Environnement

lieux les plus sensibles au changement climatique nécessitant des mesures d’atténuation et d’adaptation

Bien que le changement climatique soit un problème intrinsèquement mondial, ses impacts multidimensionnels [1] ne se feront pas sentir de la même manière dans toutes les régions du monde. Chaque continent, pays et région sera affecté différemment ; et certains seront plus touchés que d’autres pour plusieurs raisons telles que la géographie et le faible revenu [2, 3].

Par exemple, bien que de nombreux pays africains aient le moins contribué à cette préoccupation mondiale, ils devraient être les plus touchés en raison de leur faible capacité économique à se procurer les biens et les services nécessaires pour se remettre des effets du changement climatique [3, 4].

Compte tenu de la vulnérabilité de l’Afrique et en particulier du Maroc—dont l’objectif conditionnel, qui sera atteint avec l’aide internationale, est jugé « presque suffisant » mais n’est pas encore conforme avec l’objectif de l’Accord de Paris [1, 5]—, l’identification des zones vulnérables au changement climatique (ex., vagues de chaleur, sécheresse ou inondations) [6, 7] est essentielle pour bien planifier l’atténuation du réchauffement climatique et renforcer notre capacité d’adaptation pour y répondre efficacement [8-11].

Les gouvernements ne sont pas les seuls acteurs chargés de réduire la vulnérabilité et de mettre en œuvre les plans d’adaptation. En raison de la gravité du changement climatique, les acteurs publics et privés doivent collaborer pour réduire la vulnérabilité et s’adapter aux répercussions. Cependant, toutes les parties prenantes ne sont pas conscientes des zones vulnérables et des mesures qu’elles peuvent prendre pour prévenir de manière proactive le changement climatique et s’y adapter.

Les données des modèles climatiques de la phase 6 du projet d’inter-comparaison de modèles couplés (CMIP6) sont utilisées dans ce contexte pour évaluer les futurs changements de température et de précipitations dans le monde, et en particulier en Afrique et au Maroc [2, 3].
Trois scénarios de trajectoire socio-économique partagée (Shared Socio-economic Pathway, SSP)— SSP1-2.6 (i.e., voie d’émission qui permettrait de contenir le réchauffement à 1.5-2°C), SSP2-4.5 (i.e., scénario dans lequel chaque pays atteint ses objectifs et engagements actuels dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat), SSP5-8.5 (i.e., scénario dans lequel aucune politique climatique n’est mise en œuvre)— décrivant diverses émissions futures de gaz à effet de serre (GES) et d’utilisation des terres, sont utilisés pour projeter le changement au cours de l’horizon temporel (2015-2100) par rapport à la période de référence historique (1850-2014), en tenant compte les tendances annuelles et saisonnières [2].

Quelles régions du monde vont se réchauffer et connaître la sécheresse, considérant le scénario avec forçage climatique modéré ?
Alors que la température globale augmente, le taux de réchauffement n’est pas uniforme dans le monde entier. Le réchauffement sera plus important sur les surfaces terrestres et les pôles que sur les régions côtières et équatoriales. Les modèles climatiques mondiaux prévoient que l’Arctique (pôle Nord) connaîtra un réchauffement de surface plus fort que l’Antarctique (pôle Sud), et les deux se réchauffent considérablement plus rapidement que le reste de la terre, principalement en raison des différences dans la façon dont ces zones réfléchissent l’énergie du soleil [2].

La sécheresse sera plus importante sur les régions subtropicales/tropicales (où se trouvent la majorité des déserts du monde) et les régions côtières que sur les hautes latitudes, en particulier dans l’Arctique (où les océans plus
chauds augmentent la quantité d’eau qui s’évapore dans l’air), les zones équatoriales et les zones de moussonasiatiques. Les latitudes moyennes recevront des quantités modérées de précipitations [2].

Les résultats révèlent une forte similitude entre les modèles CMIP6 (i.e., des signaux robustes de réchauffement accru) mais moins sur l’intensité des changements, et aucun modèle n’est clairement performant que les autres (voir les sources d’incertitudes [2]).

Comment les différents scénarios futurs de GES affecteront la température et les précipitations dans les sous-régions de l’Afrique ?
Les températures et les précipitations projetées sur l’Afrique montrent une variabilité spatiale substantielle au cours du 21ème siècle.

La partie nord de l’Afrique (NAF), le Sahara (SAH) et l’Afrique du Sud-Ouest (SWAF) devraient subir un réchauffement croissant, suivis par l’Afrique centrale (CAF), l’Afrique du Nord-Est (NEAF) et l’Afrique du Sud-Est (SEAF).
L’Afrique de l’Ouest (WAF) et l’Afrique du Centre-Est (CEAF) connaîtront les valeurs les plus basses de la température annuelle moyenne par rapport aux autres régions [2].

Les résultats montrent que le SAH, le NEAF, et le CEAF devraient recevoir de fortes précipitations par rapport au NAF, au WAF, au SWAF, et au SEAF, qui sont susceptibles de connaître des conditions de sécheresse sévères.
Le scénario d’émission a un impact significatif sur la quantité de pluie qui tombe sur l’Afrique centrale (CAF), qui affiche des précipitations accrues sous le scénario SSP5-8.5 [2].

À quelle vitesse le Maroc va-t-il se réchauffer ? Va-t-il être de 1°C ou plus en moyenne et avec les tendances actuelles avant la fin du 21ème siècle ?
Nous avons trouvé que la température moyenne du Maroc était plus ou moins stable dans la phase préindustrielle, mais a régulièrement augmenté depuis les années 1990, lorsque le Maroc a augmenté sa capacité de charbon et a commencé à importer le gaz d’Algérie [2].

La quantité de gaz à effet de serre émise dans le monde au cours des prochaines décennies (i.e., le scénario d’émission) et le niveau d’incertitude de la sensibilité climatique du Maroc à ces émissions (i.e., modèle climatique, horizon temporel) détermineront l’ampleur du changement climatique au-delà des prochaines décennies.

Avec des réductions significatives de GES « SSP1-2.6 », nous constatons que l’augmentation annuelle moyenne de la température du Maroc, pour la période à court (resp. long) terme, pourrait être limitée à 1.07°C (resp. 1.72°C).
Cependant, si ces émissions ne sont pas significativement réduites « SSP5-8.5 », l’augmentation des températures
moyennes annuelles par rapport aux périodes de référence pourrait atteindre 1.25°C (resp. 6.25°C) d’ici la fin du
siècle [2].

Quelles zones du Maroc souffrent du réchauffement et de la sécheresse ?
Le climat du Maroc change et devrait continuer à changer dans tous les scénarios d’émissions jusqu’à la fin de ce siècle. Le réchauffement est plus fort dans les zones montagneuses du Rif et de l’Atlas, et s’affaiblit le long des zones côtières de l’océan Atlantique et de la mer Méditerranée. Les résultats montrent également une importante apparition progressive du climat humide dans la région du Sud, ainsi qu’une migration de l’aridité vers les régions du Nord, de l’Est et de l’Ouest [2].

Références
[1] Bouramdane A-A., « Morocco’s Current Trajectory to Mitigate and Adapt to Global and African Warming ». DOI: 10.13140/RG.2.2.16687.00161/1
[2] Bouramdane, A.-A., « Assessment of CMIP6 Multi-Model Projections Worldwide: Which Regions Are Getting Warmer and Are Going through a Drought in Africa and Morocco? What Changes from CMIP5 to CMIP6? », Sustainability-MDPI, https://doi.org/10.3390/su15010690.
[3] Bouramdane, A.-A., « Determining Vulnerable Areas to Warming and Drought in Africa and Morocco Based on CMIP6 Projections: Towards the Implementation of Mitigation and Adaptation Measures », European Geosciences Union (EGU) General Assembly 2023, Vienna, Austria, https://doi.org/10.5194/egusphere-egu23-2456.
[4] Bouramdane A-A., « Africa’s Vulnerability to Climate Losses
and Damages: A Particular Focus on Morocco ». DOI: 10.13140/RG.2.2.13331.55843/2
[5] Bouramdane A-A., « Lessons Learned from International Climate Negotiations: Mitigation, Climate Finance for Losses and Damages, and Adaptation ». DOI: 10.13140/RG.2.2.20042.44488/1
[6] Bouramdane, A.-A., « Chaleur Caniculaire, Incendies Gigantesques à Répétition: Des Signes du Changement Climatique?« , énergie/mines & carrières, DOI: 10.5281/zenodo.7594264.
[7] Bouramdane, A.-A., « Sécheresse: L’extrême Va-t-il Progressivement Devenir la Norme?« , énergie/mines & carrières, DOI: 10.5281/zenodo.7594311.
[8] Bouramdane, A.-A., « Pourquoi l’Atténuation et l’Adaptation aux Changements Climatiques sont Complémentaires ?« , énergie/mines & carrières, DOI: 10.5281/zenodo.7594404.
[9] Bouramdane, A.-A., « Scenarios of Large-Scale Solar Integration with Wind in Morocco: Impact of Storage, Cost, Spatio-Temporal Complementarity and Climate Change ». Institut Polytechnique de Paris, [PhD Thesis], Physics, Oct 2021, https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03518906.
[10] Bouramdane A-A., « Morocco’s Road Towards a Climate-Resilient Energy Transition: Grid Decarbonation vs. Energy Efficiency vs. Energy Sobriety ». DOI: 10.13140/RG.2.2.30108.77442/1
[11] Bouramdane, A.-A., « Hydrogène, Captage et Stockage du CO2 et Sobriété Énergétique : Tour d’Horizon« , énergie/mines & carrières, DOI: 10.5281/zenodo.7774592.

Par Ayat-Allah Bouramdane (PhD)
Ingénieure-chercheure dans le domaine des énergies renouvelables, flexibilité d’énergie (ex., stockage) et variabilité/changement climatique.

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