Energies Renouvelables

Analyse du changement d’heure en termes d’économies d’énergie

Avant de nous plonger dans les subtilités du fuseau horaire GMT+1 ou GMT+2, jetons un regard rétrospectif sur son histoire et son impact sur la synchronisation temporelle à travers le monde et sur l’économie d’énergie.

La révolution industrielle du XIXe siècle a vu l’émergence de moyens de transport et de communication plus rapides et efficaces, tels que le chemin de fer et le télégraphe. Cela a entraîné une interconnexion croissante entre les régions et les pays, rendant nécessaire une synchronisation précise de l’heure pour faciliter les échanges commerciaux, les transports et les communications. Avant cette période, chaque ville ou région utilisait son propre système d’heure locale, ce qui compliquait les horaires de voyage et les opérations commerciales.

Pour remédier à cette fragmentation horaire, l’heure GMT (Temps moyen de Greenwich) ou UTC (Temps Universel Coordonné), basée sur le méridien de Greenwich en Angleterre, a été établie comme référence universelle. En utilisant ce méridien comme point de départ, les différents fuseaux horaires ont été déterminés en fonction de leur décalage par rapport à l’heure GMT. Ainsi, l’heure GMT est devenue la norme internationale pour la coordination temporelle, facilitant les échanges mondiaux et la gestion des horaires à l’échelle planétaire.

Au Maroc, pendant la période d’hiver, le fuseau horaire correspond à GMT+1, ce qui signifie que l’heure locale est décalée d’une heure par rapport à l’heure GMT (heure de Greenwich). Pendant l’été, le Maroc passe au fuseau horaire GMT+2, avec un décalage de deux heures par rapport à l’heure GMT. Cela signifie que le lever du soleil et le coucher du soleil coïncident mieux avec les heures de travail et d’activité, réduisant ainsi la dépendance à l’éclairage artificiel.

Par exemple, grâce au passage au fuseau horaire GMT+1 en hiver lorsque le lever du soleil est plus tardif et les journées sont plus courtes, les soirées au Maroc bénéficient d’une heure de lumière naturelle supplémentaire, ce qui réduit la nécessité d’allumer les lumières artificielles dans les foyers et les entreprises. Cette mesure se traduit par une diminution de la demande d’électricité pendant les heures de pointe, réduisant ainsi la pression sur le réseau électrique national et limitant les risques de coupures d’électricité. En conséquence, le pays réalise des économies d’énergie substantielles et réduit sa dépendance aux combustibles fossiles, tout en contribuant à préserver l’environnement grâce à une utilisation plus efficace des ressources énergétiques.

En été, lorsque les journées sont plus longues et que le lever du soleil est plus précoce, passer à GMT+2 permet de prolonger encore davantage les heures d’ensoleillement, ce qui permet aux résidents de profiter de la clarté du jour jusqu’à une heure plus tard. Cette prolongation de la lumière naturelle réduit encore davantage la nécessité d’éclairage artificiel pendant les soirées, ce qui entraîne des économies d’énergie supplémentaires. De plus, en alignant les activités quotidiennes sur les heures de lumière naturelle, le pays optimise son utilisation des ressources énergétiques disponibles, ce qui contribue à une gestion plus durable de l’énergie à long terme.

Le Maroc choisit de ne pas appliquer le changement d’heure (GMT+1 en hiver, GMT+2 en été) pendant le mois de Ramadan pour éviter de perturber les rythmes quotidiens des pratiquants du jeûne. En maintenant une heure stable tout au long du mois, cela permet aux personnes de s’organiser plus facilement pour leurs activités religieuses et sociales, sans avoir à ajuster leurs horaires en fonction du changement d’heure. Cela contribue à une expérience plus fluide et moins perturbée pendant ce mois sacré.

La pertinence de ce changement d’heure est remise en question…
L’argument traditionnel en faveur des économies d’énergie semble désuet aujourd’hui, car les économies réalisées grâce à cette mesure sont devenues négligeables. Cela s’explique principalement par la baisse de notre consommation d’éclairage, résultant de l’amélioration de l’efficacité énergétique grâce aux ampoules basse consommation et à une utilisation plus responsable des ressources naturelles, tant dans les foyers que dans les espaces publics.

Dans une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en 2009, la transition vers l’heure d’été a entraîné des économies d’énergie d’environ 440 GWh, soit 0,07 % de la consommation totale d’électricité. Cependant, ces économies ont diminué au fil du temps en raison de l’amélioration des performances des systèmes d’éclairage et de l’utilisation accrue des ampoules à faible consommation. En 2018, les économies n’étaient que de 351 GWh, et d’ici 2030, elles devraient être de 258 GWh [1].

De plus, une étude britannique récente suggère que l’élimination du changement d’heure en octobre pourrait permettre d’économiser 400 livres sterling (5000 dirhams) par foyer et par an [1].
L’impact énergétique est minime, tandis que des préoccupations liées à la perturbation du cycle naturel et aux effets néfastes sur la santé sont soulevées. En effet, le sommeil, régulé par le rythme circadien sur une période de 24 heures, est essentiel au bon fonctionnement de notre organisme. Si ce cycle est perturbé, cela affecte l’ensemble de notre bien-être [2].

Ne devrions-nous pas plutôt prioriser le load shifting?
Le principe du load shifting, également appelé décalage de charge en français, consiste à déplacer la demande d’électricité de pointe vers des périodes où la demande est plus faible. Cela permet de mieux équilibrer l’offre et la demande d’électricité sur le réseau, réduisant ainsi la nécessité de recourir à des centrales électriques supplémentaires pour répondre à la demande lors des périodes de pointe [3, Chapitre 1].

Le load shifting peut être réalisé de différentes manières, notamment en incitant les consommateurs à réduire leur consommation d’électricité pendant les périodes de pointe, en encourageant l’utilisation d’appareils électriques pendant les heures creuses lorsque l’électricité est moins chère, ou en mettant en œuvre des stratégies intelligentes et des systèmes de gestion de l’énergie pour optimiser l’utilisation des ressources électriques disponibles [3].

En effet, le concept des heures creuses et des heures pleines repose sur la variation de la demande énergétique tout au long de la journée sur le réseau électrique.
En fin de journée, généralement entre 17h et 19h, la demande atteint son pic car c’est à ce moment que les ménages reviennent à la maison et consomment davantage. C’est pendant ces heures pleines que l’on allume le chauffage ou le climatiseur, que les enfants prennent leur douche, que les parents font des lessives et utilisent le sèche-linge, qu’ils cuisinent ou réchauffent des plats, et que le lave-vaisselle est en marche.
Cela signifie que les producteurs d’énergie doivent augmenter leur production pour répondre à cette forte demande simultanée. Pour atténuer cette pression, il est avantageux de programmer les appareils électriques tels que le chauffe-eau ou le climatiseur, le lave-linge, le sèche-linge et le lave-vaisselle pour fonctionner pendant les heures creuses. En agissant ainsi, on évite de surcharger le réseau électrique pendant les heures de pointe, ce qui permet non seulement de préserver l’intégrité du réseau, mais aussi de réaliser des économies d’argent.

Conclusion
Alors que le changement d’heure était autrefois considéré comme une mesure efficace pour économiser de l’énergie en ajustant les horaires d’activité à la lumière naturelle, son impact est devenu moins significatif à mesure que les technologies et les comportements ont évolué pour réduire la demande d’éclairage artificiel.
Le load shifting est souvent considéré comme une stratégie plus efficace pour optimiser l’utilisation de l’énergie et réduire les coûts à long terme. En encourageant les consommateurs à utiliser l’électricité de manière plus judicieuse et en répartissant la demande d’électricité de manière plus équilibrée tout au long de la journée, le load shifting peut avoir un impact plus significatif sur l’économie d’énergie et la durabilité environnementale.

Références
[1] La Tribune 2022, Economies d’énergie : le changement d’heure se justifie de moins en moins, https://www.latribune.fr/entreprises-finance/transitions-ecologiques/economies-d-energie-le-changement-d-heure-se-justifie-de-moins-en-moins-938680.html
[2] Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm), Les effets du changement d’heure sur notre horloge biologique, https://presse.inserm.fr/cest-dans-lair/les-effets-du-changement-dheure-sur-notre-horloge-biologique/
[3] Ayat-Allah Bouramdane, « Scenarios of Large-Scale Solar Integration with Wind in Morocco: Impact of Storage, Cost, Spatio-Temporal Complementarity and Climate Change ». Institut Polytechnique de Paris, [PhD Thesis], Physics, Oct 2021, https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03518906

Par Ayat-Allah Bouramdane (PhD)
Professeure Assistante au Laboratoire des Énergies Renouvelables et Matériaux Avancés (LERMA), Collège Ingénierie & Architecture, de l’Université Internationale de Rabat (UIR).

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