Editorials

Une économie de chandelle

Nous sommes peut-être proches de l’ambiance qui régna dans la plupart des pays européens sur la rationalisation des dépenses. Mais nous sommes aussi à deux doigts de subir le même schéma si le fonctionnement de nos départements continue de bouffer l’effort de l’investissement. Certes, la mentalité n’est pas la même. Les paradigmes changent. Il y a une grande disparité entre les départements gouvernementaux au Maroc, à l’image de celle qui frappe la société. Déjà pour le Budget 2010, décision a été prise de réduire le train de vie de l’État de 10%. Les dépenses de fonctionnement avaient été revues en baisse de 15 milliards de DH. Les signaux de la vraie crise sont déjà perceptibles. Et contrairement au ton optimiste de l’argentier du Royaume à la 11ème réunion du Comité de veille stratégique, le moral du monde des affaires semble mitigé. Le textile, lui, peine à relever la tête mais cette question d’enjeux et d’adresse. C’est un secteur qui doit se chercher d’autres débouchés comme l’Afrique par exemple. Plusieurs milliers d’emplois y ont été sacrifiés, d’aucuns parlent de plus de 10% de la main-d’oeuvre. Il va donc falloir faire la part des choses avant d’imposer une cure de rigorisme. Le Parlement en est l’illustration. Députés et conseillers n’ont jamais eu les vrais moyens et outils pour accomplir comme il se doit leur rôle de contrôle du gouvernement.
Cumulées, ces contraintes pousseront indubitablement à des coupes dans les budgets sectoriels. L’idée est là. Son bruit résonne au sein du département du ministre des Finances, bien que l’on ne veuille pas encore l’exprimer crûment de peur de bousculer les esprits. Selon nos informations, certains ministres ont déjà commencé à demander à leurs staffs de préparer des fiches détaillées sur leurs dépenses de trop. Celles que l’on peut facilement sacrifier au profit d’autres plus importantes. Les chefs de départements ont compris que les négociations budgétaires seront, cette année, plus serrées que par le passé. En effet, les dépenses de fonctionnement posent problème, leur rationalisation surtout. Et à terme, comme le reconnaissent certains responsables aux Finances, auront leur impact sur la croissance et l’investissement public de manière générale.
Avec aussi la baisse des recettes fiscales, les marges de manoeuvres du gouvernement deviennent de plus en plus étriquées. Déjà à la fin du premier trimestre 2010, l’exécution de la loi de Finances s’est soldée par un déficit budgétaire de 4,5 milliards de DH, les recettes fiscales ayant diminué de 7,5 et de 11,5% durant la même période en 2009. Quant aux privatisations, c’est une bouée de sauvetage que l’on ne peut pas éternellement utiliser. On ne peut pas également exclure l’appui communautaire, sous forme de dons, à travers le Programme indicatif national 2011-2013 d’un montant indicatif global de 580,5 millions d’euros (plus de 6,6 milliards DH) qui vient d’être renfloué et qui prévoit le développement de cinq volets, à savoir : le développement des politiques sociales, modernisation économique, appui institutionnel, bonne gouvernance et droits de l’Homme et le volet protection de l’environnement. Il s’agit aussi de plusieurs programmes visant la prévention de l’habitat insalubre, le développement rural intégré dans le Nord du pays et l’appui à la couverture médicale de base. Quant au secteur de l’industrie qui oscille entre l’offre et la demande, l’impact est frontal. Le secteur dépend entièrement de facteurs exogènes. La baisse des commandes est de 31%, le câblage étant principalement impacté. Dans ce secteur qui fait partie des métiers mondiaux du Maroc, on déplore des centaines d’emplois sacrifiés. La facture pétrolière pèsera aussi de tout son poids durant la préparation du prochain budget. A 80 voire 83 dollars le baril, l’argentier du pays devra revoir ses calculs. Les prévisions du surcoût en termes d’engagements pour soutenir les prix des hydrocarbures dérangent. Il faut s’attendre à une pression supplémentaire sur la Caisse de compensation qui dépasserait les 11 milliards de DH initialement prévus. Si l’on ajoute à cela les répercussions perverses de la crise en Europe sur le tourisme et les transferts MRE, la facture risque de devenir un peu lourde. La politique de rationalisation des dépenses de fonctionnement n’a permis de réaliser qu’une petite économie de chandelle si on ne met pas une pression sur les départements dépensiers.

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