minéraux, ne contenant pas de substances dangereuses,
Déchets de peintures et vernis ne contenant ni solvants organiques, ni substances dangereuses,
Déchets de produits de revêtement en poudre,
Déchets de colles et mastics ne contenant ni solvants organiques, ni substances dangereuses,
Emballages en papier/carton, en matières plastiques, en bois, métalliques, composites, en verre, textiles et emballages en mélange (ne contenant pas de substances dangereuses),
Absorbants, matériaux filtrants, chiffons d’essuyage et vêtements de protection non contaminés par des substances dangereuses,
Piles alcalines sans mercure et piles et accumulateurs sans plomb, sans nickel, sans cadmium.

3-Les déchets dangereux :
Déchets de matériaux de construction contenant des substances dangereuses,
Produits de revêtement (peintures, vernis) contenant des substances dangereuses,
Emballages, absorbants, chiffons d’essuyage, matériaux filtrants contenant des résidus de substances dangereuses ou contaminés,
Huiles et combustibles liquides usagés,
Déchets provenant d’équipements électriques et électroniques,
Déchets d’explosifs (autres que munitions et feux d’artifice),
Piles et accumulateurs,
Déchets assimilés aux déchets municipaux.

Comment les professionnels peuvent aider à une bonne gestion de leur déchets de construction ?

La bonne gestion des déchets est une responsabilité partagée entre le mettre d’ouvre et les sociétés travaillantes dans le chantier. Ainsi, les intervenants dans le chantier doivent prendre en considération des mesures lors de lancement des appels d’offre, lors de la rédaction des contrats ainsi que lors de l’exécution des travaux de chantier.
Lors de la rédaction des appels d’offres :
L’élimination des déchets à un coût qui doit être pris en compte par les maîtres d’ouvrage qui doivent respecter les recommandations et les normes en vigueur. À titre d’exemple, en France il y a la recommandation T2-2000 de janvier 2001 pour les maîtres d’ouvrage publics et la norme P03-001 dans sa version de décembre 2000 pour les maîtres d’ouvrage privés. Ces deux documents déconseillent la mise en place d’un lot « déchets » et préconisent de décrire la prestation « élimination des déchets » dans chaque lot.

Lors de la réponse aux appels d’offres :
Le producteur de déchets est responsable de l’élimination de ses déchets. C’est en règle générale le cas de l’entrepreneur avec le jeu des contrats.
Il est toutefois recommandé que la gestion des déchets soit détaillée dans les réponses des entreprises aux appels d’offre. De même, il est de la responsabilité du maître d’ouvrage d’inclure des éléments concernant la gestion des déchets dans ses marchés.
Il est recommandé de procéder en quatre temps :
– Estimer les quantités de déchets produits par nature (déchets dangereux, déchets non dangereux et non inertes, emballages, déchets inertes),
– Consulter le plan d’élimination des déchets du BTP du département dans lequel se trouve le chantier pour trouver les sites de traitement, de stockage ou de recyclage susceptibles d’accueillir les déchets estimés, en privilégiant le principe de proximité,
– Prévoir les coûts d’élimination des déchets en fonction de la nature des déchets et des sites d’élimination,
– Reporter les coûts d’élimination sur une ligne « élimination des déchets ».

Pendant le chantier :
Lors de l’exécution des travaux, il faut éviter de mélanger les déchets suivants : déchets dangereux, déchets non dangereux et non inertes (les déchets industriels banals). De même, il faut garder une trace écrite de l’évacuation des déchets (bordereau de suivi, bons de décharge, …). Aussi, les entreprises ouvrantes dans le chantier doivent respecter quelques règles. Dans ce qui suit, les consignes suivantes sont fortement souhaitées et même exigées :
1). Produire le moins possible de déchets.
2).Trier les déchets par catégorie pour permettre leur recyclage et limiter les coûts d’élimination.
3). Stocker les déchets à l’abri des intempéries pour prévenir tout risque de pollution.
4). Ne mélanger pas les déchets toxiques liquides s’ils ont des caractéristiques différentes, car ceci augmente le coût de traitement.
5). Utiliser les produits les moins dangereux possibles et préférez les produits avec le marquage CE et la marque  » NF Environnement « .
6). Demander aux fournisseurs des livraisons de matériaux ne générant pas de déchets et ne nécessitant pas de suremballage.
7). Faire jouer la concurrence entre divers collecteurs de déchets.
8). Pour les déchets spéciaux, il faut faire appel à des opérateurs spécialisés.
Par contre, lors d´exécution il faut éviter les pratiques suivantes :
– Brûler les déchets à l’air libre ou dans une installation non autorisée,
– Remettre les déchets dangereux à la collecte des ordures ménagères,
– Mélanger les déchets dangereux avec d’autres déchets,
– Abandonner les déchets en décharge sauvage ou en bordure de route,
– Rejeter les déchets à l’égout ou dans le milieu naturel,
– Organiser le stockage privé de déchets en dehors des zones autorisés,
– Enfouir les déchets dans les tranchées de chantier.

Destinations possibles pour les déchets des constructions
Pour être en harmonie avec le devoir de respect de l’environnement, chaque déchet doit suivre un traitement convenable à sa nature. Dans ce qui suit quelques propositions sur les distinations possibles des déchets, selon ses catégories et ses natures :

Pour les déchets inertes de matériaux de construction :

Nature du déchet

Destinations possibles

Béton, ciment, parpaing, pierre, marbre, grès, ardoise, céramique, carrelage, tuile, brique,…

Réemploi, utilisation en remblais, recyclage (fabrication de granulats), stockage en décharge autorisée

Matériaux d’isolation (laine de verre, laine de roche)
Réutilisation, recyclage, stockage en décharge autorisée

Terre et matériaux de terrassement

Réutilisation sur place en remblais et les terres ne doivent pas être souillées.

1-Pour les déchets industriels banals :

Nature du déchet

Destinations possibles

Béton armé 
Recyclage
Bois non traités ou non peints par un produit contenant une substance toxique
Réemploi, recyclage (compostage, fabrication de panneaux de particules ou d’agglomérés) ou utilisation comme combustible dans les chaufferies à bois
Bois d’ouvrage (comprenant de la colle, des produits de finition ou de préservation)

Recyclage, incinération avec récupération d’énergie en centre spécialisé, stockage en décharge autorisée (CET classe 2)
Colles animales (caséine) et végétales (cellulose)

Incinération avec récupération d’énergie en centre spécialisé, stockage en décharge autorisée (CET de classe 2)
Déchets verts (souches d’arbres…) 
Recyclage (compostage)
Emballages non souillés en carton, en papier, en plastique
– Réutilisation, recyclage ou incinération avec récupération d’énergie en centre spécialisé
– Obligation de valoriser les déchets d’emballages

Métaux (ferraille, plomb, cuivre, zinc…)

– Recyclage
– Séparer les métaux ferreux des non ferreux

Matières plastiques (PE, PET, PSE, PVC,…)

– Réemploi, recyclage ou incinération avec récupération d’énergie en centre spécialisé
– Brûler des plastiques peut dégager des gaz nocifs pour la santé (vapeurs d’acide chlorhydrique)

Plâtre et autres matériaux contenant une fraction de plâtre

– Recyclage (fabrication de gypse), stockage en décharge autorisée (CET en alvéole spécifique de classe 3 ou de classe 2)
– Le plâtre n’est pas un déchet inerte notamment du fait de son instabilité à l’eau.

Verre (bouteilles, débris…)
Réemploi, recyclage (fabrication de calcin)

Pour les déchets dangereux :

Nature du déchet

Destinations possibles

Amiante ciment

– Stockage en décharge autorisée
– L’inhalation des fibres d’amiante est dangereuse pour la santé (cancérigène).

Biocides, pesticides,…

– Incinération en centre spécialisé.
– Toxiques pour l’homme même à faibles doses et agressifs pour les réseaux d’assainissement : ne pas rejeter aux égouts

Bois traités spécifiquement utilisés en extérieur

– Incinération avec récupération d’énergie en centre spécialisé ou stockage en décharge autorisée
– Emission de fumées toxiques en cas d’incinération dans une installation non spécifique

Emballages souillés

– Incinération avec récupération d’énergie en centre spécialisé
– Certains bidons peuvent être réutilisés après nettoyage en unité spécialisée

Mélange eau / monopropylène glycol

– Evapo-incinération en centre spécialisé
– Agressifs pour l’homme et pour les réseaux d’assainissement : ne pas rejeter aux égouts

Produits de synthèse tels que matières adhésives, silicone,…

– Incinération avec récupération d’énergie en centre spécialisé
– Risque d’irritation pour les voies respiratoires

Résidus de peintures, vernis, solvants, produits de traitement

– Réemploi, régénération ou incinération avec récupération d’énergie en centre spécialisé
– Les solvants émettent des vapeurs irritantes pour les muqueuses, voire cancérigènes, et corrosives pour les métaux

Suies

– Stockage en décharge autorisée.

En guise de conclusion, il faut rappeler que pour combler le vide juridique dans le domaine de la gestion des déchets et leur évacuation et afin d’adapter la législation nationale aux conventions internationales ratifiées par le Maroc stipulant la nécessité d’une gestion rationnelle des déchets qui soit compatible avec l’impératif de la protection de l’environnement, dans ce cadre le gouvernement marocaine à adapter depuis 2000 une loi sur l’environnement (le projet de loi 28-00). Par ailleurs, on constate toujours l’absence de structures régionales de gestion des déchets, la domination de la récupération informelle des déchets et surtout l’absence de normes et de standards en matière de contrôle dans le domaine de la collecte, du transport, du traitement et de l’élimination des déchets.
Ainsi, il faut absolument renforcer le cadre juridique et institutionnel concernant la gestion de déchets en général, la gestion des déchets de construction et de batiment en particulier, et d’assurer un appui financier et technique ou professionnels de secteur, a fin de les encourager pour la collecte et la valorisation de déchets inertes et de leurs permettre d’instaurer une réelle conscience et une véritable stratégie rationnelle de gestion de leurs déchets.

1 Source: rapport de la Banque mondiale n°25992-MOR, Évaluation du coût de la dégradation de l’environnement au Maroc, 30juin 2003. (Année de référence : 2000)
2 Source : Département de l’environnement, Royaume du Maroc.
3 Source: Département de l’environnement, Royaume du Maroc.

Montrer plus

Articles connexes

Close